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Les IA, le droit d’auteur et vous

En collaboration avec Myriam Beaudet, du SBA. Au Québec, la réflexion sur l’application de la Loi sur le droit d’auteur aux produits issus de l’intelligence artificielle ne date pas d’hier; chaque avancée technologique majeure soulève des questions inédites. J’aborderai dans ce billet l’attribution d’un contenu généré par l’IA ainsi que la notion d’auteur « valide » dans l’édition scientifique.

Quelques points de repère

Le programme informatique en tant qu’œuvre

Dans son article « Adapter le droit d’auteur Canadien à l’IA » (2021), Delacour nous rappelle que la loi est claire : les programmes informatiques tels que ChatGPT sont assimilés à des « œuvres littéraires » au sens de l’article 2 de la Loi sur le droit d’auteur. Ils peuvent également constituer une invention brevetable dans le cadre de la Loi sur les brevets.

Les choses se compliquent lorsqu’on aborde la titularité des produits de l’IA.

Les œuvres produites par l’IA

Qui sont les auteurs d’une « œuvre » produite par une IA générative telle que ChatGPT?

Dans son excellent bulletin publié en février sur le site de la SOQUIJ, Paillon (2023) propose les options suivantes :

  • Le propriétaire de cet outil (OpenAI)
  • Les usagers qui « commandent » le robot
  • Les personnes ayant entraîné l’algorithme
  • Les auteurs des textes ayant servi à entraîner l’IA

Les lois et la jurisprudence nous disent que la notion d’auteur est indissociable de celle d’ « originalité », laquelle implique l’exercice du talent et du jugement. Ces concepts sont liés à diverses activités spécifiquement humaines « (la faculté de discernement, l’aptitude à développer une opinion, etc.), ce qui exclut donc, normalement, la production automatique d’un robot comme ChatGPT » (Paillon, 2023).

Il s’agit donc de déterminer qui a fait preuve de « talent et de jugement » dans la production d’un article (par exemple) coécrit par un chatbot. Le juriste Paillon, en étudiant ce qui se fait ailleurs, propose deux approches possibles pour une éventuelle révision de la Loi sur le droit d’auteur :

Approche 1 : Les coauteurs

« [L]es auteurs des textes […] qui ont nourri l’entraînement de l’IA pour produire un nouveau texte de fiction seront considérés comme co-auteurs (complexe d’application, exige expertise linguistique). » (Paillon, 2023).

Approche 2 : Domaine public

« [L]orsque c’est l’algorithme qui fait montre de la part la plus importante de «talent» et de «jugement» , puisque l’IA n’est pas un humain, alors sa production artistique, culturelle, documentaire, etc., tombe dans le domaine public. » (Paillon, 2023).

À suivre, donc.

ChatGPT, un auteur « valide »?

La question de l’attribution ne se pose pas uniquement du point de vue légal, mais aussi du point de vue de l’éthique de la recherche. Dans une lettre qu’il adresse aux éditeurs scientifiques, Teixeira da Silva (2023) en appelle à leur éthique pour déterminer ce qui constitue et ne constitue pas un « auteur valide ». Pour ce faire, il nous rappelle les quatre critères recommandés par le International Committee of Medical Journal Editors (ICMJE) :

1.           Contribution substantielle à la conception ou à l’élaboration du texte, ou à l’acquisition, à l’analyse ou à l’interprétation des données nécessaires au texte ;

2.           Rédaction de l’œuvre ou révision critique du contenu intellectuel;

3.           Approbation finale de la version à publier ;

4.           Accepter d’être responsable de tous les aspects du travail en veillant à ce que les questions liées à l’exactitude ou à l’intégrité de toute partie du travail fassent l’objet d’une enquête et d’une résolution appropriées. [traduit avec Deepl.com, puis adapté] (ICMJE, 2022)

Teixeira estime, et cela me paraît censé, qu’un programme informatique sans conscience ne répond pas aux critères d’approbation et de responsabilité.

La suite au prochain épisode!

Dans un prochain billet, j’aborderai les questions des droits des auteurs des œuvres ayant servi à l’entraînement des IA génératives; les risques de contrefaçon et les enjeux liés aux corpus propriétaires.

Pour en apprendre davantage à ce sujet, consultez les actualités sur Eurêka!

Sources

Delacour, E. (2021, 9 août). Adapter le droit d’auteur Canadien à l’IA [blog]. CScience. https://www.cscience.ca/2021/08/09/adapter-le-droit-dauteur-canadien-a-lia/

Gouvernement du Canada, I. (2021, 16 juillet). Consultation sur un cadre moderne du droit d’auteur pour l’intelligence artificielle et l’Internet des objets [commentaires]. Innovation, Sciences et Développement économique Canada. https://ised-isde.canada.ca/site/secteur-politique-strategique/fr/politique-dencadrement-marche/politique-droit-dauteur/consultation-cadre-moderne-droit-dauteur-pour-lintelligence-artificielle-linternet-objets

ICMJE. (2022). Recommendations for the Conduct, Reporting, Editing, and Publication of Scholarly Work in Medical Journals.

Paillon, E. (2023, 7 février). ChatGPT bouscule le droit d’auteur. Blogue SOQUIJ – Actualités juridiques et judiciaires du Québec. https://blogue.soquij.qc.ca/2023/02/07/chatgpt-bouscule-le-droit-dauteur/

Teixeira da Silva, J. A. (2023). Is ChatGPT a valid author? Nurse Education in Practice, 68, 103600. https://doi.org/10.1016/j.nepr.2023.103600

Pour en savoir plus

Liebrenz, M., Schleifer, R., Buadze, A., Bhugra, D. et Smith, A. (2023). Generating scholarly content with ChatGPT: ethical challenges for medical publishing. The Lancet Digital Health, 5(3), e105‑e106. https://doi.org/10.1016/S2589-7500(23)00019-5

Uludağ, K. (2023). The Dark Side of ChatGPT: Unveiling the Truth Behind Plagiarism Rate Concerns.

Oguama, L. (2022). Intellectual Property and Artificial Intelligence: Emerging Prospects and Challenges.

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Mireille Léger-Rousseau and Myriam Beaudet - SBA

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