Pédagogique

Accessibilité: des stratégies d’enseignement gagnantes

Faculty Focus publiait la semaine dernière un texte de Hawa Allarakhia où cette phrase a particulièrement retenu mon attention :

Environ un tiers des étudiants qui ont été en situation de handicap pendant leurs études en ont informé leur établissement.

[traduit avec Deepl.com, puis adapté]
National Center for Education Statistics (2022)


Cette information provient du National Center for Education Statistics (2022), l’organisme qui collecte et analyse les données en lien avec l’éducation aux États-Unis.

Si un tiers seulement s’ouvre sur leur situation, le deux tiers ne la révèlent donc pas… Mais pourquoi me suis-je demandé? L’auteure n’aborde cependant pas les causes de cette non-révélation. Elle fait plutôt valoir que les mesures d’accommodement sont en elles seules — elle en présente d’ailleurs la courte liste — totalement insuffisantes pour soutenir toute la population étudiante actuelle dans les multiples défis qu’elle rencontre au postsecondaire.

Sans rejeter les mesures d’accommodement — qui seront toujours nécessaires dans certains cas, souligne-t-elle à juste titre –, elle enjoint plutôt tout le personnel enseignant d’appliquer sans plus tarder des stratégies élargies de soutien à l’apprentissage pour soutenir toute personne étudiante, quelle que soit sa situation.

Autrement dit, plutôt que de soutenir quelques personnes “en situation de handicap”, elle préconise d’adopter des pratiques enseignantes qui ont le pouvoir de soutenir la vaste majorité des personnes étudiantes. Ajoutant de surcroit qu’il s’agit de pratiques désormais connues pour leur efficacité et réalistes d’application.

Elle apporte quelques stratégies qu’elle présente en trois groupes : 1) l’enseignement en présence; 2) la formation à distance; et 3) la conception des ressources du cours. Je mentionne au détour que les pratiques présentées sont en nombre très limité et je tiens à souligner qu’il en existe bien d’autres pour inspirer vos pratiques.

L’enseignement en présence

Interactions plus inclusives

Si vous avez l’habitude de désigner spontanément des personnes pour qu’elles répondent, voici quelques pistes pour rendre cette pratique plus inclusive:

  • Éviter de le faire sans un signal ou un avis préalable;
  • Favoriser le mode volontaire;
  • Adopter une règle de jeu où chacun peut “passer un tour”;
  • Introduire la possibilité de répondre à l’oral ou à l’écrit;

Travail d’équipe plus inclusif

Certaines pratiques stimulent l’apprentissage, le travail d’équipe est un moyen très utilisé en classe.  Le mot d’ordre avec le travail d’équipe est d’en baliser suffisamment l’organisation tout en introduisant de la flexibilité pour permettre aux personnes étudiantes de faire des choix.

  • Si le travail d’équipe n’est pas essentiel pour l’atteinte des cibles d’apprentissage, la personne étudiante devrait pouvoir choisir de travailler seule ou en équipe.
  • Encourager les modes d’interaction selon la préférence des équipes, soit en classe, hors de la classe ou en virtuel (vidéo ou par écrit). La classe où plusieurs équipes discutent est un milieu bruyant nuisible à la concentration de plusieurs personnes.
  • S’assurer que les espaces à disposition pour le travail d’équipe sont adéquats et qu’ils permettent la participation active de toutes les personnes étudiantes, quelle que soit leur condition.

Ouverture aux situations particulières

Démontrer de l’ouverture commence par faire de la place. On ne révèle pas sa situation de handicap comme on dit “Bonjour.” Il peut être très intimidant de livrer un pan de sa vie à une personne inconnue. Une pratique pédagogique gagnante est de réserver un moment et un lieu où la personne pourra se sentir en confiance et qui préserveront la confidentialité de sa situation. Une période de bureau, une rencontre en ligne sont des bons choix. D’autres seront plus à l’aise par des échanges écrits. Démontrez votre ouverture en proposant des choix qui faciliteront le dévoilement des personnes étudiantes qui vivent une situation limitative dans une classe.

La formation à distance

Les suggestions ci-dessous sont applicables dans tout contexte d’enseignement.

