Divers organismes ont réagi aux conclusions du rapport de Claude Corbo intitulé Un nouveau Conseil des universités pour le Québec. Le rapport semble généralement bien accueilli. Les principaux irritants dénoncés touchent notamment la composition du futur Conseil proposée par M. Corbo (les étudiants et les employés non-enseignants souhaitent y être davantage représentés…). On ne sera pas surpris que le Conseil supérieur de l’éducation s’inquiète de perdre la possibilité de se prononcer en matière de formation supérieure.
On pourrait s’étonner du peu d’inquiétude face à des dispositions comme « recommander à la ministre les normes qui pourraient être implantées relativement à la reddition de comptes des établissements, tant sur le plan académique qu’administratif » (p.10) En juillet 2016, nous nous préoccupions de ce que le modèle de Conseil des universités du Québec privilégié par M. Corbo rappelle le Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur (COQES) qui définit les acquis d’apprentissage (learning outcomes) des futurs programmes universitaires, autrement dit qui a un rôle important à jouer en matière de choix des contenus. Seule la CSN semble s’inquiéter de cet enjeu (voir ci-bas).
Or, si la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’universités (FQPPU) reconnaissait au futur Conseil un rôle dans l’évaluation des programmes (« Veiller à la qualité de la formation par l’entremise de l’évaluation des projets de nouveaux programmes et des programmes existants »), elle n’adresse la question de l’assurance-qualité qu’en note de bas de page dans le mémoire qu’elle a présenté à M. Corbo l’automne dernier:
« L’évaluation de l’enseignement et de la recherche doit demeurer la prérogative du milieu universitaire et scientifique. Par conséquent, elle doit s’effectuer par des pairs, et non par de soi-disant experts externes, suivant un modèle d’assurance-qualité propre à l’entreprise. » (FQPPU, octobre 2016)
Et la FQPPU n’a pas encore réagit au dernier rapport Corbo.
Principales recommandations du rapport (selon le Ministère de l’éducation et de l’enseignement supérieur)
- La création du Conseil des universités par une loi de l’Assemblée nationale assurant au Conseil le statut d’organisme public indépendant doté de l’autonomie conceptuelle, administrative et financière requise par son mandat.
- L’attribution au Conseil de quatre mandats principaux :
- contribuer à l’orientation générale, à la cohérence et à l’amélioration du système universitaire;
- conseiller la ministre et les établissements dans l’exercice de leurs responsabilités;
- collaborer à l’évaluation de la qualité de la formation universitaire;
- contribuer à faire mieux comprendre et apprécier le rôle des universités.
- La détermination des principes qui balisent le travail du Conseil, dont
- le respect de la liberté universitaire,
- le respect de l’autonomie des universités,
- la responsabilité des universités à l’endroit du savoir et de la culture et de leur accessibilité,
- l’obligation des établissements de rendre des comptes et
- la référence aux meilleures pratiques;
- La formation du Conseil, qui serait composé de 19 membres nommés par le gouvernement, dont une légère majorité provenant de la communauté universitaire et de ses diverses composantes.
