Le 2 juin dernier, une vibrante allocution de Nathalie Loye a tout particulièrement retenu mon attention dans le cadre du congrès international francophone de pédagogie en sciences de la santé qui se tenait à Amiens, en France.
Nathalie Loye est professeure agrégée à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal et elle se spécialise en mesure-évaluation. La table ronde à laquelle elle participait avait pour titre « La sélection des étudiants à l’entrée des études en santé : enjeux, méthodes, limites et perspectives ».
À la suite des brefs discours d’autres conférenciers ayant mis de l’avant diverses perspectives incluant notamment la diversité des processus d’admission entre pays et entre programmes, l’élitisme, la justice procédurale et l’inégalité des chances, Nathalie Loye a confirmé d’entrée de jeu qu’il fallait sélectionner les personnes étudiantes en considérant que les candidatures potentielles sont beaucoup plus nombreuses que le nombre de places d’admission à décerner.
Suivant la présentation de quelques statistiques sur les admissions en médecine, elle a brièvement énoncé quelques limites et critiques relatives aux processus d’admission actuels, en particulier :
- Les lettres de motivation et les tests de personnalité (fiabilité variable) ;
- Les mini-entrevues multiples (MEM) (un ou une personne candidate peut simuler une autre personne que celle qu’elle est réellement et il aurait été démontré que ces mini-entrevues défavorisent certaines communautés ethniques) ;
- Les mesures de dimensions cognitives (bien qu’elles soient reconnues fiables en regard de la réussite des études en médecine, elles demeurent largement insuffisantes) ;
- L’examen CASPer (qu’est-ce que cet examen opéré par une compagnie privée évalue vraiment? Le fait que des étudiants s’y préparent via du mentorat ou des cours de préparation payants n’est pas équitable).
Selon Pre Nathalie Loye, la littérature démontre qu’à partir du moment qu’elles sont admises dans un programme de médecine, les personnes étudiantes peuvent toutes réussir. Qu’elles fassent partie des très bonnes candidatures ou des excellentes candidatures ne fait plus de différence. Ainsi, Pre Loye terminait en demandant si, à partir de l’établissement d’un seuil minimal, les dossiers à admettre dans les programmes de formation en santé ne pourraient-ils pas être tirés au sort?
L’idée de ce scénario a provoqué de vives réactions chez nos collègues Européens.
Nathalie Loye lui conférait pourtant quelques possibles avantages :
- Toutes les candidatures qui rencontrent les exigences minimales auraient une chance égale d’être tirées ;
- Les personnes étudiantes seraient probablement moins affectées par un échec qui relève du hasard et pas de leurs attributs personnels ;
- La procédure permet une meilleure représentativité et diversité.
Il était toutefois admis que :
- Le fait que les personnes étudiantes n’aient aucun contrôle sur le résultat pourrait potentiellement avoir un impact négatif sur leur motivation.
À partir de ce point, les inconforts réfèrent à nos valeurs. Le réalisme du scénario évoqué semble ainsi particulièrement dépendre des valeurs des décideurs.
Qu’en pensez-vous?
En terminant, Pre Nathalie Loye a rappelé que nous étudions les cohortes de personnes étudiantes ayant été admises au programme de médecine, mais pas celles qui auraient pu mais qui ne l’ont pas été… Matière à réflexion?