Les interactions avec le contenu du cours

  • Fournir des vidéos sous-titrées ou une transcription de l’audio.
  • Assurer l’accessibilité de tous les contenus et des logiciels dont vous demandez l’usage.
  • Prévoir que les personnes étudiantes utilisent un lecteur d’écran pour toutes les ressources à consulter, y compris les documents en ligne.
  • Prévoir que les personnes étudiantes utilisent un scripteur pour saisir leurs réponses.

La conception des ressources du cours

Organiser le contenu du cours en craquant pour Moodle!

Bien sûr, l’auteure ne parle pas spécifiquement de Moodle, mais d’un Environnement numérique d’enseignement et d’apprentissage (ENA). Cependant, si vous êtes à l’Université de Sherbrooke, l’ENA principal est Moodle.

  • Organiser son site Moodle de manière cohérente pour que les personnes étudiantes y naviguent sans peine et aient envie d’y revenir. La clé: cohérence.
  • Se servir de Moodle pour enrichir les interactions entre les trois “acteurs” de la formation : la personne étudiante, enseignante et le contenu. Malheureusement, Moodle est souvent utilisé comme simple dépôt de documents, alors qu’il n’en est rien. Moodle regorge de ressources qui permettent de dynamiser son cours.
  • Miser sur des activités asynchrones pour soutenir l’apprentissage de chacun au-delà de la présence en classe.

Concevoir de documents accessibles

  • Remettre des documents en format texte que les lecteurs d’écran lisent mieux que les PDF.
  • Structurer leur contenu avec des titres et des listes  en utilisant les fonctions de style et de formatage.
  • Minimiser l’usage des tableaux. Ce formatage fonctionne mal avec les logiciels de lecture d’écran.
  • Choisir des couleurs contrastées pour que les personnes daltoniennes puissent aussi déchiffrer l’information d’une figure.
  • Utiliser une police de caractère simple et lisible idéalement sans empattement comme Arial, Calibri, Helvetica, Tahoma et Verdana.
  • Privilégier des pages non encombrées et des fonds unis.
  • Formuler un texte descriptif pour les hyperliens, plutôt que d’écrire  “cliquez ici” ou “clique sur ce lien!”
  • Fournir des descriptions textuelles concises des images.
[Pour plus d’exhaustivité, consultez le Guide de communication inclusive pages 24 et 25.]

L’auteure ne propose aucune pratique inclusive concernant les évaluations des apprentissages, ces dernières utilisant plusieurs pratiques pourtant défavorables aux personnes en situation de handicap, spécialement aux personnes neurodivergentes. Il y a pourtant là un enjeu de taille me semble-t-il. Je suggère ci-dessous quelques textes que j’ai écrits sur le sujet. Mais qui dit enjeu touchant les évaluations des apprentissages dit aussi “panier de crabes.” Panier, qu’elle n’a vraisemblablement pas ouvert.


Pour conclure

Je reste avec plusieurs questions en suspens : Pourquoi les personnes étudiantes sont-elles si nombreuses à ne pas divulguer leur situation de handicap à leur institution? La situation au Canada est-elle comparable? Les personnes étudiantes se sentent-elles moins en confiance de dévoiler leur situation une fois au postsecondaire? Redouteraient-elles davantage la stigmatisation? Perçoivent-elles les mesures d’accommodation proposées comme inefficaces? J’investiguerai ce sujet dans les semaines à venir. Histoire à suivre!


Sources

Textes sur l’évaluation des apprentissages et l’inclusion


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Formée au domaine de l'éducation et conseillère pédagogique depuis une vingtaine d'années, Je suis "officiellement" à l'Éveilleur depuis janvier 2022. Les sujets qui m'intéressent sont le développement des compétences du personnel enseignant universitaire, les mesures EDI dans les universités, les pratiques enseignantes inclusives (en soutien à l'apprentissage de tous). J'ai aussi un faible pour les bons outils de vulgarisation qui décrivent les mécanismes et les stratégies d'apprentissage.

À propos de l'auteur

Maryse Beaulieu

Formée au domaine de l'éducation et conseillère pédagogique depuis une vingtaine d'années, Je suis "officiellement" à l'Éveilleur depuis janvier 2022. Les sujets qui m'intéressent sont le développement des compétences du personnel enseignant universitaire, les mesures EDI dans les universités, les pratiques enseignantes inclusives (en soutien à l'apprentissage de tous). J'ai aussi un faible pour les bons outils de vulgarisation qui décrivent les mécanismes et les stratégies d'apprentissage.

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