Tendances sociétales

Être citoyen à l’ère numérique

Il y a quelques mois le gouvernement du Québec a exprimé son intention d’abolir le cours d’éthique et culture religieuse (ECR) pour le remplacer à la rentrée scolaire 2022-2023 par un nouveau programme qui abordera différentes thématiques : la participation citoyenne et la démocratie, l’éducation juridique, l’écocitoyenneté, l’éducation à la sexualité, le développement de soi et des relations interpersonnelles, l’éthique, la citoyenneté numérique et la culture des sociétés. 

Simon Collin, professeur au Département de didactique de l’UQAM et détenteur de la chaire de recherche du Canada sur l’équité du numérique en éducation, voit la chose d’un bon œil, lui qui se passionne pour la littératie numérique et qui répète ce n’est pas parce que les jeunes sont hyperconnectés et qu’ils utilisent les outils technologiques pour communiquer, jouer et se divertir, qu’ils possèdent les capacités d’analyse et de réflexion qui devraient accompagner l’utilisation de ces outils. En attendant, il se fait des choses…

Former les élèves

Deux conseillers pédagogiques, Maryse Rancourt et Patrick Fleury, sont à l’origine de la création collaborative du site web Vers une identité positive à l’ère du numérique, qui s’adresse aux élèves des 5e et 6e années du primaire et de tout le secondaire.  À la différence de nombreux outils existants qui présentent une approche moralisatrice qui dicte les bonnes actions à poser et les mauvais usages à éviter, le site comprend des capsules vidéos qui amènent les jeunes à verbaliser leurs réflexions éthiques sur les contenus et les comportements en ligne, afin qu’une fois seuls derrière leur écran ils prennent les meilleures décisions possibles.  Les sujets abordés dans les vidéos portent sur des usages et des enjeux numériques : l’influence des autres, l’affirmation de soi, la généralisation et les stéréotypes, la vie en société, les algorithmes, les limites de la liberté, les influenceurs, le jugement critique et les traces sur le web.  Le site est bien fait, dynamique et il comprend une rubrique à l’intention des enseignants qui dresse une liste de 5 comportements pour soutenir le travail de réflexion des élèves.  Je les reproduis ici, car ils illustrent brillamment à quoi ressemble ce rôle de guide qu’on souhaite qu’un enseignant prenne pour que ses élèves fassent de véritables apprentissages.

Ainsi, l’enseignant pose des questions, mais ne sanctionne pas, ne dit pas ce qui est bien ou mal et ce sont les élèves entre eux qui doivent se questionner et justifier leurs points de vue.  Pour Marie-Soleil Lapierre, enseignante au primaire, « [e]mpêcher un jeune d’utiliser les outils numériques n’est pas la bonne façon de faire, car Il aura besoin de toutes ces années d’expérience, incluant les erreurs que cela comporte, pour être bien outillé sur le marché du travail. » (mon emphase)    

Former les enseignants

Stéphane Villeneuve, professeur du Département de didactique est clair : «[p]our enseigner la citoyenneté à l’ère du numérique, il faut d’abord que les enseignantes et les enseignants soient à l’aise avec les outils numériques et sachent les utiliser. Or, nos recherches démontrent que ce n’est pas tout à fait le cas, et qu’ils ne maîtrisent pas de façon satisfaisante plusieurs outils technologiques. C’est d’ailleurs une des 12 dimensions – “Développer et mobiliser ses habiletés technologiques” – du nouveau Cadre de référence de la compétence numérique que le personnel enseignant devrait maîtriser.»  C’est dans le but de pallier ce manque qu’il a créé avec ses collègues le programme court de deuxième cycle en intégration du numérique en milieu scolaire, qui sera offert dès l’automne 2020.  Sur le site de l’UQAM on peut lire que ce programme court offre une formation à la fine pointe des connaissances permettant aux enseignants du Québec de mettre à jour et de perfectionner leur compétence professionnelle à intégrer le numérique, soit la compétence numérique telle que définie dans le Cadre de référence de la compétence numérique du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec. En plus de permettre aux enseignants de mettre à jour leur connaissance et leur maîtrise des outils numériques afin qu’ils puissent les utiliser dans le cadre de leur pratique professionnelle, le programme offre une perspective critique et scientifique du numérique en éducation.
Au terme de ce programme, les enseignants auront développé les compétences suivantes :

  • 1. comprendre les modèles théoriques liés au domaine de la recherche sur le numérique;
  • 2. maitriser les dernières applications utilisées en milieu scolaire;
  • 3. comprendre et utiliser des éléments de la robotique éducative;
  • 4. construire des activités pédagogiques intégrant les dernières innovations numériques;
  • 5. construire des activités pédagogiques intégrant la robotique;
  • 6. développer un sens critique sur la recherche en éducation sur le numérique;
  • 7. développer un sens critique sur sa propre intégration du numérique dans sa classe.

Simon Collin définit la citoyenneté à l’ère du numérique comme « […] la capacité à mobiliser les ressources numériques autour de soi afin de participer à la vie sociale, à son évolution et à sa transformation. Et pour cela, il faut être capable de développer un regard critique sur le numérique. » 

Et les autres?

Si cette éducation est à commencer dès le primaire pour les enfants, il faut qu’elle se poursuive au postsecondaire et pour les adultes de tous âges et de tous horizons et ce, dès maintenant. En effet, nous sommes toutes et tous appelés à participer à la vie sociale, à son évolution et à sa transformation. Sans cette éducation, nous sommes largués…

Sources

Caza, Pierre-Étienne.  Littératie numérique : ça s’enseigne!  Actualités UQAM.  14 mai 2020.

Fortier, Marco.  Le cours Éthique et culture religieuse sera revu pour l’automne 2022Le Devoir.  10 janvier 2020.

Des personnes noires dans la tour d'ivoire
Anticipation Rad: l'Internet d'aujourd'hui et de demain-le marché pernicieux des données personnelles
+ posts

À propos de l'auteur

Sonia Morin

Laisser un commentaire