Compte rendu de lecture: Lise Bissonnette, Lise et John R. Porter, L’Université québécoise : préserver les fondements, engager des refondations (Rapport du chantier sur une loi-cadre des universités), Gouvernement du Québec – Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie, septembre 2013
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Le Sommet sur l’enseignement supérieur a donné naissance à plusieurs chantiers. La proposition initiale d’un chantier sur la gouvernance a mué pour aboutir à un chantier sur une loi-cadre incluant la gouvernance. Lise Bissonnette (dont on reconnaît la plume aiguisée et imagée) et John R. Porter (pardon, je ne connais pas ses écrits) ont assumé conjointement la présidence de ce chantier. Le rapport déposé présente quinze recommandations.
Le projet de loi-cadre des universités réaffirme les valeurs universitaires héritées du passé (autonomie institutionnelle, liberté académique) et reconnaît l’importance de la collégialité comme mode d’organisation. Toutefois, la valorisation de l’accessibilité à la formation prend une forme différente de celle du passé : on souhaite une université engagée envers l’atteinte de l’égalité des chances, façon de reconnaître le clivage entre les classes sociales au Québec. De plus, l’Université doit affirmer son ancrage et son attachement au Québec et aux collectivités de proximité. On parle ici du développement du Québec, de la transmission de ses héritages patrimoniaux, du progrès de sa langue et de sa culture, …
On y suggère, en outre, l’abrogation de la Loi sur l’Université du Québec et la reconnaissance de l’autonomie de chacune de ses universités constituantes. Cette loi inscrit la formation des maîtres et une priorité quasiment absolue à l’accessibilité aux études supérieures dans la mission de ces universités dites publiques. Les universités plus anciennes, dites à charte, adhèrent maintenant aux objectifs qui ont fait naître l’UQ. Toutes les universités québécoises peuvent maintenant appartenir à un seul réseau de nature publique et chacune participe également à l’atteinte de sa mission générale. L’UQ a rempli sa mission.
La gouvernance des universités serait balisée par un code de pratiques dont se doterait chaque institution et par le maintien de responsabilités distinctes pour le conseil d’administration le conseil des études ou l’équivalent (appelé bicaméralité, joli !). La reddition de comptes se réaliserait à travers un guichet unique au ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie (MERST) où serait déposé un rapport de gestion dans lequel chaque institution présenterait sa contribution à l’atteinte des objectifs du réseau. Le rapport indique ici certaines attentes spécifiques que pourrait avoir le ministre pour favoriser l’atteinte de ces objectifs : les efforts mis de l’avant par les institutions pour valoriser l’enseignement, pour favoriser l’égalité des chances, pour augmenter la diplomation dans les programmes à grade, pour développer un continuum collèges-universités, pour redonner aux services à la collectivité leur vocation initiale de «substrat solidaire».
Le projet de loi prévoit la création d’un Conseil national des universités (CNU), en rappelant toutefois la primauté de l’autorité du ministre. Certaines des fonctions de la CRÉPUQ, dont l’évaluation de la qualité des activités universitaires et l’évaluation des nouveaux programmes seraient reprises par le CNU ainsi que plusieurs autres activités qui relevaient soit de la CRÉPUQ, des universités ou du ministère.
En complément des éléments constitutifs de la loi-cadre, le rapport Bissonnette-Porter recommande que la CRÉPUQ se déploie en tant qu’instance de coopération et de services partagés entre universités, un peu sur le modèle du réseau de l’UQ. Il propose que les administrateurs et cadres supérieurs des universités bénéficient d’une formation initiale et continue.
En ce qui concerne le CNU, il suggère qu’il examine en priorité les problématiques suivantes :
- les normes relatives à la rémunération des recteurs et cadres supérieurs des universités (qui pourraient s’apparenter à celles des dirigeants des sociétés publiques dites financières ie celles qui rapportent des dividendes à l’État);
- l’arrimage entre les études collégiales et universitaires au sein d’un système intégré d’enseignement supérieur, dans ce sens de Conseil national des universités pourrait devenir le Conseil national de l’enseignement supérieur;
- les principes qui devraient encadrer la multiplication des points de service (le rapprochement dans un même environnement des extensions universitaires et des CEGEP étant l’avenue proposée);
- un amendement à la Loi sur l’accréditation et le financement des associations d’élèves ou d’étudiants pour inscrire les règles de validation de leur délibérations afin que la transparence souhaitée par les étudiants lors du printemps érable s’applique à tous;
- un bilan de la forte croissance des programmes courts.
À ce sujet, les données présentées dans le rapport sont assez étonnantes. Le tiers des formations offertes au Québec relèvent de programmes courts (10 % au Canada et 2% en Ontario). Leur prolifération s’appuie sur une volonté d’accessibilité et deviendrait « le fleuron de notre social-démocratie …». Mais la comparaison à l’intérieur du Québec, entre universités francophones et anglophones indique que les écarts selon la langue sont déterminants. «Le taux d’atteinte des diplômes de grade se situe et souvent dépasse la moyenne canadienne et ontarienne pour nos universités de langue anglaise (soit environ 90 %) et certaines de nos plus importantes universités de langue française (l’Université de Montréal, l’UQAM, l’Université de Sherbrooke) se situent sous la barre du 60 %.» Constat inquiétant.
Pour accéder à ce rapport: http://www.mesrst.gouv.qc.ca/fileadmin/administration/librairies/documents/chantiers/ChantierLoiCadreDesUniversites.pdf