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Plagiat : se taire ou dire?

Daniele Fanelli, professeur invité à l’Université de Montréal, et Vanja Pupovac, Université de Rijeka (Croatie), ont analysé les résultats à 17 sondages sur le plagiat impliquant des milliers de scientifiques. Ils ont publié leur analyse dans Sci Eng Ethics le 15 octobre 2014. On y apprend que près du tiers des répondants ont été témoins de plagiat.

La question qui suit cette statistique ne serait-elle pas la suivante?  Si j’étais témoin d’un cas de plagiat, que ferais-je?

Préoccupée par le sujet, Michelle Bergadaà, spécialiste internationale du plagiat, a posé la question suivante aux milliers de personnes abonnées à ses lettres ResponsableSi vous convenez du comportement plagieur d’un de vos confrères et que vous ne le dénoncez pas, quelle en est la raison ? 

Elle vient de publier un rapport d’analyse intitulé La volonté d’agir qui comprend trois analyses des réponses qu’elle a reçues à sa question :

  • une analyse sémiotique, qui met en lumière 1) un comportement différencié selon que l’auteur d’un plagiat observé est un étudiant ou un collègue et 2) l’ambiguïté terminologique des vocables “délation”, “dénonciation”, “révélation” et “plainte”;
  • une analyse des freins à agir dans une perspective structuraliste en fonction des trois types de principes : circonstanciels, collectifs et individuels;
  • une analyse de la motivation à agir dans une perspective sociopsychologique qui prend appui sur les racines identitaires des répondants : réciprocité, altérité, charité, justice sociale et apathie.

 Bergadaà conclut sur l’action :

Parvenus à la fin de cette analyse, nous ne savons toujours pas quel terme utiliser pour satisfaire tous nos pairs chercheurs de toutes disciplines et de dix-sept pays différents. Révélateur, plaignant, dénonciateur, informateur…  Qu’importe!  «Dire», simplement dire le plagiat pour l’affronter. […] Mais enfin, comment se réclamer de la liberté académique si nous ne nous donnons pas la liberté de dire «non» aux comportements plagieurs qui vont à l’encontre de nos valeurs scientifiques? […] Mais, comment le dire pour protéger l’«objet» notre métier, sa raison d’être : la création originale et la diffusion de connaissances.

Et elle termine ce rapport par des conseils aux personnes qui souhaitent signaler, révéler, dénoncer un plagiat :

  1. établir la preuve, ce qui se fait assez facilement avec les logiciels de détection de similitudes;
  2. révéler le plagiat avec un dossier bétonné et des demandes précises;
  3. cibler convenablement l’instance concernée et faire parvenir une copie au comité d’éthique de l’établissement du plagieur;
  4. choisir le bon moment;
  5. avoir conscience des risques de la dénonciation et développer un sens de l’humour (pour survivre);
  6. comment se comporter après le résultat de l’enquête : la magnanimité en cas de «victoire» et philosophie en cas d’ «échec».

Bref, un rapport à lire et à relire par qui veut comprendre à quel point cette question est complexe.

Sources –
Bergadaà, Michelle. La volonté d’agir – Rapport d’analyse, no 2014-007. Novembre 2014.

Grens, Kerry. Study: Scientists Witness Plagiarism Often. The Scientist. 3 novembre 2014.

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Sonia Morin

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