Compte rendu du panel d’experts du MPU 2024
À l’automne 2023, la vice-rectrice aux études a demandé au Service de soutien à la formation (SSF) de « fédérer les expertises » existantes en intelligence artificielle (IA) de toutes les facultés de l’Université de Sherbrooke – UdeS pour réfléchir aux façons dont les divers programmes pourraient intégrer l’enseignement critique de l’IA dans les prochaines années (tant au niveau des contenus fondamentaux que des méthodes pédagogiques). Un comité expert fut alors constitué avec comme objectif de remettre des recommandations avant la fin de l’année 2024.
À l’occasion du Mois de la pédagogie universitaire (MPU) le 16 février dernier, des membres du comité ont partagé publiquement leurs réflexions personnelles autour des premières questions sur lesquelles le comité s’est penché : (Q1) quel est le principal défi que pose l’intelligence artificielle pour une université? (Q2) Qu’est-ce que l’arrivée des outils d’IA grand public change pour l’enseignement et l’apprentissage à l’université? (Q3) Qu’est-ce qu’une personne qui diplômera en 2030 devrait savoir compte tenu de l’IA pour fonctionner dans la société à venir? (Q4) Qu’est-ce que les personnes enseignantes devraient/pourraient faire pour tenir compte de ce dont nous venons de discuter (enjeux/défis, changements à l’apprentissage, profils de sortie et compétences à développer)?
En prévision de la rentrée universitaire 2024 et en attendant les recommandations finales du comité, il nous a semblé stimulant de synthétiser les principales idées partagées à cette occasion par les professeurs Dany Baillargeon (LSH), Daniel Chamberland-Tremblay (Gestion), Florian Meyer (Éducation, animateur du comité) et Amine Trabelsi (Sciences).
L’initiateur du comité et de ce panel, Jean-Sébastien Dubé du SSF, a suggéré aux panélistes d’inviter «le sujet du panel» à prendre «la parole». Avec leur accord, les 4 questions ci-dessus ont donc été soumises à ChatGPT 3.5 en février 2024 et les réponses écrites ont été transformées en vidéo avec le logiciel synthesia.io. Vous pouvez visionner ces 4 vidéos diffusées lors du panel via les hyperliens suivants : Question 1, Question 2, Question 3, Question 4. Ces vidéos furent diffusées en ouverture des partages des participants.
Pour les panélistes humains, le premier défi auquel est confrontée l’université découle du fait que les outils d’IA générative (IAg) sont aisément accessibles pour la très grande majorité de la population (nonobstant les barrières d’accès aux numériques en général), incluant bien évidemment la population étudiante. La société dans laquelle évolue l’université et les organisations dans lesquelles se professionnaliseront les futures personnes diplômées voient déjà, quant à elles, leurs activités questionnées par la disponibilité, les capacités et les limites de l’intelligence artificielle. « Parce que nos diplômé(e)s vont travailler dans ces entreprises et influencer ces communautés » (Pr Chamberland-Tremblay), l’institution universitaire doit relever le défi de rester fidèles à ses missions, demeurer en dialogue avec les réalités de la communauté étudiante et de son environnement, tout en contribuant aux nécessaires délibérations sur les bons usages des outils d’IA.
De cette réalité, découle, pour les panélistes, qu’il ne s’agit pas de se demander si l’on doit intégrer les outils d’IA, mais où, quand, au nom de quoi et comment le faire. Alors, comme l’a formulé le professeur Baillargeon, «se poser les bonnes questions est crucial». Les personnes enseignantes, les programmes, départements et facultés doivent, entre autres, se demander : quelles sont les compétences d’un cours ou d’un programme qui offrent une plus-value humaine significative pour le professionnel en devenir? Que doit-on développer comme compétence pour garantir un usage sécuritaire de l’IA dans une profession pour permettre une responsabilisation des futures personnes professionnelles expertes?
Si, pour le professeur Trabelsi, il est fondamental pour des personnes étudiantes en sciences et en informatique créant les outils d’IA de comprendre leur fonctionnement et leurs limites, les panélistes s’accordent pour dire qu’une littératie générale de l’intelligence artificielle doit être offerte à toute la communauté étudiante qui les utilise. Cette base est nécessaire pour permettre ensuite un esprit critique et un regard éthique disciplinaire plus approfondi.
Il fut également nommé comme crucial de ne pas simplement déléguer des tâches à l’IA au nom de l’efficacité et de la rapidité d’exécution. Les processus d’apprentissage doivent offrir aux personnes étudiantes la possibilité de maintenir et développer leur «agentivité créative […] la possibilité de faire des liens que la machine ne fera pas» (Pr Baillargeon). Qu’elles puissent ainsi devenir des citoyennes «capables d’une prise de recul, d’une compréhension plus large à l’intérieur des systèmes», capables de s’adapter pour demeurer responsables de leurs actes personnels et professionnels, bref, de «meilleurs humains […] soutenant le développement de la société» (Pr Chamberland-Tremblay).
Pour ce faire et toujours selon les panélistes, il faudrait que le personnel enseignant accepte de prendre une posture d’humilité, d’apprentissage et d’adaptabilité qui permette de sortir de schémas confortables en priorisant les besoins des personnes apprenantes. Plus particulièrement, il faudrait accepter de passer d’une pédagogie qui demande de construire des synthèses des connaissances à une pédagogie permettant de déconstruire les synthèses produites par les outils d’IA et leurs supplétifs.
À écouter ce panel, l’on devrait ainsi envisager non seulement de changer ce que vont apprendre les personnes étudiantes à l’UdeS, mais également de changer les stratégies pédagogiques utilisées pour permettre les processus d’apprentissage, voire de carrément changer les postures des personnes apprenantes et enseignantes vis-à-vis l’apprentissage. À suivre donc, avec plus de détails et de finesse, dans leur rapport d’ici quelques mois.
Les deux journées thématiques IA du MPU 2024 ont offert à la communauté universitaire de nombreuses conférences et ateliers. Si le sujet vous intéresse, nous vous suggérons la lecture d’un autre compte-rendu, celui de la conférence de la professeure Céline Verchère «Apprivoiser les IA depuis un an… et la suite? Impacts et enjeux éthiques et sociaux des IA». Vous pouvez également retrouver les présentations d’autres activités sur cette page.