Billet intéressant de l’enseignant blogueur et conseiller pédagogique Sébastien Stasse sur l’échec perçu (ce n’est pas son avis) de la réforme au secondaire et primaire qu’il attribue à la difficulté d’évaluer les compétences. Face à la ministre de l’éducation qui semble envisager un retour à l’acquisition de connaissances, il affirme: « Il faut connaître pour être compétent, mais il ne suffit pas de connaître pour être compétent. » Il entreprend ensuite de démontrer la difficulté d’évaluer les compétences:
« Pour arriver à évaluer le degré de compétence de quelqu’un, dans la vie de tous les jours, on utilise notre expérience, notre jugement. On s’attend à ce qu’une journaliste s’informer suffisamment sur son sujet, qu’un comptable connaisse les dernières modifications à la loi de l’impôt sur le revenu. Mais en plus, ce comptable devra arriver à produire la déclaration de revenus et la journaliste écrire son article. Par la suite, même si les deux arrivent à produire un résultat, ce travail fera l’objet d’une «évaluation» reposant sur des faits ou une impression générale des lecteurs ou du client. On dira de notre garagiste qu’il est compétent lorsqu’il trouvera et réparera rapidement le problème de notre voiture. On se fit à notre jugement, sans être un expert de la réparation automobile. Cette «évaluation» repose donc sur un ensemble de données, et pas simplement sur un des aspects du travail effectué. On base donc notre jugement en bonne partie sur des observations. Même si votre notaire est bardé de diplômes, ce que vous voulez, c’est qu’il puisse produire le travail que vous lui demandez dans les meilleurs délais. » [NDLR: mes emphases. Bien que ce ne soit pas relié, je ne peux m’empêcher de penser à Cathy Davidson et à son discours sur le fait qu’avec les réseaux sociaux, on est constamment placés en situation où l’on doit évaluer de l’information complexe « sans être un expert ».]
Stasse poursuit en mentionnant divers outils qui permettent cette évaluation (« grilles analytiques, des grilles descriptives, des portfolios, des échelles de niveaux de compétences, des grilles d’observations et j’en passe »), mais en arguant que les enseignants n’ont eu ni le temps ni le soutien nécessaire à les développer et à les apprivoiser. Il rappelle les particularité de l’évaluation des compétences:
« Ce n’est pas aussi simple que de faire passer un examen à la fin de l’étape, ça demande de placer l’élève en situation de réalisation de tâche complexe où il pourra utiliser (ou mobiliser) les connaissances acquises pour résoudre un problème ou produire un travail. La seule production finale ne suffit pas pour attester de sa compétence, encore faut-il voir les traces de sa démarche. »
Pour lui, « si l’évaluation n’est pas bien maîtrisée et comprise par les enseignants, comment pouvons-nous arriver à juger de l’application d’une réforme qui vise l’acquisition de compétences. […] Cette audacieuse réforme pédagogique a tout pour réussir, mais la formation en évaluation est absolument essentielle pour assurer cette réussite. » Cela l’amène à mentionner que la structure scolaire ne s’est pas adapté, en donnant l’exemple des « cours de 60 minutes au secondaire qui sont nettement insuffisant pour placer l’élève en situation de tâche complexe ».
Dans la diffusion de l’approche parcours aux enseignants universitaires, peut-être aurions-nous intérêt à prévoir des moments particuliers pour parler d’évaluation des compétences et rappeler que celle-ci suppose des aménagements importants dans la logistique (grille horaire, locaux appropriés, etc).
[P.S.: Pour ceux qui s’intéresse aux réactions du monde de l’éducation face aux « louvoiements » de la ministre, lire cet éditorial bien senti de Martine Rioux dans l’Infobourg… qui m’a amené au billet de Sébastien Stasse.]