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Journée de la recherche: compte-rendu des communications

Trois conférences étaient organisées en un « colloque » organisé par le REMDUS sous le thème La place de l’université dans la société:

– Première communication très pertinente d’Yves Gingras, professeur à l’UQAM, directeur scientifique de l’Observatoire des sciences et de la technologie et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en histoire et sociologie des sciences.  Son titre: « L’Université en mouvement, ses transformations depuis 25 ans ».  

Il a pourtant remonté bien plus loin dans le temps en expliquant les origines de la tension au sein des universités entre recherche et enseignement, phénomène qui pour lui remonte à la fondation de l’Université de Berlin en 1809, selon le modèle de son fondateur, le linguiste Wilhelm von Humboldt.  Auparavant, les universités formaient aux professions libérales (droit, théologie et médecine essentiellement), alors que les chercheurs partageaient les savoirs au sein d’académies.  Humboldt a unifié les deux pratiques à Berlin.  Ce modèle perdure au Canada et aux États-Unis, mais les pays européens qui ne l’ont pas adopté (ex: la France, la Russie) tendent à s’en approcher maintenant.  C’est qu’il permet une accélération dans la production du savoir, alors que des chercheurs de bonne réputation attirent les meilleurs étudiants qui deviennent ensuite professeurs et font ainsi école. 

Selon Gingras, le modèle universitaire de Humboldt (enseignement + recherche) reste le meilleur, malgré les tensions inhérentes qu’il entraîne.  La recherche seule étant difficile à justifier auprès des contribuables.  Il considère par ailleurs qu’une partie des difficultés éprouvées sont liés au fait que l’on confond constamment dans le discours populaire les champs universitaire et scientifique, Le champ universitaire touche la formation de nouvelles générations de professionnels, tandis que le champ scientifique renvoie à la circulation de la recherche.  Les deux sont bien sûr liés, mais forts distincts.

Il s’est employé à déboulonner le mythe de la tour d’ivoire, alors que pour lui les universités ont des relations très étroites avec l’ensemble de la société.  En effet, il a pu démontrer que le nombre de co-publications entre chercheurs de disciplines différentes, ainsi qu’entres chercheurs de monde universitaire et de l’industrie allait augmentant sans cesse.  La prépondérance actuelle de la recherche provient d’une importante poussée vers l’innovation depuis les années 1990, avec une course effrenée aux brevets qui s’est selon lui stabilisé depuis les années 2000.

Pour lui la transformation la plus récente est la réorganisation de la recherche des disciplines vers les objets de recherche.  Si auparavant on étudiait un objet de différentes manières selon des disciplines indépendantes et l’on se réunissait entre collègues de la même discipline (les Départements sont encore organisés de manière disciplinaire), désormais on choisit un objet d’étude et on fait appel aux outils et aux spécialistes de diverses disciplines pour l’étudier.

En réponse à une question de la salle, il a expliqué qu’il était démontré que de petites subventions de recherche mieux distribuées étaient préférables à de larges subventions très ciblées (modèle américain actuel).  Il semble clair que le rendement sur investissement est alors meilleur.  Le modèle américain arrive à ce qu’il appelle des « diminishing returns » assez rapidement.

– A suivi la communication de Bernard Landry.  Sans doute intéressante sur le plan économique et politique, elle n’avait que peu ou pas de lien avec la thématique.  Pour M. Landry, depuis 50 ans le monde a réglé plusieurs débats majeurs: protectionnisme, communisme, capitalisme ultra-libéral (s’est en train de se faire, selon lui), anti-modialisation vs. altermondialisation, etc.  Les défis économiques sont énormes (notamment en lien avec le déséquilibre démographique qui s’annonce), mais il est confiant en l’avenir si le Québec développe une économie à valeur-ajoutée, un « culte de l’intelligence et de la connaissance du CPE à l’université » (incidemment, c’est la seule fois où le mot « Université » a été prononcé).  La Tribune a couvert cette conférence.

– Finalement, la conférence de Jean-François Lisée s’est résumé à une publicité d’une heure sur les écoles d’été du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CÉRIUM).  Je m’y intéressais parce que le CÉRIUM m’apparaît un modèle éducatif différent (période estivale, cohortes composées d’étudiants et de praticiens) et son succès ne peut que nous interpeller. 

La communication demeurait intéressante parce qu’elle posait des questions assez fondamentales sur le marketing de l’éducation.  Par exemple, est-il approprié de faire tirer une participation à un cours sur les ondes d’une station de radio?  D’offrir 10% de rabais sur l’inscription à tous ceux qui se seront inscrits à ce tirage?  De vendre des passes thématiques permettant à des clientèles cibliées d’assister à certaines conférences (culturelles, économiques), mais pas à d’autres?  Même si certaines lectures sont obligatoires, comment tenir éloignés les « touristes » de l’éducation pour permettre de conserver un niveau d’échanges intéressant?  D’autre part, le CÉRIUM enregistre toutes les conférences qu’il organise et les mets en ligne.  Il devient ainsi un portail de référence pour plusieurs ONG.  De la matière à réflexion pour ce que l’on veut faire de notre Carrefour de l’information…

Clairement M. Lisée et ses partenaires (dont un C.A. composé de plusieurs personnalités extérieures au monde universitaire) ont fait certains choix et n’hésitent pas à bouleverser certaines traditions…

Journée de la recherche: bref compte-rendu du Salon des affiches
"Smartboard", version 2.0
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Jean-Sébastien Dubé

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