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Le numérique n’a pas encore changé vraiment l’enseignement universitaire

Ayant pour titre « The Digital Revolution and Higher Education » (pdf, août 2011), un rapport du Pew Research Center présente les résultats d’une enquête menée aux États-Unis au printemps 2011.

« Cette enquête a été menée auprès d’un échantillon de 2142 adultes âgés de 18 ans et plus d’une part, de 1055 présidents de colleges et universités publics et privés d’autre part. Les questions portaient sur la valeur et le volume de l’offre de cours à distance dans l’enseignement supérieur, ainsi que sur d’autres aspects de l’utilisation des TIC à ce niveau : utilisation des appareils et des manuels numériques, pratiques plagiaires liées à la disposition des sources via Internet et à la pratique du copié-collé. »

La formation à distance peu prisée du grand public, ni même des étudiants

Les résultats démontrent clairement l’écart de perceptions entre le grand public et celles des responsables universitaires. En effet, le grand public considère seulement à 29 % que les cours et diplômes en ligne sont équivalents aux cours en présentiel et aux diplômes traditionnels. Ce pourcentage est de 51 % chez les responsables universitaires. « Plus étonnant encore, 40 % “seulement” des étudiants et diplômés des 10 dernières années ayant suivi des cours en ligne estiment qu’ils sont de valeur équivalente aux cours en présence! Et d’une manière plus globale, on constate que les jeunes (moins de 30 ans) ont autant de réserves que leurs aînés sur la valeur des cours en ligne. »

Pourtant, les établissements d’enseignement supérieur notamment continuent de travailler fort pour augmenter leurs offres de formation à distance. En effet, on retrouve maintenant des formations à distance chez 91 % des colleges qui offrent des cycles d’études de deux ans et 50 % des responsables universitaires évaluent que la majorité des étudiants suivront des cours en ligne d’ici les dis prochaines années. « On constate que l’enrichissement de l’offre de cours en ligne ne vise pas seulement à atteindre des étudiants distants : la majorité des cours en ligne sont actuellement suivis par des étudiants qui suivent aussi des cours en présence. Les institutions qui offrent des formations préparant à une entrée sur le marché du travail sont plus nombreuses à offrir des cours en ligne que celles qui visent avant tout le développement personnel et intellectuel des étudiants. Enfin, les établissements publics sont plus nombreux que les établissements privés, et les plus sélectifs d’entre eux en particulier, à proposer des cours et diplômes en ligne. »

Les appareils numériques bien présents dans les classes

En regardant de plus près l’intégration des TIC à l’enseignement traditionnel en classe, « on constate que la révolution numérique est bien là : 62 % des responsables universitaires estiment que d’ici dix ans, il n’y aura plus que des manuels numériques. Le marché des manuels scolaires pèse 8 milliards de dollars aux Etats-Unis. » C’est pourquoi plusieurs articles font mention du virage que prennent plusieurs maisons d’édition pour verser en mode électronique les versions des livres imprimés actuellement achetés par les étudiants. Cette réorganisation doit se faire rapidement, car il y a déjà un mouvement bien enclenché de libres accès gratuits aux manuels numériques. De plus, une presssion s’exerce de plus en plus forte de la part d’un nombre croissant de défenseurs parmi les étudiants qui ne veulent plus dépenser une moyenne de 1000 dollars par an pour des manuels imprimés, rapidement obsolètes.

Les appareils numériques sont également présents dans les amphithéâtres et généralement bien tolérés, car seulement 2 % des responsables universitaires les interdisent pendant les cours. Pourtant, ils utilisent eux-mêmes régulièrement des appareils numériques et même des réseaux sociaux.

« Les responsables universitaires dans leur majorité (55 %) estiment que les pratiques de plagiat ont cru pendant ces dix dernières années, et que la généralisation de l’accès à Internet a joué là un rôle essentiel. Ils n’ont pas été interrogés sur leur utilisation des outils de détection du copié-collé, ce qui est dommage puisque les technologies apparaissent finalement comme source et élément de solution d’un même problème. »

En résumé, bien que le numérique ait trouvé sa place dans les salles de cours, la formation supérieure à distance ne fait pas l’unanimité quant à sa valeur, surtout dans le grand public, possiblement en raison de son manque de familiarité avec cette modalité d’enseignement. Par ailleurs, que la majorité des étudiants ayant déjà suivi des cours en ligne n’ait pas une meilleure opinion sur ces cours est surprenant.

« S’ils souhaitent développer leur offre de cours en ligne (et c’est ce que montrent aussi les résultats de l’enquête), les établissements d’enseignement supérieur devront donc redoubler d’efforts pour promouvoir la qualité de leurs produits et travailler sur cette qualité-même. La conscience d’un a priori négatif sur les cours en ligne est sans doute ce qui pousse actuellement l’Université de Californie à adopter une approche qualitative et extrêmement prudente avant de proposer ses premiers cursus diplômants en ligne : applications interactives, présence de laboratoires virtuels, de salles de discussions et horaires élargis de communication avec les enseignants et tuteurs sont au programme des premières expérimentations. Car il va falloir faire beaucoup mieux que dans les cours en présence pour convaincre que les cours en ligne ne sont pas de la sous-formation, comme à chaque fois qu’il s’agit de combattre des préjugés négatifs. »

Les sondages de la CREPUQ publiés bientôt

Sur le plan québécois, un rapport de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ) est sur le point d’être divulgué et présentera des résultats sur des thématiques similaires. Les sondages ont été effectués également au printemps 2011, d’une part auprès des professeurs universitaires, et d’autre part auprès des étudiants des mêmes établissements québécois. Il sera intéressant de comparer les résultats de ces deux enquêtes.

Source : VAUFREY, Christine. « La révolution numérique n’a pas encore bouleversé l’enseignement universitaire », article dans Thot Cursus, 17 octobre 2011.

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