Pédagogique Point chaud / en émergence

COVID-19 ou pas, les examens soulèvent des enjeux d’intégrité académique et de pédagogie

Mon collègue Daniel Genest m’a relayé un article dont le titre laisse entendre que la tricherie pourrait être abordée d’un point de vue pédagogique.  Hélas!  L’article est décevant, car il y est surtout question des mécanismes de surveillance des étudiants pendant les examens en ligne parce que la croyance qu’ils tricheront s’ils sont à distance continue de prévaloir.  Tout comme continue de prévaloir la croyance qu’il suffit de répéter haut et fort que l’institution prend l’intégrité académique au sérieux et qu’en conséquence, elle va exercer une surveillance étroite des examens pour encourager l’intégrité académique.  C’est du moins l’opinion de Jarret Dyer, coordonnateur des services de tests au College of DuPage, un collège communautaire de plus de 28 000 étudiants dans l’Illinois, et coauteur de l’article Academic Dishonesty and Testing: How Student Beliefs and Test Settings Impact Decisions to Cheat,” publié cette année dans le Journal of the National College Testing Association :

“The entire institution needs to communicate thoroughly from the top down or from the bottom up that it takes academic integrity seriously,” Dyer said. “We need to continue to emphasize to students the importance of the assessments. And one way of doing that is by placing them in a proctored environment.”

Aucun questionnement sur les moyens ou instruments choisis pour évaluer les apprentissages… Par exemple, on aimerait que la question suivante soit plus souvent posée : est-ce que le moyen choisi facilite la tricherie?

L’article “Academic Dishonesty…” révèle que 37 % des étudiants interrogés ont déclaré que si un examen est sans surveillance ils se permettront d’utiliser Internet et de collaborer et que, si ça n’était permis et qu’ils sont accusés de tricherie, c’était l’enseignant qui était en tort parce qu’il ne leur avait pas fourni un environnement surveillé ou qu’il n’avait pas été clair dans ses consignes. Ils n’ont pas tort… 

La recherche à la base de cet article met en lumière la nécessité d’établir des liens entre ce qu’on veut évaluer et les moyens que l’on prend pour le faire.  Il est intéressant de constater que les étudiants ne conçoivent pas les examens comme faisant partie de l’apprentissage.  Mais plus intéressant encore est cet « aveu » des auteurs de l’article :

[b]ien qu’aucune analyse qualitative n’ait été menée, le seul thème qui a semblé se dégager est la perception de l’enseignement supérieur aujourd’hui comme étant de nature transactionnelle et la nécessité d’obtenir une bonne note comme étant plus importante que l’acquisition de connaissances. Cela correspond aux recherches précédentes (Burrus et al., 2016 ; Chan, 2016 ; Gross, 2011 ; Hamlin et al., 2013 ; Khan & Subramanian, 2012 ; Shipley, 2009).

–  Traduit avec www.DeepL.com/Translator (version gratuite)

Parmi les des réponses étudiantes à une question ouverte sur pourquoi tricher, on retrouve les raisons suivantes.

  • “Si vous voulez réduire le taux de malhonnêteté académique, vous devez commencer à valoriser l’éducation pour les étudiants par rapport à la valeur de la note”.
  • “Dans notre société actuelle, les notes sont plus importantes que les connaissances. Nous devons tous rivaliser avec cela, donc pour suivre le rythme, la plupart ont recours à la tricherie.”
  • “J’utiliserai toutes les ressources possibles pour réussir si je peux m’en sortir. Je serais idiot de ne pas le faire”.
  • “Quand on a la possibilité de progresser, on la saisit. C’est un cliché de dire “Tout le monde le fait”, mais ce cliché est en fait la vérité. Lorsque vos concurrents directs et vos pairs en profitent, vous devez vraiment faire de même pour suivre”.
  • “Si vous êtes sous la supervision d’un surveillant ou d’un professeur, alors il est inacceptable de “tricher”. Si vous êtes à la maison, ça fait partie du jeu (fair game).”

Mais revenons à l’évaluation en ligne et à son potentiel de dérives vers la tricherie.  Les mécanismes de surveillance des examens se perfectionnent, c’est évident.  Mais ils coûtent de plus en plus cher; ils sont invasifs et peuvent potentiellement enfreindre la protection de la vie privée; et, surtout, ils sont rapidement contournés par des petits malins.  Comme l’a dit Ashely Norris dans l’article de Millward, [p]reventing cheating become a game of cat-and-mouse.

Les enseignants se lasseront-ils un jour de ce jeu du chat et de la souris où l’apprentissage fait figure d’oublié?  Est-ce qu’un des effets des mesures de distanciation physiques liées à la COVID-19 sera la fin des examens?

À suivre, assurément! Car les examens ont toujours soulevé des enjeux d’intégrité académique ou, si on préfère, des enjeux pédagogiques et ce, qu’ils soient à distance ou pas.

Sources

Millward, W. T.  Online Cheating Isn’t Going Away.  Use It as a Teachable Moment for Students and EducatorsEdSurge.  27 juillet 2020.

Dyer, J.M., Pettyjohn, H.C. et Saladin.  Academic Dishonesty and Testing: How Student Beliefs and Test Settings Impact Decisions to CheatJournal of the National College Testing Association Volume 4/Issue 1.  2020.

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Sonia Morin

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