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COVID-19: la crise qu’il fallait aux universités?

Timothy M. Devinney est professeur de commerce international à l’Alliance Manchester Business School, Université de Manchester, alors que Grahame R. Dowling est professeur émérite de marketing à l’université de Nouvelle-Galles du Sud. Leur dernier livre, The Strategies of Australia’s Universities : Revise & Resubmit, sera publié en juin 2020.

Ils publient dans le Times Higher Education un article qui risque de provoquer pas mal de discussions. Leurs recherches se basent sur la situation en Australie, au Royaume-Uni, mais plus généralement dans les pays anglophones et au-delà. D’abord, ils rappellent que les universités vivent de multiples pressions depuis plusieurs années. Selon eux, ces pressions proviennent…

  • des demandes d’efficacité accrue et des préoccupations concernant l’optimisation des ressources (tant dans l’enseignement que dans la recherche),
  • d’une véritable « anxiété » – c’est leur mot – concernant la production de diplômés prêts à travailler,
  • de l’élargissement de l’accès à l’éducation,
  • du déclin d’une population en âge de fréquenter l’université par rapport au nombre d’établissements existants.

D’après Devinney et Dowling, « la pandémie de COVID-19 représente une occasion de réparer nombre des erreurs stratégiques que les universités et les décideurs politiques ont commises dans le passé. » (traduit avec Deepl.com, notre emphase)

« For many people, especially those in the media, crises are all about gloom and doom. But, for visionaries and risk takers, they represent opportunities for real, meaningful change. Not change that is forced upon decision takers but change that is realised by decision makers. »

Leurs arguments ne sont pas nouveaux et s’inscrivent dans la lignée d’une frustration grandissante du professorat face à la multiplications des administrateurs universitaires. Pour Devinney et Dowling, les universités australiennes – et de plusieurs autres pays – sont “sur-administrées“. Au nombre des « erreurs stratégiques » qu’ils dénoncent, ils nomment:

  • La COVID-19 a mis l’accent sur l’augmentation du nombre d’étudiants comme principal moyen de couvrir les coûts croissants de fonctionnement d’une université.
  • Pour de nombreux établissements, les étudiantes et étudiants étrangers ne sont plus marginaux dans leurs activités, mais essentiels à leur survie. La croissance de leur nombre s’est faite progressivement, pour aider les universités à contrebalancer ce qu’elles considéraient comme un financement public déficient. [Ils ont cette phrase extrêmement forte, voire troublante: « In some ways, foreign student revenues became the “crack cocaine” of academia. »].
  • Peu de postes administratifs génèrent des revenus ou permettent de réaliser des économies ; au contraire, tout ce qu’ils font a des coûts que le personnel académique doit couvrir en enseignant à un plus grand nombre d’étudiants ou en générant davantage de revenus de bourses, de soutien philanthropique ou d’entreprise. Comme la plupart des coûts administratifs sont fixes, du moins à court terme, toute baisse des revenus aggrave cette pression.
  • Les membres du personnel académique se trouvent de plus en plus engagés dans des activités qui ne font pas d’eux de meilleurs enseignants ou chercheurs, ne leur donnent pas plus de chances d’obtenir des financements extérieurs et n’améliorent pas leur réputations d’intellectuels ou de scientifiques.

En résumé, « les stratégies développées par la plupart des universités pour faire face aux pressions environnementales auxquelles elles ont été confrontées » constituaient des « solutions à court terme [qui] ont exacerbé les problèmes structurels à long terme ».

Toujours d’après Devinney et Dowling, pour que les universités profitent de l’opportunité unique offerte par la pandémie de COVID-19 de migrer vers de la bonne stratégie (“focusing energy and resources on one, or a very few, pivotal objectives whose accomplishment will lead to a cascade of favorable outcomes”). il faudrait…

  • un degré de changement au niveau institutionnel – ruptures, fusions et fermetures de facultés – que peu de gens voudront entreprendre avant qu’il ne soit trop tard.
  • de nouvelles “exigences du poste” pour la direction d’une université (des vice-recteurs aux doyens), soit « mettre davantage l’accent sur la prise de risque entrepreneurial, plutôt que de se contenter d’être une paire de mains sûre ».
  • que les décideurs politiques prennent du recul par rapport à leur « désir naturel de contrôler les universités à la dérobée, tout en transférant l’essentiel de la charge financière à d’autres »…
  • que le monde des affaires fasse plus que « de simples déclarations d’intention si ses dirigeants veulent continuer à bénéficier du capital humain et intellectuel des universités ».
  • que les sociétés reconnaissent que, dans l’enseignement supérieur comme dans tout le reste, on obtient ce pour quoi on paie…
[passages en anglais traduit avec Deepl.com/translator puis ajustés; nos emphases]

Source: Devinney, Timothy et Grahame Dowling, « Is this the crisis higher education needs to have? », Times Higher Education, 14 mai 2020.

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Jean-Sébastien Dubé

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