Compétitive Pédagogique Point chaud / en émergence Technologique

Interne : La Southern New Hampshire University fait un pari en FAD, mais mise-t-elle sur un bon cheval?

The Chronicle of Higher Education (CoHE) publiait le 31 août un article sur la plus récente initiative en FAD de la Southern New Hampshire University, qui cherche à élargir l’accès aux études universitaires tout en le faisant à faible coût, tant pour l’institution que pour les étudiants. Pour y arriver, la SNHU fait un pari risqué qui se manifeste par trois caractéristiques :

  1. Miser sur l’évaluation automatisée des apprentissages.
  2. S’appuyer sur les contenus ouverts (ressources éducatives libres) des initiatives Open Courseware plutôt que de développer ses propres contenus.
  3. Désinvestir en accompagnement lors de l’apprentissage, qui est remplacé par des moyens d’entraide étudiante et des tuteurs bénévoles.

Pour plus de détails, je cite l’article du CoHE :

The vision is that students could sign up for self-paced online programs with no conventional instructors. They could work at their own speeds through engaging online content that offers built-in assessments, allowing them to determine when they are ready to move on. They could get help through networks of peers who are working on the same courses; online discussions could be monitored by subject experts. When they’re ready, students could complete a proctored assessment, perhaps at a local high school, or perhaps online. The university’s staff could then grade the assessment and assign credit.

And the education could be far cheaper, because there would be no expensive instructor and students could rely on free, open educational resources rather than expensive textbooks. Costs to the student might include the assessment and the credits.

Pour encore plus de détail, l’article du CoHE pointe vers un court document de réflexion rédigé par le recteur LeBlanc sur sa vision pour ce nouveau projet de FAD

Ce projet s’inscrit dans un contexte propre à cette université et propre au contexte plus large de l’enseignement supérieur aux États-Unis.

  • La bulle économique universitaire, qui décourage beaucoup de gens d’entreprendre ou de terminer leurs études post-secondaires.
  • Les succès récent de cette université avec le déploiement de cours en FAD qui ont amené le recteur LeBlanc à mettre la FAD au coeur de sa stratégie (voir billet de Jean-Sébastien Dubé).
  • Une volonté du nouveau recteur LeBlanc de se démarquer. Il cherche explicitement à lancer The Next Big Thing par cette initiative.
  • Le financement accru pour la production de ressources éducatives numérique ouvertes de l’administration Obama, de même que sa volonté de rehausser les taux de diplomation en enseignement supérieur de sa population.
  • La recherche du plus faible coût possible pour l’institution et pour l’étudiant.

Ce que cette initiative a de bien :

  • Par son aspect explicitement self-paced [NDLE : chacun à son propre rythme], elle est adaptative à de nombreux apprenants en fonction de leurs connaissances antérieures, de leurs disponibilités, de leur facilité à apprendre, etc.
  • L’avancement à la prochaine étape est conditionnel aux apprentissage préalables, tels que mesurés par des tests intégrés au matériel. Ainsi, l’étudiant n’est jamais dépassé parce qu’il a dû plonger dans un sujet dont il ne maîtrisait pas les connaissances préalables. Combinée au côté self-paced, c’est une grande force pour soutenir l’apprentissage.
  • Le faible coût pour l’étudiant est un avantage majeur et incontestable. Avec les deux facteurs précédents, il augmente l’accessibilité aux études de façon importante. Dans le document de réflexion, on évoque des coûts par cours d’environ 20$, qui excluent cependant les coûts d’évaluation finale pour décerner les crédits.
  • L’évaluation se fait en continu, de façon formative, tout au long des apprentissages, permettant à l’étudiant de revenir en arrière sur la matière s’il n’a pas des résultats satisfaisants aux évaluation intégrées. Après avoir révisé, il peut rependre l’évaluation pour obtenir plus de réponses correctes. L’évaluation sommative se fait uniquement à la toute fin du cours, quand l’étudiant se sent prêt, s’il désire payer pour obtenir les crédits.

En quoi est-ce un pari risqué?

  • Ce modèle de FAD est essentiellement un cours par correspondance, une approche de FAD qui remonte au 19ème siècle, qui intègre néanmoins les avancées significatives que sont les contenus multimédia et l’évaluation automatisée. Cependant, les avancées pédagogiques des générations suivantes de FAD n’y sont pas présentes, en faisant un produit pédagogiquement plus limité que l’offre d’universités qui ont investi en qualité de la FAD plutôt qu’en accessibilité.
  • L’éventuel accompagnement des étudiants est réalisé par des pairs et des bénévoles, au lieu de tuteurs dûment payés et imputables de la qualité de leur travail.
  • L’évaluation automatisée n’est pas envisageable pour tous les types de connaissances. Dès que l’on veut évaluer la capacité d’un étudiant à synthétiser, analyser ou évaluer, par exemple, il faut une personne pour pouvoir porter un jugement. Aucun test automatisé ne pourra le faire. On se limite donc à l’apprentissage de connaissances de base, avec peu de possibilité de développer des compétences complexes chez les étudiants. Pourtant, la tendance et la demande des employeurs est clairement du côté des compétences (voir tendance 18 dans la recension de Lowell et al.). Autrement dit, ce modèle peut être correct pour certains types de connaissances, mais être fondamentalement inadapté à d’autres. Tout miser sur cette approche équivaut à cuisiner tout un repas avec un seul ingrédient.
  • Ce pari va exactement dans le sens contraire de celui proposé par certaines université de FAD réputées, comme par exemple Fred Mulder de la Open University of the Netherlands et de l’UNESCO qui prône une approche moins centrée sur les contenus et plus centrée le soutien actif à l’apprentissage. Si Mulder propose lui aussi le recours extensif aux ressources éducatives numériques ouvertes, il ajoute en revanche que le rôle de l’université est de greffer autour de ces contenus un dispositif d’apprentissage riche d’activités pédagogiques et de contacts avec des enseignants. Le professeur Marcello Maina de l’Université ouverte de Catalogne va aussi dans le sens de rehausser l’accompagnement institutionnel plutôt que de le diminuer.

Bref, en faisant le pari de la FAD à coût minimal pour augmenter l’accessibilité des études universitaires, ne risque-t-on pas de sacrifier au passage les apprentissages qui devraient définir une formation de niveau universitaire?

La lecture se fait de plus en plus sur Internet, mais davantage en anglais...
Interne : L'Université Laval : première université francophone en nombre de cours offerts à distance
+ posts

À propos de l'auteur

Éric Chamberland

Laisser un commentaire