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Interne: des pistes pour redéfinir la productivité professorale

Dans Affaires universitaires, la professeure Maureen Mancuso, provost et vice-rectrice à l’enseignement de l’Université Guelph, récipiendaire du prix 3M, a entrepris une série d’articles d’opinion sur l’évaluation de la productivité des membres du corps professoral.  Sujet impopulaire s’il en est, mais combien d’actualité en ces temps de contrôle-qualité.  Mission impossible?

“De fait, comment définir la productivité du corps professoral? Il n’existe pas de réponse à la fois facile et exacte à cette question. L’évaluation quantitative d’un domaine qualitatif comme le nôtre est un terrain miné de pièges méthodologiques et de potentielles erreurs de mesure, de conséquences imprévues et d’incitatifs pernicieux. Nous sommes nombreux à craindre la mise en place d’un système qui ne reconnaîtrait pas la complémentarité et la collégialité essentielles du corps professoral d’un établissement et qui évaluerait chacun des membres d’un corps diversifié selon un cadre générique et contraignant.

[…]

Il est bien sûr ardu d’évaluer la productivité, mais il s’agit d’un passage obligé. L’histoire est jonchée de professions et d’institutions qui ont privilégié le statu quo en ignorant toute occasion de s’améliorer. Les gouvernements ne semblent pas non plus enclins à accorder de traitement spécial aux universités dans le grand virage vers des politiques d’évaluation plus empiriques et plus ciblées.  Si les mesures précises qui sont proposées sont trop ésotériques, lourdes ou opaques, ce seront des mesures simplistes, bien qu’erronées, qui seront privilégiées.

Puisque nous soutenons que la qualité ne dépend pas que de la quantité, il nous revient de participer au processus et de proposer des mesures appropriées qui tiennent fidèlement compte des défis et des avantages — les intrants et les extrants — du milieu universitaire. Une chose est claire : nous serons évalués. Même si la perspective d’une hausse considérable de l’évaluation bureaucratique externe ne nous réjouit pas, nous devons au moins prendre part à la transition, qui est inévitable, sous une forme ou une autre, dans l’actuel climat économique et social. Il vaut mieux essayer d’influer sur le choix d’un mode d’évaluation et d’orienter le mouvement vers une démarche éclairée et équitable, plutôt que de se retirer simplement du dialogue en attendant que la cloche sonne.” [Mancuson, septembre 2013; nos emphases]

Dans un second article [malheureusement encore seulement disponible en anglais], Mme Mancuso rappelle la difficulté de quantifier le travail d’enseignement d’un professeur dans toutes ses facettes:

Teaching has several simple-but-incomplete metrics: student-faculty ratios assume that each instructor has only a fixed amount of “teaching” to divide among learners; higher graduation rates can reflect lowered standards or increased student success; student course evaluations can devolve into a thinly veiled popularity contest. There are nuggets of utility in numbers like this, but to characterize (and incentivize) truly productive teaching we ought to recognize outputs like student engagement, learning outcomes assessments and curriculum innovations (which, like foundational research, have effects that grow in time). We also should capture the impact of efforts outside the classroom, like thesis and project supervisions, experiential and service-learning activities, and the informal but productive interaction that makes up unassigned teaching. [Mancuso, novembre 2013; nos emphases]

En septembre, elle parlait déjà du caractère invisible de plusieurs tâches et de la perception du public: ” De nombreuses tâches participent d’une espèce d’économie clandestine de l’éducation, générant une valeur considérable sans être (encore) calculées dans le « produit pédagogique brut » officiel.”  “Par ailleurs, nous devons nous efforcer de corriger la perception réductrice des universitaires comme groupe relativement protégé et surpayé qui, « comme chacun le sait », ne travaille que huit mois par année…”

D’après Mme Mancuso, les universitaires ont déjà l’habitude de ce délicat équilibre entre l’objectif et le subjectif dans les revues par les pairs ou les comités d’évaluation en vue de l’agrégation ou de la titularisation.  Elle croit qu’il est possible de développer des métriques complexes de la productivité (“one that incorporates what is good about how we already assess one another for career progress but is also accessible to external stakeholders demanding numbers”), si les professeurs s’y mettent.  En d’autres mots, s’organiser avant de se faire organiser…

Sources:

Mancuso, Maureen, “Comment définit-on un professorat productif? À nous de jouer“, Affaires universitaires, 11 septembre 2013

Mancuso, Maureen, “We need a more complex model of faculty productivity – Back to the drawing board“, University Affairs, 6 novembre 2013

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Jean-Sébastien Dubé

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