Je suis plus touché que j’aurais pu le penser par ce décès. Florence Piron, anthropologue et éthicienne, professeure au Département d’information et de communication de la Faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université Laval, est décédée lundi matin le 26 avril dernier. Je l’avais croisée lors de quelques colloques, l’avais sans doute entendue en conférence une ou deux fois, avais lu quelques uns de ses coups de gueule dans les médias… Elle enseignait « la pensée critique à travers des cours pluridisciplinaires sur l’éthique, la démocratie et le vivre-ensemble », des thèmes qui me sont particulièrement chers.
C’est surtout le départ précipité – elle n’avait que 55 ans – d’une scientifique militante de la « justice cognitive » qui me chagrine. Dans un monde d’exode des cerveaux des pays en développement, de courses aux brevets par des intérêts privés, de grands éditeurs scientifiques qui augmentent constamment les prix des abonnements à leurs publications, des discours comme celui de la professeure Piron ne pouvaient que déranger.
« Présidente fondatrice de l’Association science et bien commun et de la boutique des sciences et des savoirs Accès savoirs de l’Université Laval, directrice des Éditions science et bien commun qui publient en libre accès, elle [s’intéressait] aux liens entre l’université, la société et la culture (l’éthique), à la fois comme chercheuse et comme militante pour une science plus ouverte, plus inclusive, socialement responsable et tournée vers le bien commun. […] Elle [était] depuis 2010 au cœur de plusieurs projets de recherche-action visant à valoriser et diffuser en libre accès les savoirs universitaires d’Afrique subsaharienne francophone et d’Haïti et à développer la capacité de recherche endogène dans ces régions du monde. » (Tiré de sa notice biographique dans le Répertoire du personnel administratif et enseignant de l’Université Laval).
En lien avec la boutique des sciences Accès savoirs, le communiqué de l’Université Laval rappelle: « la boutique des sciences Accès Savoir, par exemple, qu’elle a fondée il y a bientôt dix ans et qui vise à rapprocher les programmes de formation des besoins des milieux communautaires, a profité (et continue de profiter) à des centaines d’étudiantes et d’étudiants de l’Université Laval ».
Alors que l’Université de Sherbrooke choisit désormais de favoriser le développement de ressources éducatives libres au moyen de la fabriqueREL et de créer davantage de liens avec la communauté estrienne (par sa participation à un site comme Apprendre avec vous), je pense qu’il est important de reconnaître que des personnalités fortes comme celles de la professeure Piron ont contribué à faire avancer de telles idées de partage des connaissances au plus grand nombre alors qu’elles étaient loin d’être populaires. « [F]emme remarquable et intellectuelle engagée, humaniste dans le sens le plus noble du terme » mentionne l’un des témoignages de sympathie offerts à sa famille. C’est également ce que je retiendrai.
Rappelons que c’est suite au 79e congrès de l’ACFAS tenu à Sherbrooke en 2011 qu’elle avait fondé avec trois autres collègues l’Association science et bien commun. La famille recommande de traduire d’éventuels témoignages de sympathie par des dons à cette association.
Sur L’éveilleur, nous avions évoqué ses travaux et réflexions sur les droits d’auteur (ici), la liberté académique (ici) et le développement des boutiques des sciences (ici).
Sources:
Dubé, Jean-Sébastien, « Liberté d’expression et liberté académique: un rappel de certains cadres », L’éveilleur, 20 décembre 2017
Morin, Sonia, « Le droit d’auteur et le droit d’accès à la culture et à la science: une question d’équilibre », L’éveilleur, 18 novembre 2016
Université Laval, « Décès de la professeure Florence Piron » (communiqué de presse), Ameq en ligne, 10 mai 2021
Université Laval, « Florence Piron », Répertoire du personnel administratif et enseignant [page consultée le 14 mai 2021]
Vallières, Catherine, « Interne : Les boutiques de sciences : des étudiants chercheurs au service des besoins du milieu », L’éveilleur, 6 décembre 2010
Oh, triste nouvelle! Ça me touche aussi.
C’est quelqu’un que j’ai croisé à quelques reprises dans des évènements scientifiques aussi. Elle m’a fait réfléchir. Une personne qui soulevait des enjeux d’une grande profondeur.
Quelle triste nouvelle! J’avais trouvé cette femme fascinante et inspirante par son audace et sa façon de penser hors les sentiers battus. Une grande perte pour nous.