Cycles supérieurs Pédagogique

Concrétiser l’interdisciplinarité en parlant de fruits

Lors d’un entretien le 22 février dernier avec la professeure Isabelle Gaboury de la Faculté de médecine et des sciences de la santé pour discuter d’interdisciplinarité, celle-ci m’a rapidement intrigué en me parlant de smoothies et de salades de fruits… Elle m’a généreusement pointé vers une vingtaine de textes, et celui de Moti Nissani (1995) est certainement pour moi le plus ludique et sans doute l’un des plus éclairants…

Professeur retraité de biologie de l’Université Wayne de Détroit, les écrits et contributions scientifiques de Nissani touchent la psychologie, le bruxisme, la sauvegarde des éléphants, l’histoire et la politique américaine, les inégalités sociales, etc… On ne saurait s’étonner qu’il ait aussi réfléchi et contribué à la recherche sur l’interdisciplinarité.

Dans « Fruits, Salads, and Smoothies: A Working Definition of Interdisciplinarity », Nissani compare les disciplines à autant de fruits mélangés avec une richesse variée en fonction de leur nombre (deux ou beaucoup plus), la distance entre elles (des pommes de variétés différentes sont moins distantes que des oranges et des pamplemousses qui sont moins distants que des bananes et des cerises), de l’aspect novateur de la combinaison (en occident goyaves, kiwis et bleuets sont une combinaison plus novatrice que bananes, pommes et raisins) et du degré d’intégration (de la salade jusqu’au smoothie).

Il importe de distinguer entre la richesse d’un mélange de disciplines et la qualité de celui-ci:

« Notons que le quotient d’amalgamation ne dit rien de la qualité : dans certaines circonstances, une simple mangue surpassera tous les smoothies du monde ; dans d’autres, seule une salade de fruits fera l’affaire. » (Nissani, 1995)

D’emblée, Nissani met de côté les traditionnelles distinctions entre pluri, multi, inter ou transdisciplinarité:

« Les tentatives les plus largement citées décomposent l’interdisciplinarité en composantes telles que la multidisciplinarité, la pluridisciplinarité, l’interdisciplinarité, la transdisciplinarité, et même la métadisciplinarité. Mais ces subdivisions, me semble-t-il, jettent peu de lumière sur la théorie et la pratique de l’interdisciplinarité, en partie parce qu’elles tentent de saisir des points le long d’un continuum fluide et multidimensionnel (Blackwell, 1955). De plus, parce que ces définitions tentent de conférer à ce terme une précision qu’il ne possède pas, elles courent le risque de passer à côté de sa nature essentielle. » [Traduit avec www.DeepL.com/Translator]

Pour lui, l’interdisciplinarité se vit surtout dans quatre domaines (realms):

  • la connaissance interdisciplinaire (Nissani donne l’exemple de Bertrand Russell, aussi à l’aise en philosophie et en histoire qu’en mathématiques),
  • la recherche interdisciplinaire (exemple: les liens effectués par Gregor Mendel entre biologie et statistiques qui influencent encore la génétique);
  • l’enseignement interdisciplinaire (interdisciplinary education)
    • « Certains sujets peuvent être mieux enseignés grâce à un enseignement interdisciplinaire. Par exemple, les sociétés industrialisées ont besoin d’enseignants d’écoles primaires, de paysagistes, de chercheurs en matériaux et de médecins dont le travail implique la réunion de diverses disciplines. Il est donc universellement reconnu que leur éducation doit avoir une forte composante interdisciplinaire. » [Traduit avec www.DeepL.com/Translator]
  • la théorie interdisciplinaire (exemple: « [Les théoriciens de l’interdisciplinarité] étudient des sujets tels que les processus psychologiques d’intégration d’informations provenant de deux disciplines, les obstacles à une communication efficace entre linguistes et biologistes ou les avantages et les inconvénients de l’enseignement des sciences et de la littérature dans un seul cours. »)

Offrant des définitions simplifiées d’une discipline (« tout domaine relativement autonome et isolé de l’expérience humaine qui possède sa propre communauté d’experts » et des composantes distinctives (« des éléments tels que des objectifs partagés, des concepts, des faits, des compétences tacites (Polanyi, 1962), des méthodologies, des expériences personnelles, des valeurs et des
jugements esthétiques ») de ces disciplines selon les époques, il en arrive à présenter cette définition minimaliste mais davantage opérationnelle de l’interdisciplinarité: « réunir d’une manière ou d’une autre les composantes distinctives de deux ou plusieurs disciplines » (bringing together in some fashion distinctive components of two or more disciplines).

Ce n’est sans doute pas suffisant pour qui veut s’attaquer à la théorie interdisciplinaire mais, pour une explication de base, j’ai l’impression que ça peut souvent fonctionner…

Source: Nissani, Moti, « Fruits, Salads, and Smoothies: A Working Definition of Interdisciplinarity », Journal of Educational Thought, vol. 29, no 2, janvier 1995, pp. 119-126.

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À propos de l'auteur

Jean-Sébastien Dubé

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