Le magazine Affaires universitaires rapporte que plusieurs universités du Canada anglais offrent de plus en plus de programmes enrichis en première année de bac, ce qui s’appelle chez eux “Foundation-Year Programs“. L’article cite l’Université de Toronto avec les programmes Trinity One du Trinity College et Vic One de la Victoria University (des institutions affiliées). En tout, Toronto compte dix (10) de ces programmes. St-Thomas University et Vancouver Island University ont des programmes spécialisés respectivement dans les grandes oeuvres et les liens avec la culture autochtone. Le King’s College de Halifax et la University of British Columbia ont les programmes de ce type les plus anciens (1972 et 1968). Carlton et Guelph se sont jointes au mouvement en 1999 et 2003. On mentionne aussi Nipissing University.
Ces programmes permettent généralement à des étudiants doués, triés sur le volet, de vivre une expérience de recherche sur des thématiques particulières en petits groupes de travail avant d’entreprendre un curriculum plus régulier avec le reste de la cohorte: « Often the goal is to give students the experience of a small liberal-arts college with the advantages of a large, urban, research-oriented university.”
On peut s’interroger sur le contenu des cours de tels programmes et penser qu’il existe un certain risque de trouver parfois des amalgames de cours d’introduction de tous horizons. Dans la version francophone de l’article, on présente cela comme la chance de vivre une expérience de “petites classes” par opposition aux grands cours d’introduction en auditorium. Toutefois, la version anglaise parle carrément de « seminars », ce qui renvoie à une autre réalité nous semble-t-il… On évoque le fait que ces groupes sont interdisciplinaires, qu’on y traite de thématiques transversales (oeuvres classiques, développement durable, le sommeil, la poussière) plutôt que savoirs disciplinaires…
Dans certains cas, il s’agit même d’initiation à la recherche dès le début du premier cycle. On dirait presque une volonté de revenir à l’idée originale de ce qu’était l’université il y a quelques années (lectures de classiques, beaucoup de rédaction, discussions avec de grands professeurs) en prenant acte de sa massification…
“While the emphasis of foundational programs is on student engagement and learning, the programs also serve as a recruitment tool. For large institutions, they may be a way to woo top students away from the smaller, more intimate, mainly undergraduate universities. […] [P]rospective students regarded U of T as an excellent research university but a large, impersonal institution.”
Le fait que ces programmes s’adressent à étudiants doués pose toute la question de l’accessibilité à de telles formations et nous questionne sur le développement de l’existence de parcours universitaires parallèles à deux vitesses au sein même des universités du Canada anglais…
“Several universities boast on their websites that students who complete small first-year programs tend, disproportionately, to assume leadership roles in university clubs, have higher grades, win scholarships and go on to prestigious graduate schools. Several program directors spoke proudly of the number of students they’ve sent to the Ivy League or to Oxford or Cambridge, or who have won major scholarships.
However, since the foundational programs are often open to only the best entering students, it may be hard to credit the program itself with all this success. Admission is generally based on high-school grades, a writing sample and often a special application with a series of probing questions.
Some argue that small classes and intensive engagement with faculty would also be of benefit to entering students with average grades.”
Voilà qui rappelle les années pré-med et pré-droit (l’année propédeutique) que l’on trouve dans les universités anglophones québécoises pour leur permettre d’accueillir les étudiants hors-Québec. Si cette tendance semble s’inscrire dans le contexte particulier des universités anglo-saxonnes, tant au niveau de la philosophie derrière ces programmes que dans leur fonctionnement. ne devrait-on pas se préoccuper de la dimension compétitive d’une telle nouvelle? Les petits groupes sont une marque de commerce de l’UdeS. Dans la mesure où il s’agit d’un outil de recrutement, ce courant laisse à penser que d’autres joueurs (Laval, UdeM, etc.) pourraient fort bien développer ce « créneau personnalisé » à leur tour.
D’autres considérations sont évoquées: “The foundation-year programs also appeal to prospective donors. Nearly all of the more established programs have chairs funded by generous alumni.”
Sources:
Schwartz, Zane, “L’expérience des petites classes“, Affaires universitaires, 3 décembre 2014
Schwartz, Zane, “The small-seminar experience“, University Affairs, 3 décembre 2014