Entrevue avec la professeure Marie Giroux, Vice-doyenne au développement professionnel, à la pédagogie et à la responsabilité sociale – Faculté de médecine et des sciences de la santé (FMSS)
L’apprentissage tout au long de la vie est une préoccupation de longue date à la FMSS. Cette faculté offre des programmes et des occasions d’apprendre qui vont de la formation initiale dans les domaines de la santé, jusqu’au développement professionnel continu, en passant par les études supérieures. Tout le monde est concerné à sa façon: les personnes étudiantes, bien sûr, mais aussi les personnes enseignantes, le personnel de recherche, les praticiens cliniques. Le Centre de formation continue (CFC) de la FMSS est évidemment très actif avec une offre de formations en présence et en ligne, de microprogrammes et de diplômes de 2e cycle. « Contribuer à améliorer la santé des gens, de la population, est un privilège et un engagement moral », estime la professeure Marie Giroux.
« Dans la littérature en médecine et en pédagogie des sciences de la santé, c’est souvent l’expression Lifelong Learning qui est utilisée. On le traduit par apprentissage à vie (AAV). Ça commence sur les bancs d’école et ça dure tout au long de la carrière. Il est primordial de se tenir à jour et d’anticiper les situations pour lesquelles il va falloir se former pour continuer d’être compétent. », précise-t-elle.
« Quand on parle d’apprentissage à vie, il faut définir les moyens à utiliser pour apprendre, savoir comment aller chercher de nouvelles connaissances, comment les prioriser », explique Marie Giroux. Alors que la définition des compétences évolue continuellement, il faut développer une posture d’ouverture et de confiance propice à l’expérimentation, puis à la réflexion. En fait, il faut suivre un processus qui permet de découvrir ce que l’on devrait apprendre ensuite.
« Par exemple, si j’ai une passion pour une activité ou un projet en particulier, il est normal que je veuille me former sur le sujet. Mais je dois aussi avoir le souci de m’aligner avec les besoins de la société en termes de santé. Nous avons une forme de responsabilité professionnelle et morale de nous former pour mieux s’adapter à ces besoins », croit la professeure Giroux.
Le concept d’apprentissage à vie sous observation
« On s’intéresse à ce sujet depuis quelques années déjà. Un comité a été établi dans le but de soutenir les programmes dans l’enseignement de l’AAV. Pour continuer à s’améliorer, on gagne à rendre plus explicite ce qu’on fait déjà bien. Entre autres, on a examiné cette approche réflexive de l’apprentissage [voir l’encadré] dans nos programmes », explique celle qui est notamment vice-doyenne au développement professionnel. Ce comité a réuni les perspectives des programmes de médecine, sciences infirmières et réadaptation. Ensemble, les membres se sont questionnés sur la pertinence, les modalités, la structure du développement d’occasions d’apprentissage, tout en restant centrés sur les besoins des personnes professionnelles et ceux de la communauté.
Pratique réflexive et apprentissage à vie
La pratique réflexive consiste à « observer et évaluer de manière continue ses expériences professionnelles, à intégrer sa connaissance de soi et ses limites professionnelles pour en dégager ses besoins de développement professionnel », selon la définition de l’Ordre des psychologues du Québec.
Dans l’apprentissage à vie, la pratique réflexive personnelle est importante afin de cultiver une conscience et une compréhension accrues de soi-même, des autres et des situations rencontrées. On ne parle pas seulement d’apprendre à apprendre. Il faut aussi parfois s’arrêter et voir où l’on en est, puis quelles vont être nos prochaines actions.
Marie Giroux donne l’exemple des personnes étudiantes en médecine qui doivent créer des portfolios réflexifs dans certaines activités pédagogiques, dont l’activité Répondre aux défis de la pratique professionnelle (RDPP) : « On leur demande d’être très autoréflexives, de s’arrêter, de se questionner, d’observer pour mieux s’investir et planifier leurs prochaines actions. Au moment d’aborder un nouvel apprentissage, la personne étudiante se demande « Comment je m’y prends? » Pendant l’activité, elle y consacre toute son attention. Elle est active, voire inter-active. Après l’activité, le débriefing, le feedback et l’évaluation lui permettent d’aller plus loin. »
- Pour en savoir plus : Beaulieu, Maryse et Simon Bolduc (1er octobre 2022), « La pratique réflexive », Le fin mot – Perspectives SSF, Université de Sherbrooke.
