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Roger Schank : changeons ce qu’on enseigne et comment on l’enseigne

Roger Schank, professeur émérite en informatique, psychologie et éducation, est un intellectuel audacieux. J’y ai déjà fait référence dans un billet précédent portant sur sa société de e-learning Socratic Arts. À ses débuts, Schank était un expert du domaine de l’intelligence artificielle; il s’est par la suite développé comme professeur en sciences cognitives, puis finalement en éducation. Il partageait récemment sur Twitter (24 nov 2010) un lien vers la diffusion en différé d’une conférence qu’il a donnée en Russie sur ce que devraient faire les systèmes d’éducation (51 min, site russe, mais conférence et diapositives en anglais). Dans cette conférence, Schank expose sa vision résolument cognitiviste de l’éducation et remet en question la façon actuelle d’enseigner à tous les niveaux. Il questionne sans ménagement le choix des matières scolaires enseignées. Pour lui, le curriculum scolaire en Occident est complètement déconnecté des besoins réels de la société. Il propose que l’on cesse d’enseigner des matières (qui ont été choisies pour la plupart au 19e siècle) et que l’on aide plutôt les élèves et les étudiants à apprendre à penser.

De façon plus spécifique, il propose que l’école serve à entraîner nos élèves et nos étudiants à exercer 12 processus cognitifs fondamentaux (ou habiletés) à des niveaux de plus en plus élevés à mesure qu’ils avancent dans le système.

  1. Prédiction
  2. Causalité
  3. Planification
  4. Jugement
  5. Expérimentation
  6. Évaluation
  7. Diagnostic (au sens général, pas nécessairement au sens médical)
  8. Travail collaboratif
  9. Négociation
  10. Influence
  11. Description
  12. Modeling (au sens de se créer des modèles mentaux adéquats et de savoir les réviser au besoin)

Les matières deviendraient des contextes dans lesquels on exerce ces habiletés cognitives. Schank souhaite donc une pédagogie par projets où l’étudiant doit continuellement s’exercer avec des projets et des livrables de plus en plus sophistiqués. L’apprenant doit se constituer une large base de cas pertinents sur lesquels il a travaillé pour pouvoir y référer plus tard dans ses raisonnements. Les projets, une fois réalisés, deviennent des cas internalisés pour référence future. Schank souhaite aussi constituer une vaste banque de cas pré-rédigés (des histoires illustrant les connaissances pertinentes, bien contextualisées, à travers lesquelles on identifie les leçons à tirer et on internalise les cas) qui seraient présentés juste au bon moment aux apprenants, pour soutenir leurs nouvelles activités cognitives. L’apprenant doit donc être accompagné par un mentor qui saura lui présenter les bons cas et les bonnes activités au bon moment.

On est conceptuellement très proche, au niveau scolaire, des concepts de la « réforme » du Québec et, au niveau universitaire, des approches par problèmes, par projets et par compétences, mais aussi des parcours de professionnalisation. Sauf qu’au lieu de parler de compétences disciplinaires et transversales, il parle de constituer pour les apprenants de larges bases de cas pertinents sur lesquels ils se sont exercés (qui apporteraient des connaissances disciplinaires appropriées) et des processus cognitifs fondamentaux à développer (exercés dans le cadre du travail sur les projets et de leur études des cas).

Les 10-15 dernières minutes de la conférence font référence à un exemple de concret de programme de formation MBA à distance en ligne, bâti selon ces principes. L’exemple est très éloquent sur le potentiel de cette approche pédagogique. Il y a de quoi s’inspirer, notamment pour les parcours de professionnalisation.

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3 Commentaires

  • Je viens tout juste d’écouter la conférence, c’est effectivement fort inspirant pour ceux qui démontrent une ouverture à questionner leur approche à l’enseignement. Reste à voir s’il sera éventuellement possible d’en retirer des leçons afin de mieux conseiller nos clientèles, peut-être dans un contexte d’amélioration continue des programmes?

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