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Des personnes noires dans la tour d’ivoire

Dans la foulée des manifestations antiracistes de la dernière semaine, le mot-clic #BlackInTheIvory a été fort populaire sur Twitter le week-end des 6 et 7 juin 2020. Au moment d’écrire ces lignes, plus de 9000 gazouillis l’ont utilisé. L’histoire de l’échange initial entre Joy Meldody Woods, une étudiante au doctorat à l’Université du Texas à Austin et Shardé M. Davis, professeure adjoint à l’Université du Connecticut est racontée dans cet article. D’après Davis:

« Le racisme systémique a toujours été présent, mais malheureusement les universitaires blancs ne lui ont pas accordé le poids et l’attention qu’il mérite. En effet, pour qu’ils reconnaissent le racisme systémique, ils doivent aussi reconnaître leur privilège de blanc, qui a propulsé leur carrière d’une manière qui n’est pas fondée sur le mérite. C’est inconfortable, mais ce qu’il y a de beau dans ce moment, c’est que les blancs sont obligés d’y faire face. Ils ne peuvent pas détourner la tête. » [Traduit avec www.DeepL.com/Translator]

Les échanges qui utilisent ce mot-clic sont l’occasion pour des universitaires noirs de partout aux États-Unis de présenter toutes sortes d’anecdotes démontrant que le racisme ordinaire n’est jamais bien loin, même sur les campus dits « libéraux ». La question de la discrimination positive (affirmative action) demeure omniprésente dans leurs préoccupations, alors que les consoeurs et confrères blancs de ces intellectuels continuent à les regarder différemment. Là, c’est un étudiant qui entre en classe parlant par-dessus le discours de l’enseignante parce qu’il n’a pas réalisé qu’elle était la professeure à cause de la couleur de sa peau. Ailleurs, c’est un enseignant qui souligne avec emphase l’excellente réponse d’un étudiant racisé, comme s’il était surprenant qu’il soit aussi intelligent.

C’est dans ce contexte que Fernanda Zamudio-Suaréz du Chronicle of Higher Education pointe vers une série de dix courts textes qui présentent ce que signifie être un universitaire de race noire aux États-Unis en 2019. Ils avaient été écrits par des professeures et professeurs, des chargées et chargés de cours, des doctorantes et doctorants en réponse au scandale des admissions de l’an dernier – et de ce que cette affaire supposait quant aux privilèges tenus pour acquis par une certaine élite américaine blanche -, mais ils restent tout à fait d’actualité.

Les seuls titres de ces textes sont déjà forts évocateurs:

  • We Were the Undeserving Throngs (Nous étions la foule indigne) par Marcia Chatelain, professeure d’histoire à lUniversité Georgetown.
  • How Does It Feel to Be an Identity? (Comment se sent-on quand on n’est qu’une identité?) par Gerald Early, professeur en études africaines et afro-américaines à l’Université Washington à Saint-Louis.
  • I Felt So Out of Place(Je me sentais si peu à ma place) par Keisha N. Blain, professeure d’histoire à l’Université de Pittsburgh.
  • Diversity Is No Panacea(La diversité n’est pas une panacée) par Matthew Clair, bientôt professeur de sociologie à l’Université Stanford. Il est diplômé de Harvard.
  • Fortresses of Human Feeling (Les forteresses du sentiment humain) par Emily Bernard, professeure d’anglais à l’Université du Vermont. 
  • No One Escapes Without Scars’ (Personne ne s’en sort sans cicatrices) par Stefan M. Bradley, professeur et directeur du Département d’études afro-américaines de l’Université Loyola Marymount.
  • Professionalism in the Face of Skepticism (Le professionnalisme face au scepticisme) par Ebony McGee, professeure en diversité et enseignement des sciences à l’Université Vanderbuilt, et Danny Martin, professeur au Département de mathématiques, statistiques et informatique à l’Université Illinois à Chicago.
  • Lifting as We Climb(Soulever pendant l’ascension) par Michael Javen Fortner, professeur de sciences politiques au Graduate Center de la City University de New York.
  • The Ways of White Folks (Les manières des Blancs) par Noliwe M. Rooks, professeure d’études africaines et directrice des études américaines à l’Université Cornell.
  • There Is No Belonging Here (Il n’y a pas d’appartenance ici) par Nadirah Farah Foley, étudiante en quatrième année de doctorat à la Graduate School of Education de l’Université Harvard.

Plusieurs passages m’ont fait forte impression, mais je ne retiendrai que celui-ci:

Getting into Ph.D. programs at several elite schools felt like the ultimate reward for the many years my working-class mother had struggled to make ends meet, let alone send me to college. My undergrad professors assured me that I would be fine — I was well prepared to face the rigors of the program, and I would easily be able to keep up with any of my peers.

What they didn’t tell me, however, is that I would walk into a space where my peers would often question my intelligence — and competence. Few people would boldly express these views in front of me, but it was impossible to ignore the surprised expressions when I articulated a coherent thought. With time, I grew to understand why people threw around the phrase “affirmative action” in my presence. They were suggesting that somehow my race, and my race alone, had opened the door for me to attend Princeton. Someone, somewhere, had done me a favor. Otherwise I would not be there. (Keisha N. Blain)

Certaines statistiques insérées entre les textes laissent songeurs:

  • 7.8 % des diplômes de niveau doctorat sont conférés à des étudiantes et des étudiants noirs (National Center for Education Statistics, 2016-2017).
  • 5.5 % des professeures et professeurs à temps plein sont de race noire (National Center for Education Statistics, 2017).
  • 12.7 % de la population des États-Unis serait d’origine afro-américaine (ACS Demographic and Housing Estimates”. U.S. Census Bureau. Décembre 2019).

Pour conclure avec un peu d’espoir, cette citation saisissante des professeurs Ebony McGee et Danny Martin:

Remember that your blackness represents the highest form of excellence. You are enough. The system is what has to change, not you.

« Rappelez-vous que la couleur de votre peau représente la plus haute forme d’excellence. Vous avez ce qu’il faut. C’est le système qui doit changer, pas vous.» [traduction libre]

Sources:

Diep, Francie, “‘I Was Fed Up’: How #BlackInTheIvory Got Started, and What Its Founders Want to See Next“, The Chronicle of Higher Education, 9 juin 2020

Zamudio-Suaréz, Fernanda, Daily Briefing – The Chronicle of Higher Education, 9 juin 2020 [message courriel] [Plusieurs auteurs], “No One Escapes Without Scars – Being a Black Academic in America“, The Chronicle of Higher Education, 18 avril 2019

Discussion #BlackInTheIvory, Twitter, page consultée le 9 juin 2020

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Jean-Sébastien Dubé

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