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Metaversité : des promesses, des enjeux et des alternatives

Depuis quelques mois, Meta (anciennement Facebook) s’investit de manière considérable dans le domaine de l’éducation supérieure et cherche à engager de plus en plus d’universités intéressées par les expériences d’apprentissage immersif dans le Métavers.  

En novembre 2021, la compagnie de Mark Zuckerberg annonçait un investissement de plus de 150 millions de dollars dans son projet « Meta Immersive Learning ».

« Meta is investing $150M to help develop the next generation of metaverse creators, fund high quality immersive experiences that transform the way we learn, and increase access to learning through technology » (Meta Immersive Learning)

Pour bâtir ce projet d’envergure, Meta s’est associée avec Engage, une entreprise américaine de réalité virtuelle, et VictoryXR, spécialiste de solutions de formation immersives. Ils ont réuni une dizaine d’universités : Université de Virginie occidentale, du Maryland, du Dakota du Sud, du Nouveau-Mexique, École d’infirmières de l’Université du Kansas, etc. Ensemble, ils ont créé dix « Metaversités » qui sont en train de faire ces premiers pas depuis quelques mois.

Metaversité : qu’est-ce que ça mange en hiver ?

Le mariage entre les mots Meta et université a donné naissance à l’expression « Metaversité » (Metaversity) ; un néologisme de plus en plus présent dans le domaine de l’enseignement supérieur.

En bref, il s’agit d’un environnement numérique immersif dans un monde virtuel en 3D qui émule un campus et des espaces physiques d’apprentissage. Dans ces espaces qui ont vu le jour cet automne, les personnes étudiantes peuvent se promener avec d’autres personnes étudiantes (avatars) et assister à des cours d’une certaine diversité de programmes, comme histoire, astronomie, anatomie humaine, etc.

Dans un article apparu sur Forbes, madame Emma Whitford a décrit de façon sommaire son expérience dans quelques-uns de ces environnements numériques :

« the virtual campus is unmistakably a college campus. Georgian-style buildings with white columns encircle a bright green, grassy lawn (…)

But despite having aspirations of creating a leafy college quadrangle, the space still looks and feels like you’re standing in an early PC game. It’s unnervingly empty—there’s no passersby, students playing Spikeball or professors on their lunch break. Moving around the space is jarring; while pressing forward on the joystick, it almost feels like the ground is coming out from beneath you (…) » (Metaversity Is In Session As Meta And Iowa’s VictoryXR Open 10 Virtual Campuses, Forbes, 3 septembre 2022)

Pour avoir une meilleure idée de la description proposée par Whitford, vous pouvez visionner la vidéo de l’Alabama A&M Metaversity Campus. Dans cette dernière, un survol du campus numérique créée par VictoryXR est proposé.

Investissement et promesses

Pour construire ces campus numériques, les universités participantes devaient d’abord embaucher VictoryXR, l’entreprise de construction numérique :

« VictoryXR builds digital twin metaversities for some of the world’s leading colleges and universities. This includes the grounds, building exteriors and interiors. Even more, the buildings are launched fully ready for large groups of students ready to learn with their professor and other students.

Construction in the metaverse is similar to construction in the real world: it takes designers and builders. In the world of metaversities our designers are called modelers and our builders are coders » (VictoryXR)

Selon les informations disponibles sur le site de l’entreprise, un campus numérique de 5 à 7 bâtiments coûte environ 50 000 $. Cette année, une partie de ces dépenses de construction a été financée par Meta. Également, l’entreprise a envoyé les équipements (casques de RV) nécessaires pour vivre pleinement l’expérience immersive pour les universités participant au projet.

Comme nous avons mentionné, ils ont déjà créé et lancé une dizaine de « Metaversités ». Pour l’année prochaine, ils espèrent en avoir autour d’une centaine, complètement opérationnelles.

