Technologique

Émojis: pas une langue, mais des subtilités à connaître

Vous avez envie d’intégrer des émojis à votre enseignement ou à votre correction pour vous rapprocher de vos étudiantes et étudiantes qui carburent au multimédia? Dans ce cas, je ne saurais vous recommander assez cet excellent texte de Mélanie Meloche-Holubowski et de son équipe sur Radio-Canada.ca/recits-numeriques.

On y rappelle l’histoire de ces pictogrammes, leur nombre et leur variété, on y explique pourquoi ce n’est pas une langue (« Une langue, c’est quelque chose qui repose sur la combinaison d’unités à différents niveaux, ajoute M. [Pierre] Halté [docteur en sciences du langage de l’Université Paris Descartes]. Nos langues combinent des sons pour fabriquer des mots. Ces mots, on les combine dans des phrases, ces phrases on les combine dans des textes. Il y a toute une combinatoire qu’on ne trouve pas vraiment avec ces émojis. »), mais aussi combien ils ont facilité les communications numériques en y réintroduisant le non-verbal.

“Des scientifiques australiens ont remarqué que les parties du 🧠 [cerveau] qui sont activées lorsqu’on regarde un visage humain sont aussi activées lorsqu’on voit un émoji. Selon leur étude, les gens ont même commencé à changer leurs expressions faciales pour imiter l’expression d’un émoji.

Selon M. [Marcel] Danesi [professeur de sémiotique au Département d’anthropologie de l’Université de Toronto et auteur d’un livre sur les émojis], les pictogrammes, les dessins animés et les bandes dessinés ont graduellement habitué les gens à combiner images et mots. « Sans eux, nous n’aurions pas accepté aussi facilement les émojis comme une forme de texte imagé », croit-il.”

Toutefois, j’ai été étonné d’apprendre les causes technologiques de confusions entre certains émojis et de découvrir que leur utilisation peuvent même avoir des impacts légaux et comporter des dimensions politiques…

“Il faut d’abord comprendre que lorsqu’on envoie un émoji, on ne partage pas une image, mais plutôt une série de codes numériques.

Puisque chaque ordinateur et chaque téléphone intelligent possède un système de codage différent, les émojis n’apparaissent pas toujours de la même manière selon l’appareil utilisé.

Ainsi, un internaute ne voit pas tout à fait le même émoji s’il utilise un Samsung ou s’il lit le message sur Twitter ou sur WhatsApp.”

Avec de nombreuses illustrations – et pour cause – le texte donne, d’une part, divers exemples de situations où l’utilisation d’émojis a dû être débattue en cour comme des cas de menaces, de harcèlement ou même de signatures de contrat…

D’autre part, “[l]e consortium [Unicode] a établi des critères pour accepter ou rejeter un émoji. « Mais puisque les émojis sont des images arbitraires, les règles sont également arbitraires. Inévitablement, le consortium est accusé d’être arbitraire et capricieux par ceux dont les émoticônes ne sont pas acceptés », explique John Hudson [membre du sous-comité sur les émojis du consortium Unicode et créateur de caractères typographiques].”

Par ailleurs, “Le consortium [Unicode] a d’ailleurs été accusé de ne pas avoir reflété suffisamment la diversité. Unicode a donc introduit la possibilité de modifier le teint de la peau et a créé des émojis non genrés.”

Enfin, le texte met en garde contre les problèmes d’accessibilité que peut engendrer l’utilisation d’émojis: “L’utilisation d’émojis peut également être un frein à l’accessibilité et peut exaspérer les non-voyants, qui utilisent un lecteur d’écran. Le descriptif complet de chaque émoji est dicté, rendant un texto ou courriel démesurément long et dénaturant le sens d’une phrase.”

Dans un contexte, d’approche inclusive de l’enseignement, ça semble des données importantes à prendre en considération.

Source: Meloche-Holubowski, Mélanie et al., “Pouvez-vous vraiment décoder les émojis?“, Radio-canada.ca, 17 juillet 2020

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Jean-Sébastien Dubé

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