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Les raisons de la ‘Zoom fatigue’ et des pistes de solution

Notre contexte de confinement nous amène à passer beaucoup de temps en appels vidéo. Quel que soit le système utilisé (Skype, Zoom, Hangouts, FaceTime, Teams, etc.), de nombreux internautes vivent parfois un sentiment d’épuisement suite à ces appels. C’est ce que plusieurs ont commencé à nommer la “Zoom fatigue” (que l’on pourrait traduire par ‘épuisement Zoom’). Les raisons de cet épuisement sont d’au moins trois ordres: technique/ ergonomique, communicationnel/cognitif et social.

Limites techniques et ergonomiques

La journaliste Ingrid Vergara du Figaro mentionne les difficultés techniques et ergonomiques suivantes:

  • l’impossibilité, avec une caméra et un écran, de regarder son ou ses interlocuteurs dans les yeux;
  • le décalage de son qui dérange aussi l’esprit, introduisant soit une superposition des conversations, soit un silence potentiellement générateur de malaise;
  • les images qui se figent;
  • les notifications indiquant un problème de connexion ou une reconnexion;
  • le fait de devoir éviter de trop bouger devant son écran;
  • le fait de rester assis parfois inconfortablement afin de rester dans le cadre;
  • le fait de rester les yeux rivés sur un écran pendant une longue période.

Perte de repères communicationnels et exigences cognitives

Vergara mentionne également les faits suivants.

  • Dans nos échanges naturels, le langage de notre corps participe activement à notre façon de communiquer. Or, la dimension non verbale est grandement limitée lors d’un appel vidéo.
  • Les expressions faciales sont plus difficilement identifiables, surtout quand la taille du visage de son interlocuteur est celle d’un timbre-poste.
  • Des délais de réponse d’aussi peu qu’1,2 seconde font que des interlocuteurs perçoivent leurs répondants comme moins amicaux ou moins concentrés.

Julie Sklar du National Geographic ajoute les constats suivants.

  • La perception des indices non verbaux est naturelle pour la plupart d’entre nous. Elle ne demande que peu d’efforts conscients pour les analyser et elle permet de jeter les bases d’une intimité émotionnelle.
  • Sans ces signaux, un appel vidéo typique nécessite une attention soutenue et intense aux mots.
  • Si une personne n’est cadrée que des épaules vers le haut, la possibilité de voir les gestes de la main ou d’autres langages corporels est perdue.
  • Lorsque la qualité de la vidéo est médiocre, tirer de l’information de minuscules expressions faciales devient impossible.
  • La vue « en galerie » – où tous les participants à la réunion vidéo apparaissent à la fois – est exigeante pour la vision centrale du cerveau, l’obligeant à décoder tant de personnes qu’aucune n’en ressort de façon significative, pas même l’orateur principal.
  • Inversement, ne regarder qu’un seul interlocuteur à la fois, ne permet pas de connaître les réactions des participants inactifs – ce que l’on percevrait normalement dans son champ de vision périphérique.
  • De plus en plus, nous sommes engagés au travail dans de nombreuses activités à la fois (en présentiel et en virtuel), mais nous ne nous consacrons jamais entièrement à quelque chose en particulier. Les psychologues appellent cela une attention partielle continue.
  • Pour certaines personnes, une division prolongée de l’attention crée un sentiment de perplexité, comme si elles étaient épuisées alors qu’elles n’ont rien accompli.
  • Le cerveau est submergé par un excès de stimuli inconnus et se concentre sur la recherche d’indices non verbaux qu’il ne peut pas trouver.

Fatigue sociale

La BBC a interviewé les professeurs Gianpiero Petriglieri, de l’Institut européen d’administration des affaires (apprentissage et développement durables au travail), ainsi que Marissa Shuffler, de l’Université Clemson (bien-être au travail et efficacité du travail en équipe).

Selon Petriglieri, le fait que nos esprits soient ensemble mais que nos corps ne le soient pas créé une dissonance qui nous empêche de nous « laisser aller à la conversation » (“You cannot relax into the conversation naturally“), Les communications vidéo en grand groupe peuvent également donner l’impression d’être dépersonnalisées, car notre pouvoir en tant qu’individu s’en trouve d’autant diminué.

