Le nombre croissant d’universités ayant recours à l’émission de badges numériques ces dernières années permet maintenant de tirer des leçons des expériences vécues jusqu’ici. Troy Markowitz, observateur et chroniqueur s’intéressant à l’adéquation entre l’enseignement supérieur et les besoins du marché, en dresse un bilan et cible sept pièges à éviter au moment d’implanter un tel système.
1) S’appuyer sur un processus d’attribution manuel
On sous-estime grandement le temps et les efforts requis pour recevoir, évaluer et traiter les dossiers. Afin d’éviter les saisies multiples et le risque d’erreur qu’entraîne le recours à des systèmes parallèles, il est recommandé de se doter d’une solution logicielle intégrée capable de gérer à la fois l’identification, l’évaluation et l’émission de la certification.
2) Omettre de documenter l’évaluation des acquis
Les niveaux de certification sont sujets à interprétations et doivent donc être explicites et ce, autant pour l’étudiant, pour l’institution d’enseignement que pour un éventuel employeur. La teneur exacte de ce dont témoigne la certification émise gagne donc à être décrite non seulement à l’aide de critères, mais également avec des “échantillons” des preuves tangibles déposées aux fins de certification de même que les échelles d’évaluation utilisées pour évaluer les demandes.
3) Multiplier les badges anodines détachées du programme
Pour augmenter le rayonnement de son institution, la tentation pourrait être forte de multiplier des badges triviales qui ne seraient pas liées à des compétences ou à des réalisations en lien avec le parcours académique de l’étudiant (par exemple des badges dites “de participation”). Pour conserver leur crédibilité, les badges émises devraient au contraire cibler des jalons traduisant des acquis curriculaires ou parascolaires spécifiques.
4) Émettre les badges sur demande seulement
Des études démontrent que la majorité des badges obtenues ne sont pas réclamées par les étudiants et ne sont donc jamais mises en circulation. Pour garantir un déploiement plus efficace, on conseille aux établissements d’enseignement de prévoir des modalités leur permettant de déposer directement les badges obtenues dans un « dossier » désigné à cette fin, les rendant ainsi disponibles aux étudiants lorsqu’ils seront en situation de recherche d’emploi. On évite ainsi d’alourdir le processus en ajoutant des étapes de réclamation et l’on favorise du même coup une utilisation juste-à-temps, au moment où les diplômés en auront réellement besoin.
5) Consigner les badges dans un système académique interne
Dans la plupart des universités, les étudiants n’ont plus accès aux systèmes académiques une fois leur diplôme obtenu. Les badges qui y auraient été consignées ne leur sont donc plus accessibles, ce qui les empêchera de faire valoir leurs acquis une fois qu’ils auront quitté l’université. Un accès permanent au système de certification se révèle donc un facteur crucial quant au rayonnement des badges émises.
6) Mettre en place une plate-forme de badges en vase clos
Pour qu’elles soient diffusées et reconnues sur le marché du travail, les badges doivent être non seulement accessibles mais également reliées aux autres traces susceptibles d’être utilisées par les employeurs pour documenter les acquis d’éventuels candidats : portfolio, curriculum vitae, profil LinkedIn, etc. En facilitant les liens, on s’assure ainsi que les badges de son institution puissent effectivement faire partie des informations recueillies – voire recherchées – par les employeurs.
7) Ne pas tenir compte des acquis professionnels en demande
Pour qu’on leur attribue de la valeur, les badges doivent refléter des compétences ou des acquis recherchés par les employeurs. Dans le cas contraire, les étudiants n’auront aucun intérêt à s’en servir et celles-ci demeureront donc « consignées au dossier » sans qu’il n’y ait d’avantage à les diffuser.
En somme, l’expérience montre que les initiatives les plus efficaces n’envisagent pas les badges comme une simple forme alternative de certification pour les établissements; elles y voient plutôt une valeur ajoutée pour les étudiants, qui peuvent les utiliser pour démontrer qu’ils ont bien acquis des capacités spécifiques recherchées par les employeurs (la pensée critique, le leadership, la résolution de problèmes, le travail en équipe). Ce faisant, l’université s’assure que le système de badges mis en place soit réellement utilisé et contribue ainsi, comme le font déjà les diplômes traditionnels, au rayonnement institutionnel.
Source: Troy Markowitz, « The Seven Deadly Sins Of Digital Badging In Education », Forbes, 16 septembre 2018.