Michelle Bergadaà, la spécialiste européenne du plagiat, vient de publier un article intitulé « Sciences ou plagiat ». Le tout premier paragraphe épingle d’emblée, avec une limpidité exemplaire, le cœur du problème du plagiat à l’université :
« Pourquoi le problème du plagiat est-il fondamental ? Lorsque nous avons posé la question à un échantillon multidisciplinaire, 34 % des répondants ont déclaré que l’auteur plagié était une victime à soutenir, 25 % que le monde académique était déprécié et la « crédibilité du système » en danger. Aucun répondant n’a mentionné que le « lecteur » était floué, en vertu du fondement même de notre métier. Pourtant, nos démarches de démonstration et de validation impliquent l’indication de l’origine des sources et celle des processus d’élaboration de la connaissance. Citer ses sources vise moins à légitimer d’autorité un argument, à rendre hommage aux auteurs, voire à favoriser leur indice international de citation, qu’à restituer le cadre d’une réflexion et le processus argumentatif. Tout lecteur doit être en mesure de questionner les documents originaux, d’identifier des failles dans l’argumentation proposée, d’émettre des hypothèses alternatives, de créer, enfin, de nouvelles interprétations faisant progresser le savoir scientifique. C’est en cela que le plagiat scientifique ne peut être assimilé au plagiat artistique, littéraire ou à la simple contrefaçon d’une production. Refuser à celui qui nous suit, à notre lecteur, l’accès aux écrits de ceux qui nous ont précédés et aidés à construire nos écrits, c’est couper le lien du savoir. »
En espérant que cet extrait donne le goût de poursuivre la lecture de l’article.
Source
Bergadaà, M. Sciences ou plagiat. Expression de l’innovation en géosciences, Une journée, Cojan I., Friès G., Grosheny D., Parize O., Paris : Presses des Mines, Collection Sciences de la Terre et de l’environnement, 2012, pp. 51- 63.