Pédagogique Technologique

Syllabus interactif: le choix conscient de la simplicité?

Comme ça m’arrive parfois, j’ai lu deux textes fort différents qui m’ont tous les deux inspiré et j’ai tenté de voir si des liens existaient entre deux phénomènes dont on nous parle dans deux contextes différents. Parfois, ces télescopages intellectuels amènent de riches pistes de réflexion. À vous de juger…

La professeure Kathy Glyshaw qui enseigne la psychologie à l’Université du Maryland, campus de Baltimore County, admet avoir toujours eu de la difficulté avec l’organisation de son enseignement… jusqu’à ce qu’elle soit diagnostiquée avec un trouble déficitaire de l’attention.

Pendant la pandémie, elle a développé un syllabus avec plusieurs éléments graphiques, puis a décidé de le rendre interactif, permettant aux personnes étudiantes d’accéder directement à ses différentes sections. Par exemple, un clic sur la rubrique « évaluation » mène directement à une page où est présentée la pondération de l’ensemble des travaux avec davantage de détails sur chacun de ceux-ci. Un clic sur le « cours 3 » mène à la description du cours et aux lectures préparatoires à faire avant celui-ci, etc.

À la grande surprise de la professeure Glyshaw, indépendamment des différentes méthodes pédagogiques actives et dynamiques qu’elle a pu mettre en place, c’est son syllabus interactif que les personnes étudiantes ont plébiscité lorsqu’elle leur a demandé par sondage ce qui avait le plus aidé leur apprentissage. Les critiques qu’elle recevait quant à son manque d’organisation ont cessé. Elle s’est rendu compte que ce site permettait de réduire la charge cognitive importante que ressentaient les personnes étudiantes en contexte pandémique. Parce que l’ensemble des renseignements étaient bien présentés, le cours semblait « faisable » ce qui a eu pour effet d’augmenter la motivation des étudiantes et étudiants.

*****

Dans un autre ordre d’idées (et pourtant…), Elijah Meeks, responsable de la visualisation chez Notable, avait publié en 2019 un article pour le bulletin Nightingale (The Journal of the Data Visualisation Society à propos de l’accès à l’information en entonnoirs (funnels).

Funnels are used all over the internet to evaluate how well all kinds of applications and websites perform. If you’re online you’re in a funnel. That might seem like a philosophical statement but it’s really very practical because you’re being tracked everywhere you go. The steps you make in the process of “Applying for a job” or “Buying a pair of shoes” or “Watching a television show” or “Finding your life partner” are all stored and tallied and analyzed in order for the people building these systems to make them better.

Toutefois, ces entonnoirs ne sont qu’une métaphore. La réalité de la navigation est toujours plus complexe…

…[A]s soon as you start to look closely at the visual metaphor of the funnel, you realize how impoverished a view it is. We don’t walk cleanly through the stages of a system. We backtrack, we jump ahead. There isn’t a clear path — there are forks in the path. You might click on a pair of shoes and add it to your cart and then go back and click on another pair of shoes and go round and round trying to decide whether or not it’s the right pair of shoes.

Meeks explique que les données amassées via ces entonnoirs sont le plus souvent représentées via des histogrammes (bar charts) pour des raisons de simplicité. On pourrait aussi représenter ces données sous forme de flux par des diagrammes où l’on verrait le détail des parcours dans les entonnoirs; parcours qui reviennent parfois sur eux-mêmes, qui changent d’embranchements, etc. Mais les représentations en diagrammes de flux sont beaucoup plus rares…

Partly it’s a data issue: it’s much easier to bucket into steps than create the kind of network data necessary for these views. Partly, it’s a technical issue, all data visualization tools support bar charts while few support flow diagrams. Partly, it’s a data literacy issue, people have a hard time reading these complex flow diagrams.

Plus intéressant, Meeks présente la distinction entre précision et exactitude (accuracy), deux concepts voisins mais fort distincts en visualisation de données. Il donne l’exemple de trois dards lancés à distance moyenne du centre d’une cible. Le tir est alors relativement précis lorsque l’on amalgame les résultats. À l’opposé, il présente un tir groupé des trois dards assez loin de la cible. Ce tir est exact mais imprécis.

Meeks démontre assez clairement que « la représentation d’un entonnoir sous la forme d’histogrammes est un choix conscient fait pour maximiser la précision par rapport à l’exactitude ». En soi, c’est un bon choix, mais Meeks rappelle que ce choix vient avec une contrepartie:

...[I]f you represent a funnel as a bar chart, then the only decisions you can make about it are optimizing that bar chart. If there are efficiencies in the system that have to do with loops and forks, then you won’t be able to even hypothesize about them.

The design of a data visualization can, in an attempt to simply answer a question, create a simplistic view of the system that leads to even more simple answers and simple hypotheses. More accurate systematic views of the behavior afford the ability to make more complex and more accurate hypotheses.

*****

Le lien entre les deux textes? Simplement, le fait d’organiser notre matière en sous-sections, puis de créer un syllabus interactif pour alléger la charge cognitive des personnes étudiantes me semble une excellente idée. C’est sans doute une très bonne façon de laisser davantage d’espace mental aux apprenants pour qu’ils appréhendent la matière du cours. Le syllabus procédera sans doute par entonnoirs, permettant aux personnes étudiantes de naviguer dans une arborescence simplifiée de section de matière en section de matière.

Ce faisant, il ne faudra toutefois pas négliger de leur permettre de créer de nouveaux liens entre les diverses dimensions de la matière, d’offrir des endroits où les branches de l’arborescence se croisent. C’est probablement cette complexité et cette unicité des différents parcours intellectuels de différentes personnes étudiantes au sein de la matière qui correspondraient à l’exactitude en visualisation de données.

Sources:

Glyshaw, Kathy, « A Supportive Syllabus: What Students Say About an Interactive Syllabus », Faculty, Focus, 30 août 2021

Meeks, Elijah, « We Live in a World of Funnels – Understanding how precision and accuracy are competing goals in data visualization ». Medium (tiré de Nightingale, The Journal of the Data Visualization Society), 2 août 2019

3 bonnes pratiques pour favoriser l’apprentissage engagé dans la formation en ligne
Retomber en amour... avec l'enseignement!
+ posts

À propos de l'auteur

Jean-Sébastien Dubé

Laisser un commentaire