Parmi les arguments ou promesses à faveur de l’adoption de cette modalité d’enseignement et d’apprentissage, on évoque : la flexibilité, la capacité d’offrir des expériences d’apprentissage immersives, d’exploiter le potentiel de la réalité virtuelle et augmentée, de proposer des parcours d’apprentissage personnalisés, etc.

Des opinions plus sceptiques

L’atterrissage du Métavers dans les universités ne génère pas seulement de grandes attentes et de l’excitation, il y a aussi des réactions et des opinions plus sceptiques.

En effet, il y a beaucoup d’actrices et d’acteurs de l’éducation qui se posent des questions en matière de monopolisation, d’homogénéisation, d’enjeux éthiques, notamment, en matière de confidentialité des données dans le Métavers.

Pour sa part, Nir Eisikovits, professeur de philosophie et directeur du Center for Applied Ethics de l’Université du Massachusetts à Boston, souligne le besoin de penser à la confidentialité et à l’usage éthique des données obtenues dans ces environnements numériques. Il nous rappelle que derrière cette nouvelle technologie, il y a des entreprises. Ces dernières ne semblent pas se soucier du sujet et malgré cela, selon lui, « nous sommes sur le point de leur donner, de manière exponentielle, plus de données » (Eisikovits, 2022).

Un autre aspect qui semble inquiéter est en lien avec la marchandisation des compétences. Sur ce point, John Preston, professeur de sociologie à l’Université d’Essex, affirme qu’il ne s’agit pas d’un nouveau phénomène ; la marchandisation en éducation supérieure est déjà présente depuis un certain temps. Cependant, selon l’expert, l’émergence des « Metaversités » pourrait entrainer un risque important menant à une accélération hors de tout contrôle de l’économie de la connaissance.

En résumé, comme pour toutes les technologies émergentes, il est indispensable d’adopter un regard critique, de se questionner beaucoup, de considérer les besoins, les contextes et le cas d’utilisation et notamment, l’impact sur toutes les personnes qui vont devoir ou vouloir les utiliser.

Métavers Open Source : une option à considérer ?

Par méfiance ou précaution et dans le but d’offrir des mondes numériques ouverts, accessibles et sûrs, ces derniers temps, plusieurs initiatives de Métavers Open Source ont vu le jour.

En effet, des plateformes à code source ouvert et basé sur des navigateurs ont émergé, s’appuyant sur les normes Web et fonctionnant par le biais du groupe Khronos et du W3C pour assurer l’interopérabilité et la portabilité du contenu. Pour explorer et connaitre ces projets émergents, nous vous proposons quatre plateformes :  

  • OpenSpace3D – Faisant ces premiers pas en 2008, OpenSpace3D est une plate-forme libre et à code source ouvert qui permet aux artistes, concepteurs et passionnés de 3D de créer des espaces virtuels AR et VR sans besoin de connaître le développement de logiciels.  
  • Ethereal Engine – Il s’agit d’un projet ambitieux qui vise à rendre le développement du Métavers « aussi facile et naturel que la création d’un site Web ». Le projet regroupe une variété d’outils libres et gratuits pour créer un cadre de développement du Métavers, des outils pour la création de mondes en 3D, la communication vocale et vidéo, la gestion des utilisateurs, etc.
  • VircadieCette plateforme a vu le jour en 2019 et elle propose une option libre et ouverte pour le développement du Métavers. Elle permet aux individus et aux organisations de concevoir et déployer des expériences de réalité virtuelle 2D/3D, décentralisées et accessibles.
  • Webaverse – La mission déclarée de cette plateforme est de jeter les bases d’un Métavers ouvert en permettant aux créateurs et aux communautés de construire leurs propres mondes virtuels et leurs expériences. Pour ce faire, ils offrent un « moteur de Métavers » entièrement libre, ouvert et personnalisable que tout le monde peut utiliser comme base pour construire son propre Métavers.

Références :

Top 3 pour mieux enseigner : cohérence, accessibilité, flexibilité
La motivation par les TIC
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Alexandra Lez, M.A.
Conseillère en technopédagogie
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Bureau K1-3041
Tél. 819 821-8000, poste 61920
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