Pédagogique Technologique

Écriture et lecture à l’ère de l’ordinateur

Deux articles d’InternetActu.net ont attiré mon attention.  Parus le même jour (est-ce un hasard?), l’un traite de la création d’oeuvres de fiction soutenue par ordinateur, alors que l’autre développe une réflexion sur la lecture qui se fait de plus en plus par le biais d’écrans et les conséquences que cela entraînent.

D’abord, sur l’écriture numérique,

« Qu’il s’agisse d’un jeu vidéo ou d’une fiction interactive, il existe aujourd’hui une nouvelle forme de littérature qui utilise l’informatique comme médium pour élaborer des histoires et des personnages crédibles. Le but des nouveaux écrivains n’est pas de faire passer le test de Turing à leurs créations, ou de réfléchir sur la logique des comportements, mais de fournir au lecteur une narration crédible et opérationnellement engageante. »
[…]

« Pour François Coulon (prix de la Scam en 2002 pour sa fiction interactive Pause), et plus récemment auteur du Réprobateur : “On peut voir dans la littérature interactive l’arrivée d’un relief, qu’on pourrait comparer à la polyphonie : il ne s’agit pas seulement d’écrire plusieurs lignes mélodiques, mais aussi les relations qu’elles entretiennent, littéralement la façon dont elles s’accordent. Il y a cette dimension supplémentaire, qui joue sur les associations, les variations… »
[…]

« Symptomatique du Web 2.0, l’écriture collaborative n’est pas non plus un phénomène nouveau, loin de là. Les surréalistes s’amusaient déjà avec le “cadavre exquis”, dans lequel chacun des participants devait écrire un morceau de phrase caché aux autres constituant au final un texte des plus délirants.

Cette forme d’écriture se distancie de l’écriture interactive plus traditionnelle. Pour François Coulon, son travail “relève clairement d’une école de l’écrit, de l’édition, alors que, sans jugement de valeur, on pourrait placer des œuvres génératives ou en réseau davantage dans une tradition orale.”

S’il est une forme d’écriture collaborative qui met en scène des milliers d’auteurs, c’est bien celle du jeu de rôle massivement multijoueurs (MMORPG), qui doit organiser la créativité de milliers de participants gérant chacun leur personnage. De plus, l’auteur (le scénariste) partage sa création avec une large équipe… »
[…]

« Ce qui frappe dans ces tentatives d’écriture collaborative ou interactive, ce n’est pas tant l’extrême modernité du discours que le souci de bon nombre des acteurs du domaine de se situer dans une tradition immémoriale, et même de revenir aux sources de la littérature. […]

Lorsque je l’ai interrogé, David Calvo [auteur qui cumule les métiers d’écrivain “classique”, publié, et celui d’auteur pour Dofus, un jeu massivement multijoueurs en ligne] a été plus loin. Un grand écueil serait de croire que le jeu pourrait se modéliser sur les formes occidentales classiques de la narration : le roman, le film. Pour écrire pour le jeu, il faut revenir aux racines : à la poésie antique ! »

Quant à la lecture sur écrans, Xavier de la Porte, producteur de l’émission Place de la Toile sur France Culture, traduit un article très pertinent de Kevin Kelly (anciennement du Wired) paru dans le Smithsonian.com du mois d’août 2010 et qui s’intitule « Reading a whole new way ». 

« Les livres, poursuit Kevin Kelly, avaient pour qualité de développer une intelligence contemplative. Les écrans encouragent un mode de pensée plus utilitaire. Une nouvelle idée, ou un fait non familier, provoqueront comme réflexe de faire quelque chose : chercher un mot, demander à nos amis numériques leur avis, trouver d’autres points de vue sur la question, créer un marque-page, ajouter un commentaire, écrire un tweet. Bref, nous ne nous contenterons plus de contempler. La lecture des livres a renforcé nos capacités d’analyse en nous encourageant à prolonger l’observation jusqu’à la note de bas de page. La lecture sur écran encourage, elle, à la fabrication rapide de modèles, en associant une idée avec une autre, en nous armant pour nous débrouiller avec les milliers d’idées nouvelles qui sont exprimées chaque jour.  La lecture sur écran récompense et nourrit la pensée en temps réel…. » [notre emphase] 
[…]

« …Dans les livres, ce que nous trouvons, c’est la vérité révélée. Sur l’écran, nous assemblons des pièces pour créer notre propre vérité. Le statut d’une nouvelle création n’est pas donné par le niveau des critiques qu’elle a suscitées, mais par le degré auquel elle est liée au reste du monde. Une personne, un artéfact, un fait, n’existent pas s’ils ne sont pas liés. » [nos emphases] […]

« Nous vivons, conclut Kevin Kelly, sur des écrans de toutes les tailles, des IMAX aux Iphones. À l’avenir, nous ne serons jamais très loin d’un écran. Les écrans seront le premier lieu où nous chercherons des réponses, des amis, des informations, du sens pour savoir ce que nous sommes et ce que nous pourrions être. »

Peut-on encore penser que le rapport au savoir ne changera pas?

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À propos de l'auteur

Jean-Sébastien Dubé

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