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Plagiat : encore un reportage sans solution

La Presse du 7 novembre 2015 comportait un reportage sur la triche et le plagiat. Encore un! Comme à chaque année, à l’automne, en général. Un reportage qui n’apporte aucun éclairage nouveau sur le phénomène et qui m’a conduite au texte qui suit sur le plagiat en particulier, en espérant qu’il contribuera à enrichir la réflexion collective.

Ce qui m’étonne chaque fois, c’est l’absence d’une vision globale qui tiendrait compte le contexte actuel (numérique, internet, copier-coller…) et de tous les acteurs. En 2010, j’ai fait une communication dans un colloque international sur le plagiat dont le titre était Plagiarism : Do we have a blind spot? Dans mon introduction, je m’interrogeais sur le fait que toute la littérature sur le plagiat portait sur les étudiants et uniquement sur les étudiants. C’est encore le cas aujourd’hui. On cherche des profils de tricheurs. On leur prête toutes sortes d’intentions. On les accuse de paresse, de mauvaise gestion de leur temps… On leur offre des formations sur l’art de citer (d’une grande complexité, variable selon les disciplines (14 styles au moins) et non adapté à Internet). On monte des campagnes de sensibilisation aux valeurs d’intégrité. On cherche à leur faire peur avec des sanctions. On leur fait signer des déclarations d’intégrité. On utilise des logiciels de détection de similitudes… Force est de constater que ces moyens ne marchent pas. Mais on s’entête à répéter les mêmes efforts dans la même direction.

Et si on tournait notre regard de 180 degrés? Qui alors se trouverait dans notre champ de vision? Eh oui! Les enseignants. Ceux-là mêmes qui, à mon avis, détiennent le pouvoir de changer la donne… à condition qu’ils acceptent de tenir compte de deux changements majeurs qui ont transformé radicalement le monde de la rédaction, dont celui des travaux académiques, qu’il s’agisse de travaux de session, de mémoires ou de thèses :

  1. l’avènement du traitement de texte et sa fonction copier-coller et
  2. l’avènement d’Internet et son foisonnement d’informations accessibles au bout d’un ou deux clics.

Si on arrêtait de demander des travaux comme si Internet n’existait pas, comme si la fonction copier-coller n’existait pas et comme si les étudiants d’aujourd’hui n’avaient pas été eux-mêmes transformés par ces deux événements, peut-être que le plagiat pourrait être réduit considérablement. Si on demande des travaux dont la réponse se trouve sur Internet, il est évident que les étudiants iront sur Internet – n’est-ce pas un réflexe que nous avons tous lorsque nous avons une question?

Pourquoi ne pas leur demander carrément de trouver plusieurs réponses sur Internet, référence à l’appui, et de les commenter, les comparer, en faire une analyse, proposer une nouvelle réponse…? Ce faisant, nous les amènerions à développer les compétences dont ils auront besoin pour réussir dans leur vie professionnelle et personnelle : trouver la « bonne » information, se faire une tête, organiser ces informations en savoir professionnel.

Pour ce qui est du copier-coller, c’est une fonction géniale pour tout rédacteur, à condition de citer ces sources, bien sûr. Cette fonction a aussi modifié notre façon de rédiger. Nous juxtaposons des bouts de texte copiés-collés, nous les réorganisons, nous les citons ou nous les réécrivons, nous les déplaçons à volonté jusqu’à ce que le texte soit à notre satisfaction. Certains parlent de remix, d’autres de patchworking, (je préfère parler de patchwording.) Dans tous les cas, le texte final devrait reconnaître les sources desquelles il s’est inspiré.

La pensée propre n’est pas infuse : elle se développe progressivement au contact de ceux qui nous précèdent et ces derniers sont aujourd’hui nombreux et accessibles comme jamais.

Nous sommes comme des nains assis sur des épaules de géants. Si nous voyons plus de choses et plus lointaines qu’eux, ce n’est pas à cause de la perspicacité de notre vue, ni de notre grandeur, c’est parce que nous sommes élevés par eux. (Bernard de Chartres, dans Metalogicon de Jean de Salisbury).

Valorisons cette reconnaissance des géants pour devenir des géants à notre tour. C’est particulièrement important dans la formation universitaire, notamment en recherche.

Nous avons développé au Service de soutien à la formation un atelier à l’intention des enseignants au terme duquel les personnes participantes auront été sensibilisées aux défis que pose la lutte antiplagiat et à divers moyens qu’elles peuvent mobiliser pour que leurs étudiants produisent des travaux originaux dans lesquels ils se seront investis et grâce auxquels ils auront fait les apprentissages escomptés[…]. Le titre de l’atelier? Le plagiat déjoué – Le réel pouvoir des enseignants ou comment planifier ses enseignements pour minimiser le plagiat. Je considère que c’est une excellente piste de solution.

Source: Duchaine, Gabrielle.  Travaux scolaires à vendreLa Presse +.  7 novembre 2015.

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Sonia Morin

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