- La création par la loi d’une table de concertation de l’enseignement supérieur relevant du Conseil des collèges et du Conseil des universités, selon une formule respectant la mission et les tâches propres à chacun ainsi que les différences structurelles entre les deux ordres d’enseignement et favorisant une meilleure concertation. [nos emphases]
Diverses réactions
Claude Corbo, auteur du rapport : « Le Conseil des universités disposerait d’un ensemble de pouvoirs, notamment l’adoption de règlements. Un pouvoir important à mon avis devrait être accordé par la loi créant le Conseil : le droit d’aller chercher de l’information dans les universités et même dans le ministère pour qu’on puisse se faire une représentation aussi précise que possible de la réalité dans les universités », a-t-il dit. (Noël et Fortier, 2017, nos emphases)
Centrale des syndicats nationaux: « Les deux conseils auraient notamment pour responsabilité d’évaluer la qualité de l’enseignement dispensé par les établissements. « Nous nous sommes toujours opposés à ce que la création d’un conseil des universités serve de cheval de Troie pour introduire un nouveau mécanisme d’assurance qualité. Or, c’est exactement ce que l’on retrouve dans le rapport Corbo et dans le rapport Demers », s’insurge Louise Briand, vice-présidente du secteur universitaire de la Fédération des professionnels (FP-CSN). » (2017, nos emphases)
Centrale des syndicats du Québec: « …[L]a création du Conseil des universités permettra une meilleure planification du réseau universitaire, puisqu’il deviendra un organisme intermédiaire de coordination et de réflexion. La composition du Conseil des universités ne répond que partiellement aux recommandations de [notre] organisation syndicale qui aurait souhaité, entre autres, que les personnels professionnels de recherche et de soutien soient dûment représentés au sein du Conseil. De plus, il aurait été souhaitable que le concept de société civile soit davantage défini afin que tous les milieux soient représentés. […] [Mario Beauchemin, vice-président de la CSQ et responsable politique de l’Enseignement supérieur] conclut en ajoutant que « le rapport semble, à notre satisfaction, ne pas retenir une définition restrictive du concept d’assurance-qualité. Ceci dit, l’avenir sera garant des intentions quant à l’évaluation des programmes et des projets de programmes confiés à la nouvelle commission d’évaluation de la formation universitaire ». (CSQ, 2017, nos emphases)
Mme Lucie Bouchard, présidente du Conseil supérieur de l’éducation: « …[L]e Conseil supérieur de l’éducation doit conserver son mandat systémique pour exercer pleinement son rôle. « Alors que l’on reconnaît de plus en plus l’importance de la continuité de l’offre de formation et de la fluidité des parcours pour favoriser l’accessibilité, la persévérance et la réussite éducative, le rapport Corbo privilégie une approche en silo, sans égard à l’importance d’une vision d’ensemble de l’éducation, de l’enseignement préscolaire à l’université en passant par l’éducation des adultes et la formation continue. » (Conseil supérieur de l’éducation, 2017, nos emphases)
Union étudiante du Québec: « L’UEQ ne peut s’expliquer que le nouveau conseil sous représente la communauté étudiante universitaire québécoise, qu’il occulte entièrement les étudiantes et les étudiants de la formation continue et qu’il surreprésente les acteurs ne provenant pas du milieu de l’éducation ainsi que « les experts hors Québec ». Elle est également déçue que le rapport ne suggère pas l’inclusion des universités dans le périmètre comptable régulier du vérificateur général. » (UEQ, 2017)
Sources:
Allard, Sophie, “Réaction au rapport Corbo – Pourquoi priver la société québécoise d’une lecture citoyenne et globale de l’éducation?” (communiqué de presse), Conseil supérieur de l’éducation, 30 mars 2017
Corbo, Claude, Un nouveau conseil des universités pour le Québec, Ministère de l’éducation et de l’enseignement supérieur, 2017, 174 p.
Ducharme, Alexandre, “Conseil des universités: Le rapport de Claude Corbo est un gifle au visage des étudiantes et étudiants québécois” (communiqué de presse), Union étudiante du Québec, 23 mars 2017
Fédération québécoise des professeures et professeurs d’universités, VERS LA CRÉATION D’UN CONSEIL DES UNIVERSITÉS DU QUÉBEC, octobre 2016, 31 p.
Marceau, Christine, “Rapport sur la création des Conseils des collèges et des universités – La CSQ accueille avec optimisme une partie des recommandations“, Centrale des syndicats du Québec, 23 mars 2017
Ministère de l’éducation et de l’enseignement supérieur, « Mandat confié par la ministre Hélène David : M. Claude Corbo rend son rapport public », 23 mars 2017
Noël, Dave et Marco Fortier, “Vers un conseil des universités doté de réels pouvoirs“, Le Devoir, 24 mars 2017
Poirier St-Pierre, Renaud, “Rapports en enseignement supérieur: la ministre Hélène David doit miser sur les consensus” (communiqué de presse), Centrale des syndicats nationaux, 24 mars 2017