Cycles supérieurs

Les impacts d’une inconduite en recherche d’un chercheur sénior pour ses jeunes collaborateurs

Qu’ils soient en début de carrière, en stage postdoctoral ou aux études supérieures, les collaborateurs d’un chercheur sénior accusé ou, pire, reconnu coupable d’inconduite en recherche font face à plusieurs défis.  Katarina Zimmer a fouillé la question pour The Scientist.

Le premier impact est de nature psychologique : inquiétudes quant à leur réputation scientifique et à leurs perspectives de carrière, crise de confiance en la collaboration et la science en général…  Zimmer relate l’expérience déstabilisante de six étudiants qui ont dénoncé leur directeur de recherche pour falsification des résultats dans des demandes de subvention : réalisant que la fraude scientifique était plus courante qu’ils ne l’avaient pensé, certains ont perdu confiance dans les chercheurs et dans la validité de leurs résultats de recherche et ont abandonné leurs études doctorales.

Il y a également des impacts sur la recherche elle-même : devoir quitter le laboratoire, changer de sujet de recherche, changer de directrice ou de directeur de recherche, revoir son protocole de recherche, recommencer sa collecte de données ou refaire ses expérimentations… Et que dire des articles publiés conjointement qui sont rétractés et qui ne peuvent plus servir dans les demandes de bourses ou de subventions ou encore pour des candidatures à des emplois?

Les impacts financiers sont aussi au rendez-vous : annulation du soutien financier, qui à son tour a des impacts sur les finances personnelles.

Dans le cas où des étudiants sont dirigés par le chercheur condamné, les complications se multiplient, notamment pour les étudiants et stagiaires postdoctoraux internationaux : bourses, salaires, visas.

Les diplômés conservent la crainte que l’université leur retire leur diplômes ou que leur employeur les congédie.

Dans tous les cas, l’envie de quitter complètement le monde de la recherche scientifique traverse l’esprit.

Il faut reconnaître que dans de telles circonstances d’inconduites en recherche beaucoup d’institutions universitaires soutiennent les étudiants en tentant de leur trouver une nouvelle équipe de direction, un nouveau laboratoire, quitte à ce que ce soit dans une autre université, des fonds, des lettres de recommandation… 

Enfin, Zimmer mentionne certains cas où la « crise » a conduit à un changement pour le mieux :

  • pour les étudiants et les diplômés : un nouveau projet dans une discipline différente, complémentaire; une réorientation de recherche ou de carrière… 
  • pour les institutions : de nouveaux mécanismes de gestion des cas d’inconduites scientifiques, notamment pour soutenir les « victimes » :  the University of Wisconsin–Madison introduced an official policy to help relocate students to new laboratories and secure funding should similar situations with other PIs arise in the future.

L’article se termine par des conseils dans le cas où une directrice ou un directeur de recherche est soupçonné d’inconduite en recherche :

  • si vous êtes la personne qui a des soupçons, parlez-en à quelqu’un en position de recevoir ce type d’allégations : l’instance responsable de l’intégrité de la recherche dans votre institution universitaire, les rédacteurs de revues scientifiques et les organismes subventionnaires. Bien sûr, il y a des risques de représailles si vous déposez une plainte officielle…
  • renforcez vos relations professionnelles (réseau) : associez-vous à d’autres chercheurs de haut niveau dans votre institution en qui vous avez confiance : membres de votre comité d’encadrement, directeurs de département qui peuvent se porter garants de votre intégrité en vous écrivant des lettres de recommandation ou simplement en vous offrant des conseils;
  • lisez la règlementation de votre institution pour vous assurer qu’il existe des mécanismes de protection en cas de dénonciation ou de soutien pour la poursuite des études;
  • faites preuve de transparence par rapport à la situation dans laquelle vous vous retrouvez malgré vous (articles rétractés qui ont créé des « trous » dans vos publications, par ex.), car la transparence attire la sympathie et la confiance;
  • cherchez un maximum de soutien auprès d’autres personnes :  conseiller (à l’UdeS, on peut penser aux AVE), vice-doyenne ou vice-doyen à la recherche, collègues, amis… Le silence fait pourrir une situation et en général, c’est la personne affectée qui est la première victime du silence.

Source

Zimmer, Katarina.  When your Supervisor is Accused of Research MisconductThe Scientist.  1er juin 2020.

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À propos de l'auteur

Sonia Morin

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