« Dans le cadre de ces travaux, nous sommes allés consulter plusieurs instances dans notre faculté, des directions de programme, le Conseil des études, le Comité de direction, le Bureau de la responsabilité sociale, des membres du personnel enseignant et des personnes étudiantes qui pouvaient apporter un regard neuf à la question. Nous avons également rencontré des sous-groupes d’individus qui sont sur le terrain ou en mesure de constater la mise en place et l’évolution de ces occasions d’apprentissage. Le constat, c’est qu’il se fait déjà beaucoup de formation à vie à la FMSS, mais que ce n’est probablement pas toujours nommé comme ça. »
Être apprenant à vie socialement responsable
Depuis quelques années, on parle davantage d’équité, de diversité, d’inclusion et de l’importance de diminuer les inégalités dans le domaine de la santé. Selon la professeure Giroux, ce sont des enjeux sur lesquels tous ont le devoir de se former et d’approfondir leurs connaissances, même si ce ne sont pas des domaines de prédilection au départ.
Ainsi, à titre de vice-doyenne à la responsabilité sociale de la FMSS, Marie Giroux s’inscrit dans les initiatives de promotion d’environnements respectueux de la diversité garantissant le bien-être, l’épanouissement et l’intégration des membres du personnel enseignant et des personnes étudiantes de la Faculté.
L’AAV socialement responsable prend différents sens selon les contextes. Par exemple, la professeure explique que, pour ses collègues en recherche, elle peut se traduire par des activités de formation sur la conduite responsable [en recherche], des formations sur la qualité de l’encadrement qui abordent les principes de l’EDI ou encore du partenariat-patient en recherche. Pour saisir les opportunités de financement, les chercheurs gagnent à ce que leurs travaux s’alignent bien avec les besoins de santé de la population. Les organismes subventionnaires en recherche offrent d’ailleurs des concours liés à des projets de grande importance au point de vue sociétal.
Développer sa position d’apprentissage
Au nombre des concepts examinés par le comité, il y a la position d’apprentissage. Selon Marie Giroux, il s’agit d’une disposition, d’une attitude et d’attributs qui favorisent l’apprentissage à vie: « C’est de l’humilité, de la curiosité, de la flexibilité cognitive… C’est de l’ouverture à recevoir du feedback, puis à en tenir compte pour la suite. Ce sont aussi des convictions personnelles. C’est se dire : j’ai peut-être des choses à apprendre, donc je m’ouvre, puis je vais voir où je suis capable de m’améliorer. » C’est aussi la propension à s’arrêter intentionnellement à intervalles réguliers dans sa carrière pour faire un bilan d’étape avec soi-même : « Là, où est-ce que je suis rendu, puis vers où devrais-je m’en aller? » À terme, l’objectif est de nourrir en continu sa position d’apprentissage et de favoriser celle des autres.
Des outils à venir
Marie Giroux explique que le Comité cherchait le moyen de rendre ses travaux plus explicites et suffisamment concrets, tout en s’appuyant sur des bases conceptuelles solides. Alors que l’on travaille sur un article scientifique qui va reprendre les idées issues de ces travaux, le besoin de créer aussi un coffre à outils générique en AAV s’est fait sentir. On vise à ce que les membres de la FMSS reconnaissent leurs réalités respectives dans les réflexions du Comité et puissent y trouver inspiration pour aller plus loin.
« Au cours des prochains mois, on va concrétiser les résultats de ces travaux facultaires, entre autres sous la forme d’une ressource en ligne. On souhaite qu’elle soit accessible, attrayante pour que les gens s’y retrouvent. Elle sera destinée à notre corps enseignant, puis aux leaders des programmes, parce qu’ils ont des impacts multiplicateurs auprès des personnes étudiantes que l’on forme. On espère que ces ressources aideront nos collègues à voir encore mieux comment on fait ça, concrètement, l’AAV socialement responsable. »
Elle est bien consciente que tous sont pressés par le temps et que les propositions du Comité pourraient paraître comme un élément de plus à prendre en considération. Cependant, à travers les consultations des derniers mois, elle a pu constater que les membres de la FMSS reconnaissent à quel point ils sont déjà alignés vers l’apprentissage à vie. Il s’agit ensuite de continuer à diriger nos efforts d’apprentissage à travers la lentille de la responsabilité sociale.
« On leur dit: attendez et prenez deux minutes. Ça vaut la peine de faire un petit effort de mémoire pour garder ces principes en tête. Alors les gens réalisent qu’ils se préoccupent déjà beaucoup d’apprentissage à vie. Parfois, c’est juste de recalibrer un peu en travaillant avec un portfolio, en s’assurant d’être réflexif, en valorisant le fait de s’arrêter pour réfléchir avant de prévoir ses prochains apprentissages. C’est ce qu’on va essayer de rendre encore plus éloquent dans les prochains mois avec nos outils à venir. »