Cycles supérieurs

Comment expliquer la longue durée des études doctorales en sciences humaines?

Sonia Morin attirait récemment mon attention sur un article du Inside Higher Ed traitant des efforts déployés par la “Graduate Education Initiative” de la Fondation Andrew W. Mellon pour tenter de réformer les programmes de doctorat en sciences humaines et ainsi chercher à réduire la durée des études menant à l’obtention du diplôme.

Cette vaste et longue étude (10 ans!) menée dans les départements d’une dizaine d’universités américaines, notamment les universités Harvard, Yale, Princeton et Stanford, a été mise sur pied par quatre chercheurs universitaires, déconcertés de la trop longue durée des études, en moyenne, pour l’obtention d’un doctorat en sciences humaines.

Les conclusions de cette étude sont d’ailleurs disponibles dans un ouvrage paru aux Presses de l’Université de Princeton intitulé Educating Scholars : Doctoral Education in the Humanities.

Quelques faits saillants

  • Si l’on se fie à l’étude, il semble que les programmes de doctorat en sciences humaines soient considérablement plus longs et moins financés que ceux d’autres secteurs. Par exemple, à la fin d’une sixième année d’études doctorales, près de 50 % des étudiantes et des étudiants d’une même cohorte en génie auront obtenu leur diplôme, contre environ 20 % des étudiantes et des étudiants en sciences humaines. À la fin de la huitième année, plus de 60 % des doctorantes et des doctorants auront diplômé, alors tout juste 37 % obtiendront leur diplôme en sciences humaines.
  • Une raison pouvant expliquer pourquoi les étudiantes et les étudiants ne terminent généralement pas en six ans leur formation doctorale est que le marché du travail ne s’arrache pas particulièrement les nouveaux diplômés. Les doctorantes et les doctorants prennent alors jusqu’à huit ans pour obtenir leur diplôme, ce qui augmente toutefois les coûts associés aux études, tant pour eux que pour les institutions. Certains professeurs soutiennent également que si les étudiantes et les étudiants finissent plus rapidement, c’est que leur dissertation n’est pas suffisamment développée…
  • Il semble par ailleurs que l’on préconise une publication optimale d’articles et de chapitres de livres au cours des études doctorales, dans le but d’étoffer son dossier professionnel pour obtenir ultérieurement un meilleur emploi. L’accent n’est alors plus mis sur la rédaction de la thèse, mais également sur la production scientifique, ce qui peut expliquer une plus longue durée des études en sciences humaines pour mener ces projets à terme. Curieusement, ceux qui publieraient le plus ne seraient pas ceux qui prendraient le plus de temps à obtenir un diplôme…
  • Les doctorats en sciences humaines sont caractérisés par un haut taux d’abandon, alors que les étudiantes et les étudiants, qui doivent souvent composer avec un budget serré, interrompent momentanément leur formation pour travailler.  Les décrocheurs ne sont toutefois pas totalement à plaindre, puisque 18 % d’entre eux obtiennent un autre grade de 3e cycle, 12 % un autre doctorat d’une autre université ou d’un autre département de la même université, et plusieurs obtiennent tout de même un grade de maîtrise.
  • Fait cocasse, les hommes mariés qui entreprennent des études doctorales seraient plus susceptibles de terminer rapidement que les hommes célibataires. Les femmes mariées, de leur côté, ne connaîtraient cependant aucun avantage sur leurs consœurs célibataires…

Source : Jaschik, S. «Reforming the Humanities Ph.D. », Inside Higher Ed,
http://www.insidehighered.com/news/2009/10/12/doctoral, 12 octobre 2009.

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Gabrielle Gagnon

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