L’enseignement supérieur français s’exporte bien, mais reste loin derrière les pionniers anglo-saxons. Pour la première fois, une enquête permet de dresser le panorama de l’offre d’enseignement supérieur à l’étranger, au-delà des exemples souvent mentionnés dans les médias de la Sorbonne à Abou Dhabi ou d’HEC au Qatar.
Peu d’études approfondies se sont intéressées au déploiement de l’offre française à l’étranger. L’étude réalisée par France Stratégie comble une lacune sur le chiffrage de l’internationalisation de l’enseignement supérieur français : il identifie dans quels pays, dans quelles disciplines, à quels niveaux d’études, ou encore selon quelles modalités d’implantation, les établissements français exportent leurs formations à l’étranger.
Comment s’exporte le campus France?
Programmes délocalisés, MOOCs, campus internationaux… le développement de nouvelles formes de mobilité dans l’enseignement supérieur ouvre un marché potentiel de 400 millions d’étudiants à l’horizon 2030. Aux enjeux de captation de la demande internationale s’ajoutent ceux de la diplomatie d’influence, du sourcing des hauts potentiels dans un contexte de « guerre des talents », de l’accompagnement des entreprises à l’international… autant de bonnes raisons de prendre vite et bien le tournant du « transnational »!
L’offre française dispose donc de plus de 600 programmes à l’étranger, dont 140 implantations physiques, sous forme de franchises (62), de campus satellites (40) ou d’établissements associés (38). Les établissements délocalisent par ailleurs près de 330 diplômes de leur offre de formation auprès de partenaires étrangers et proposent au moins 138 programmes de formation à distance suivis par une audience étrangère. Les pays dans lesquels l’offre est la plus déployée sont les suivants : Maroc, Vietnam, Chine, Liban et Tunisie; on retrouve ainsi trois pays du Top 5 des pays d’origine des étudiants étrangers en France (Chine, Maroc, Algérie, Tunisie, Sénégal). Ces programmes français à l’étranger sont majoritairement dispensés au niveau du second cycle (près de 70 % des programmes). L’offre est également très développée dans des domaines où l’expertise française est reconnue (mode, hôtellerie, etc.) même si les sciences de l’ingénieur et le management dominent. En termes d’effectifs, ces programmes accueillent près de 37 000 étudiants à travers le monde. Quatre étudiants sur cinq résident en Asie (38 %), en Afrique (28 %) et au Proche et Moyen-Orient (18 %).
Toujours selon l’étude, les formations françaises s’exportent, mais aujourd’hui, faute de stratégie claire, les établissements ne sont pas en mesure de saisir toutes les opportunités offertes par l’explosion de la demande d’enseignement supérieur dans le monde. Ils ont pourtant des atouts à faire valoir (excellence dans certaines disciplines, approche professionnalisante, attractivité de sa recherche).
Ce rapport compare donc le positionnement de l’offre française à celui des autres grands pays spécialistes de l’« exportation » de formations et propose trois grands axes d’action pour l’État français et quatre scénarios pour devenir un acteur majeur dans la compétition mondiale que se livrent les grandes institutions universitaires.
3 grands axes d’action pour l’État
Renforcer à tous les niveaux le pilotage des stratégies internationales
- La professionnalisation des équipes dédiées à l’international est nécessaire pour aboutir à de véritables stratégies internationales.
- La mise en place, au niveau de l’État, d’un système statistique harmonisé de suivi des programmes français à l’étranger permettrait de collecter des informations sur le nombre d’inscrits, de diplômés, par niveaux d’études, types de disciplines, diplômes préparés et en précisant le type d’implantation du programme.
- L’État doit favoriser l’émergence d’un environnement propice à l’internationalisation des établissements.
Assurer la qualité de l’offre à l’étranger
- Une clarification du mandat international des agences d’évaluation en France est impérative.
- Face à la demande croissante d’accréditation des établissements d’enseignement supérieur, un positionnement rapide sur ce marché serait impératif.
- Notre offre de diplomation doit gagner en lisibilité et davantage se conformer aux standards internationaux.
Diversifier les moyens de financement pour développer l’offre à l’étranger
- Une clarification du financement public et une évaluation des programmes actuellement soutenus doivent être menées.
- Il faut également favoriser la diversification des modes de financement.
4 stratégies possibles pour les établissements
- Scénario 1 — La stratégie du rayonnement
S’inscrire dans la diplomatie scientifique et universitaire - Scénario 2 — Le déploiement par et pour la recherche
Aller là où se fait/fera la recherche de pointe, aller chercher les talents de demain - Scénario 3 — L’appropriation du marché
Accroître sensiblement l’offre et repenser le positionnement - Scénario 4 — Diversification numérique
Investir les formes prometteuses d’internationalisation
Sources :
- Céline Mareuge, L’enseignement supérieur français par-delà les frontières : l’urgence d’une stratégie, France Stratégie, 26 septembre 2016.
- Rapport — L’enseignement supérieur français par-delà les frontières : l’urgence d’une stratégie (PDF – 4.03 Mo)
- Dossier de présentation — L’enseignement supérieur français par-delà les frontières : l’urgence d’une stratégie (PDF – 2.53 Mo)