Merci à mon collègue Jean-Sébastien Dubé qui m’a pointé la chronique d’Yves Gingras à l’émission radiophonique Les années lumière du 12 novembre 2017, chronique qui portait sur l’édition savante. Gingras commente la démission de plusieurs chercheurs allemands de leurs postes d’éditeurs en chef et de membres de comités éditoriaux pour les revues scientifiques appartenant à Elsevier. La nouvelle de ces démissions a également été rapportée dans un article duThe Scientist le 18 octobre dernier, dans lequel on apprenait que ces démissions étaient en réaction au cul-de-sac des négociations entre la Conférence des recteurs allemands (German Rectors’ Conference) et Elsevier.
This is the latest development in the ongoing fight for favorable pricing and open access by the DEAL project, an alliance of German institutions led by the German Rectors’ Conference. DEAL is pushing for publishers to adopt a “publish and read model,” where one combined fee would include access to all of Elsevier’s journals and “golden open access,” which would allow all papers with German first authors to be freely accessible to readers around the world.
Pour Gingras, les démissions allemandes ne sont pas une surprise, lui qui considère que les chercheurs sont de grands naïfs, car
…[I]ls publient gratuitement, ils écrivent gratuitement, ils évaluent gratuitement, ils participent à des comités éditoriaux gratuitement. C’est acceptable lorsque les revues sont des revues de sociétés savantes […] des revues de communautés. Ça reste entre nous. Par contre, les grands groupes, c’est privé. Les profits sont cotés en bourse et donc ils ont de l’argent. Ils (les chercheurs) se sont dit « On est en train d’avoir laissé le travail gratuit rendu privatisé à profit.”
Mais la naïveté dont ils ont fait preuve s’effrite rapidement. Depuis qu’Internet a ouvert les portes à une accessibilité sans précédent, les géants de l’édition savante (Elsevier, Wiley, Sage, Springer Nature…) sont fortement critiqués pour leur « gourmandise en termes de profits : 30 % et +. Et ce sont les bibliothèques de leurs propres institutions qui, en grande partie, contribuent à ces profits par des abonnements dont les coûts ne cessent d’augmenter. Cette « gourmandise » semble avoir atteint un point de rupture, car de plus en plus de bibliothèques menacent de ne pas renouveler leurs abonnements.
Les chercheurs réclament que leurs articles soient en libre accès, car, en bout de piste, l’accessibilité compte tout autant, sinon plus, que la publication. En réalité, Internet offre la possibilité aux scientifiques de reprendre le contrôle sur la publication et la diffusion des savoirs. C’est un véritable changement de paradigme qui est en cours.
Ce qui se passe en Allemagne pourrait fort bien se répandre ailleurs dans le monde… C’est à suivre.
Sources
Gingras, Yves, interviewé par Sophie-Andrée Blondin. Revues scientifiques : la naïveté des chercheurs a un prix… Les années lumière, Radio-Canada.ca. 12 novembre 2017.
Kwon, Diana. German Scientists Resign from Elsevier Jounals’ Editor Boards. The Scientist. 18 octobre 2018
Kwon, Diana. Major German Universitie Cancel Elsevier Contracts. The Scientist. 17 juillet 2018