En juin dernier, l’Observatoire international sur les impacts sociétaux de l’IA et du numérique (Obvia) a présenté le rapport : « État de situation sur les impacts sociétaux de l’intelligence artificielle et du numérique ». Ce rapport, divisé en sept axes et s’appuyant sur des recherches interdisciplinaires, analyse les enjeux liés à l’IA et au numérique. Il met en lumière les lacunes et les principaux défis, tout en soulignant la nécessité d’une approche interdisciplinaire, critique et inclusive pour un développement responsable au bénéfice de la société québécoise.
Dans ce qui suit, nous allons explorer les points clés de chaque axe, en accordant une attention particulière à celui concernant l’éducation et la capacitation.
Axe Santé durable : L’IA à usage général révolutionne le secteur de la santé, promettant des avancées majeures, mais soulevant aussi des inquiétudes quant à la manipulation, l’inexactitude et la confidentialité des données. L’explicabilité de l’IA, l’accès à des données fiables et la protection de la vie privée deviennent des défis de taille. Le manque de preuves tangibles sur l’efficacité de l’IA et la tendance au « techno-solutionnisme » alimentent le débat.
Axe Industrie 4.0, travail et emploi : L’impact de l’IA sur l’emploi au Québec suscite des sentiments mitigés, entre espoir et crainte. Si le spectre de la « fin du travail » s’estompe, l’accent se porte sur la transformation du travail et la qualité des emplois. La polarisation du marché, les risques psychosociaux, l’autonomie et le sens au travail deviennent alors des enjeux clés à adresser.
Axe Arts, médias et diversité culturelle : L’IA générative bouleverse les industries culturelles et créatives, suscitant des interrogations sur la créativité, le droit d’auteur et le rôle de l’artiste. De plus en plus influencé par des algorithmes de recommandation, l’accès à la culture et à l’information pose des défis pour la découvrabilité des contenus locaux et la diversité culturelle. La mésinformation et la désinformation, amplifiées par l’IA, constituent un risque majeur pour le journalisme et la confiance du public. L’encadrement juridique et éthique du recours à l’IA devient donc un sujet de débat incontournable.
Axe Sobriété numérique et transition socio-écologique : Le numérique et l’IA ont un impact environnemental croissant, menant à des défis de durabilité. L’écoconception et la sobriété numérique sont proposées comme deux stratégies clés pour atténuer cet impact.
Axe Droit, cyberjustice et cybersécurité : L’encadrement juridique de l’IA est marqué par un sentiment d’urgence, une polarisation des débats et une course à la réglementation. Des modèles de gouvernance contrastés émergent, allant d’une approche stricte (exemple, Union européenne) à une approche plus souple (exemple, Royaume-Uni). La responsabilisation des acteurs de l’IA, l’adaptation des principes juridiques existants et la participation des parties prenantes apparaissent comme des pistes d’action essentielles.
Axe Éthique, gouvernance et démocratie : L’IA soulève de nombreux enjeux éthiques, notamment en matière de protection des données, de biais, d’impact environnemental, etc. La multiplication des déclarations et des cadres éthiques est souvent critiquée pour son manque d’opérationnalisation et son caractère superficiel. Également, on observe une tendance préoccupante, le « dénigrement de l’éthique » (« ethics bashing »). Face à ces défis, l’éthique appliquée, la co-construction d’outils éthiques avec les milieux de pratique et la participation citoyenne, constituent des approches prometteuses pour une gouvernance responsable de l’IA.
En ce qui concerne l’axe Éducation et capacitation, l’arrivée de l’IA générative (par exemple, ChatGPT) a bouleversé le paysage, suscitant à la fois l’espoir et l’inquiétude.
L’omniprésence de ces technologies intensifie aussi les inquiétudes concernant le temps d’écran et l’hyperconnectivité. Donc, l’enthousiasme pour le potentiel pédagogique est tempéré par ces inquiétudes ainsi que par des craintes face au plagiat, à la désinformation et à une potentielle « paresse cognitive » induite par une dépendance excessive à la technologie.
Si l’IA promet une personnalisation accrue de l’apprentissage, une évaluation simplifiée et un suivi plus précis des progrès, son impact réel sur le développement des compétences des personnes apprenantes et des organisations reste un sujet de questionnement.
La gestion des données et la protection de la vie privée, notamment à la lumière de la Loi 25, constituent aussi des enjeux majeurs. L’exploitation des données éducatives pour l’IA soulève des questions complexes exigeant un équilibre juste entre son exploitation pour améliorer l’apprentissage et la protection de la vie privée. Dans un tel contexte, le développement d’une littératie numérique critique permettant de décrypter ces technologies est plus que jamais indispensable.
Enfin, parmi les pistes de solutions proposées, le rapport soulève l’importance de :
- Développer des ressources libres et ouvertes pour soutenir les acteurs de l’éducation.
- Proposer des formations pour renforcer la compétence numérique à l’ère de l’IA.
- Assurer l’implication de personnes expertes dans la mise en œuvre d’une IA responsable en éducation.
Consulter le rapport : État de la situation sur les impacts sociétaux de l’intelligence artificielle et du numérique – 2024 (document PDF, 68 pages)
Alexandra Lez, M.A.
Conseillère en technopédagogie
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Université de Sherbrooke
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