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Thèses plagiées : des politiciens pris, un public qui surveille, et des propositions

Les médias rapportaient récemment (fin février-début mars 2011)  les cas de deux politiciens détenteurs de doctorats dont on a découvert qu’une grande partie de la thèse aurait été plagiée.

Le premier cas, baptisé le copygate, a fait grand bruit en Allemagne et a déstabilité le gouvernement de la chancelière Angela Merckel, tel que rapporté par La Presse. Il s’agit de Karl-Theodor zu Guttenberg, une vedette du cabinet, titulaire du ministère de la défense. Le ministre a nié les allégations, mais a retiré son titre de docteur en droit temporairement, pour la durée de l’examen complet de l’affaire dont il s’était dit confiant de sortir blanchi. On lui reprochait d’avoir copié de grands passage d’une trentaine de sources pour sa thèse. Jusqu’à 2/3 de la thèse étaient considérés suspects. Gregor Aisch, un designer d’information, a même créé une représentation visuelle de l’ampleur et de la répartition des passages plagiés. Un autre article mentionne que les sources n’auraient pas été citées correctement (plus de détails à cet autre autre article). Finalement, un dernier article du 2 mars (du site TSR info) annonce la démission du ministre, qui aurait reconnu des fautes graves… non intentionnelles! L’université émettrice a finalement révoqué  son doctorat.

Un deuxième cas est celui du fils du dictateur Lybien Mouammar Kadhafi, Seif Al Islam Khadafi. Détenteur d’un doctorat de la London School of Economics (ironiquement, sur le rôle de la socitété civile dans la démocratisation des institutions de gouvernance internationale), l’institution conduit une enquête en réponse à des accusations de plagiat.

Dans la foulée du scandale du copygate Allemand, des groupes se sont organisés pour faire un examen des thèses des politiciens en exercice détenteurs d’un doctorat (notamment en organisant un wiki pour permettre la collaboration de plusieurs contributeurs). Trouvera-t-on d’autres cas? Assistera-t-on à des démissions ou à des départs à la retraite précipités chez des politiciens plagieurs pour prévenir ou atténuer l’impact de la divulgation de leur tricherie académique?

Dans un long article sur son blogue, intitulé « Just put the thesis online and let everyone have a look for themselves », Daniel Mietchen propose d’instaurer la publication en ligne automatique de tout article scientifique afin que le public puisse les examiner à loisir. Il plaide que l’examen par les pairs post-publication est clairement meilleur que l’examen pré-publication usuel, ne serait-ce que par la quantité de personnes qui peuvent y participer. De plus, il propose d’intégrer aux publications électroniques des liens directs vers les articles avec notification aux auteurs cités afin d’augmenter les interactions entre scientifiques et de réduire les risques de plagiat (voir l’article complet pour d’autres propositions de Mietchen).

Ces scandales académiques dévoilés au grand jour soulèvent des questions intéressantes. Peuvent-ils avoir un effet positif chez nos étudiants quant à la conduite de travaux universitaires respectant toutes les règles de citation et d’originalité ? En voyant que le plagiat peut nous rattraper des années après la diplomation et avoir des conséquences catastrophiques pour une carrière, peut-on imaginer l’utilisation du cas du copygate comme un instrument de sensibilisation? La publication en ligne systématique des thèses et des mémoires aurait-elle un effet dissuasif notable sur le plagiat?

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2 Commentaires

  • Ce genre de cas, c’est un véritable déluge! Des politiciens, mais aussi
    des écrivains : Livres – Michel Houellebecq aurait plagié Wikipédia. Catherine Lalonde. Le Devoir – livres. 4 septembre 2010;
    des présidents et recteurs : Condamné pour plagiat, le directeur de l’École supérieure d’art a démissionné. Hubert Feret. La Voix du Nord. 12.11.2010.
    President of Alabama’s Jacksonville State U. Can’t Shake Plagiarism Charges. Thomas Bartlett. The Chronicle of Higher Education. June 2, 2009.
    des professeurs chercheurs : Agency spares shame of plagiarists. Jim McElhatton. The Washington Times. April 12, 2010;
    U of R[egina] prof accused of plagiarism. CBC News. April 6, 2010.
    des journalistes renommés : Washington Post Suspends Pulitzer-Winning Reporter Horwitz Over Plagiarism. Chris Peterson. Bloomberg. March 17, 2011

    Je doute sincèrement que ces cas aient un quelconque effet dissusasif chez les étudiants. Premièrement parce qu’ils ne pensent pas à leur futur. Deuxièmement, parce qu’ils se disent qu’ils ne se feront pas attraper, eux. Troisièment, et c’est probablement une raison qui fâchera, mais l’intégrité (l’honnêteté), l’esprit critique, la conscience sociale et l’efficacité ne sont des valeurs de notre société actuelle. Qu’il suffise de se brancher sur les nouvelles de l’heure pour s’en convaince…

  • Puisque Sonia mentionne des cas récents autres que des politiciens, j’en profite pour mentionner aussi d’autres cas. Pour la dépêche, je n’ai pas voulu déborder du sujet du plagiat académique, mais j’avais aussi lu plusieurs articles datant de la dernière campagne présidentielle américaine qui faisaient état de nombreux cas de plagiat dans les discours des politiciens. Souvent rédigés par du personnel de l’entourage des politiciens plutôt que par les politiciens eux-mêmes, ces discours plagiés ont quand même mis ceux qui les prononçaient dans l’embarras, notamment le candidat défait John McCain. À l’ère d’Internet, plus rien ne passe inaperçu.

    Jean-Sébastien Dubé me rappelait au téléphone que, plus près de nous, le candidat défait à la direction de l’ADQ Éric Caire avait dû s’excuser de s’être présenté comme un bachelier alors qu’il n’avait pas terminé son programme universitaire. Ça n’est pas du plagiat à proprement parler, mais c’est une autre forme de malhonnêteté académique.

    En soi, si on ne fait rien de plus, je ne crois pas non plus que ces cas puissent dissuader le plagiat, mais ils pourraient être mis en évidence dans certains efforts de sensibilisation. Les propositions de Mietchen sont toutefois intéressantes parce qu’elles mettent les travaux universitaires à un niveau de visibilité qui permet la comparaison électronique automatisée et le signalement aux auteurs cités de manière à rendre la détection de plagiat plus accessible. Un risque élevé de se faire prendre tôt est peut-être un peu plus dissuasif que la menace de conséquences lointaines. On jase là… 😉

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