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Évaluation artificiellement intelligente ou intelligemment artificielle ?

Aujourd’hui, je vous présente un article récent publié dans Times Higher Education qui m’est apparu assez intéressant d’autant plus qu’il touche un sujet d’actualité. Son auteure, Elizabeth Ellis, directrice de l’École de l’éducation digitale à l’Université d’Arden (Royaume-Uni), s’est penché sur le potentiel de l’intelligence artificielle (IA) dans l’évaluation des apprentissages et plus spécifiquement en ce qui a trait à la rétroaction formative (feedback).

L’auteure met l’accent sur l’importance de la dimension relationnelle dans l’activité évaluative, notamment dans le processus de rétroaction qu’elle décrit comme une activité « humaine » fondé sur le dialogue.

En même temps, l’article attire notre attention sur le rôle accru de la technologie dans l’innovation de cette composante cruciale de tout dispositif de formation, à savoir l’évaluation. Par exemple, l’automatisation de la correction et de la notation constitue l’une des applications concrètes de l’IA ; cela est maintenant possible même dans le cas de productions textuelles complexes (essai) grâce au traitement de la langue naturelle (une autre application de l’IA serait de générer automatiquement des essais comme l’explique cet article de L’éveilleur).

Ainsi, on peut comprendre grâce à une analyse sommaire de ce qui est soulevé dans l’article d’Elizabeth Ellis que le déroulement ainsi que l’effet éducatif de l’activité spécifique de la rétroaction évaluative se trouvent influencés d’une part par la nature même de cette activité (un dialogue humain-humain…pour le moment !) et, d’autre part, par un avènement technologique accéléré par lequel on tente de la rendre plus efficace.

On est donc face à une situation où un agent non humain incarné par une sorte de « robot » gouverné par des algorithmes sophistiqués est appelé à déterminer les modalités d’une relation dialogique complexe entre humains (l’enseignant et l’étudiant). L’auteure explique aussi comment l’IA pourrait rendre la rétroaction plus accessible en accroissant l’engagement des apprenants dans le processus évaluatif. Cela passe inévitablement par des choix pédagogiques avant même de se tourner vers les solutions techniques, selon ce que le texte laisse entendre.

For educators, creating as many opportunities as possible for students to take part in feedback is vital to rebalance this [le manque d’engagement des apprenants]

Il s’agit de mettre en œuvre des pratiques visant à réduire « l’anxiété évaluative » en conférant à la rétroaction un caractère continue et naturel, ce qui pourrait la transformer en une habitude du quotidien. L’idée maîtresse ici est de rompre avec le modèle évaluatif classique où la fonction de la rétroaction est exclusivement de justifier la note et n’est donc fourni qu’au bout du « tunnel ».

Du côté de la technologie, l’IA permet par exemple à l’apprenant à se livrer à un dialogue évaluatif plus ou moins avancé avec un « agent conversationnel » non humain qu’il prend pour un « ami critique neutre ». Ce faisant, il s’accoutume à la notion de rétroaction et saisit sa valeur pédagogique. L’IA peut également soutenir les formes alternatives de rétroaction (audio, vidéo, graphique, etc.). À titre d’exemple, les commentaires textuels de l’enseignant peuvent être convertis automatiquement en un fichier audio (ce serait même possible avec la vraie voix de l’enseignant) pour assurer une connexion plus humaine avec l’apprenant. En fin de compte, c’est à un problème de communication intersubjective que nous essayons de s’attaquer au moyen des technologies. Vers la fin de son article, l’auteure nous met en garde contre l’hégémonie du « solutionnisme technique » qui consiste à mettre la charrue avant les bœufs, pour parler de technologie et de pédagogie, respectivement.

AI can help in a number of areas related to assessment and feedback, but crucially, we have to consider tech-solutionism, which is the desire to turn to technology as the solution to all complex real-world problems

Certes, l’IA a un grand potentiel dans cette quête pour une évaluation de qualité (soit d’être accessible et inclusive, authentique, efficace). Mais, ce n’est pas aussi simple que l’on pourrait imaginer. En effet, on doit impérativement se questionner sur la valeur de ces artifices techniquement « surdoués » pour l’apprentissage : « Comment cela aide-t-il les étudiants ? », se demande Elizabeth Ellis.   

Je voudrais partager une affirmation forte de l’auteure qui appelle à la réflexion : “Artificial intelligence cannot and should not replace face-to-face feedback”. Et vous, quelle est votre opinion sur le sujet ? Êtes-vous « pro-IA » ou « anti-IA » ? (Veuillez excuser cette formulation délibérément réductrice et naïve de la question ; à vous de formuler les vôtres!). Je vous invite enfin à vous remuer les méninges pour tenter de répondre à (ou plutôt débattre de) la question posée dans le titre du présent article sur l’articulation entre artificialité et intelligence en matière d’évaluation ou d’autres facettes de la pédagogie universitaire.

Sources

Ellis, Elizabeth (août 2022), The potential of artificial intelligence in assessment feedback. Times Higher Education.

Ferrell, Gill et Sarah Knight (mars 2022), Principles of good assessment and feedback.

Jisc. Andy Grayson (avril 2022), Why you should write feedback to your students before they’ve submitted. Times Higher Education.

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À propos de l'auteur

Ali Messaoud

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