La professeure Marissa Shuffler rappelle qu’une conférence vidéo est une performance. “Quand vous êtes en vidéoconférence, vous savez que tout le monde vous regarde ; vous êtes sur scène, donc il y a la pression sociale et le sentiment que vous devez performer. Être performant est éprouvant et plus stressant”. Se voir à l’écran pendant la discussion avec les autres contraint son esprit à se demander quelle posture adopter. Pour Shuffler, « il est très difficile pour les gens de ne pas regarder leur propre visage s’ils peuvent le voir à l’écran, ou de ne pas être conscients de la façon dont ils se comportent devant la caméra. » Petriglieri ajoute que c’est comme regarder la télévision… alors que la télévision vous regarde aussi!

Évidemment le contexte général de la pandémie est lui-même stressant, mais le fait que la plupart de nos relations sociales (professionnelles, scolaires, familiales, sociales) passent maintenant par l’unique canal des appels vidéo rend également les choses plus compliquées.

« La plupart de nos rôles sociaux se déroulent dans des endroits différents, mais maintenant le contexte s’est effondré”, explique M. Petriglieri. “Imaginez que vous alliez dans un bar et que dans le même bar vous parliez avec vos professeurs, rencontriez vos parents ou sortiez avec quelqu’un, n’est-ce pas étrange ? C’est ce que nous faisons maintenant… »

Par exemple, Angela Lashbrook du webzine Medium a interviewé Jamie Aten, psychologue et professeur associé au Wheaton College (Illinois):

« Pour ceux qui souffrent d’anxiété sociale, Zoom ou FaceTime rendent l’établissement de limites plus difficile. Les gens ont l’occasion de vous voir dans votre environnement personnel, il devient difficile de savoir quand la “socialisation” doit prendre fin, et certains indices sociaux qui sont faciles à lire dans la vie réelle peuvent être plus difficiles à lire virtuellement ». (notre emphase)

Lashbrook rappelle à juste titre que « we’re all locked up inside and don’t exactly have dinners, concerts, and parties to attend that we can use as excuses. »

Claude Normand, directrice du Module de la psychoéducation à l’Université du Québec en Outaouais (citée dans l’article du National Geographic), étudie le comportement en ligne des personnes avec des troubles intellectuels et développementaux, Elle explique qu’inversement certaines personnes atteintes d’un trouble du spectre de l’autisme… « ont tendance à avoir des difficultés à comprendre quand c’est leur tour de parler dans les conversations en direct, note-t-elle. C’est pourquoi le décalage fréquent entre les interlocuteurs lors des appels vidéo peut en fait aider certaines personnes autistes. “Quand on zoom en ligne, on sait clairement à qui c’est le tour de parler”, explique Normand. » (Sklar, traduit avec Deepl.com)

Pistes de solutions pour éviter cet épuisement

  • S’assurer qu’un appel vidéo est bien la meilleure façon d’échanger
  • Éviter de multiplier les rencontres virtuelles et se réserver des pauses de transition entre les rencontres vidéo – surtout si elles sont de différentes nature
  • Établir des plages “sans écran” dans sa journée
  • Partager un document avec des notes claires lorsque l’on doit y collaborer
  • Prendre le temps de s’informer de la santé et du bien-être de son interlocuteur avant de passer aux choses “sérieuses”
  • Être plus authentique (si l’on ne se sent pas en mesure de socialiser en ligne ou d’allumer sa caméra, on devrait pouvoir le dire)
  • Saluer les gens à caméra ouverte, puis fermer sa caméra lorsqu’on ne parle pas
  • Conserver son énergie pour les moments où l’on veut absolument percevoir les quelques indices non verbaux, comme lors des discussions avec des personnes que l’on ne connait pas très bien
  • Préférer une conversation téléphonique ou un courriel quand c’est possible,
  • Essayer de marcher en même temps qu’une réunion de travail téléphonique, (« Les réunions à pied sont connues pour améliorer la créativité et probablement aussi pour réduire le stress », explique Claude Normand de l’UQO).
[Toutes les citations et extraits de textes en anglais ont été traduits à l’aide de Deepl.com, puis ajustés ou paraphrasés.]

Sources:

Jiang, Manyu, « The reason Zoom calls drain your energy », BBC Worklife, 22 avril 2020

Lashbrook, Angela, « Zoom Burnout Is Real – And Here’s What to do About It », Medium OneZero, 14 avril 2020

Sklar, Julia, « Zoom fatigue’ is taxing the brain. Here’s why that happens », National Geographic, 24 avril 2020.

Vergara, Ingrid, « «Zoom fatigue»: pourquoi les discussions en visioconférence sont si épuisantes », Le Figaro Tech & Web, 23 avril 2020

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Jean-Sébastien Dubé

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