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Jusqu’où doit aller la responsabilité sociale des universités?

À quel point les universités devraient-elles être redevables au public?  Doivent-elles expliquer les travaux scientifiques?  Prêter leurs installations aux gens dans le besoin?  Soutenir les mouvements sociaux et populaires?  Maintenir des idéaux moraux et sociaux plus élevés compte tenu de l’avenir incertain qui se profile à l’horizon (intelligence artificielle, ingénierie génétique, clonage, informatique quantique, technologies sans fil et spatiales de prochaine génération) et qu’elles ont contribué à développer?  En résumant ces trois articles, il me semble que nos institutions devront effectivement se positionner dans les années à venir quant à la juste part de leur rôle social…  Seront-elles les monastères d’un nouveau Moyen-Âge qu’entrevoyait Umberto Eco?  Devraient-elles s’engager beaucoup plus directement pour atténuer les problèmes sociaux?

Inutile, la vulgarisation scientifique?

Le professeur Michael Kosterlitz, 76 ans, prix Nobel de physique en 2016 pour ses travaux sur les phases particulières de la matière à très basse température, estime que les tentatives par les physiciens d’expliquer leur travail au grand public seraient « une perte de temps ».

Physicists who attempt to explain their work to the general public are attempting an “almost impossible task”, according to a Nobel prizewinner, because, like second-hand car salesmen, their words “seem to make sense” but may actually leave the public with little or no genuine understanding.

[…]

In physics, “every second word is a jargon word”, he said during an interview at the 2019 Lindau Nobel Laureate Meeting, an annual gathering of prizewinners and young scientists in southern Germany held earlier this month. “What you’re saying just doesn’t make sense to them, which is fair enough.”

“People are attempting an almost impossible task,” he warned. “You’re trying to explain something to people who don’t have any background at all in these logical steps that are natural to, are part of, any scientist’s psyche, [but] which are alien to most other people.”

He also likened it to “going to Korea, or China, and trying to communicate without speaking any of the native language”.

Kosterlitz, qui passé l’essentiel de sa carrière aux universités de Birmingham et Brown, reconnaît que les physiciens doivent néanmoins faire cet effort, ne serait-ce que parce qu’ils reçoivent de l’argent public.  Mais il considère que si les mots réunis pour expliquer les travaux scientifiques semblent faire sens, ils ne parviennent que rarement à faire comprendre aux non-initiés ce dont il est vraiment question.

5 thèmes pour devenir une meilleure université “civique” 

Après des travaux d’un an, la UPP Foundation Civic University Commission britannique a constaté que, malgré de nombreux projets en ce sens, aucune des universités rencontrées n’avait fait de l’engagement civique une valeur fondamentale.  C’est pourquoi elle a proposé aux universités d’adopter des Civic University Agreements (CUA), des plans globaux basés sur une analyse conjointe de la situation et des besoins et incluant la signature de plusieurs partenaires locaux.  Essentiellement, il s’agit de déclarations d’engagement civique des universités.  Depuis février 2019, une cinquantaine d’institutions britanniques ont pris l’engagement de développer des CUA. Dans ce contexte, la Commission propose un guide où sont présentés 5 thèmes visant à soutenir le développement et la mise en oeuvre de ces déclarations.

  1. Voix populaire: souvent les universités sont en lien avec les groupes d’influence locaux mais trouvent plus difficiles d’interagir avec des groupes de milieux socio-économiques plus modestes.  Or, la Commission estime qu’il est essentiel pour les universités d’aller vers ces groupes, de les entendre et de tenir compte de leurs opinions en vue de changements sociaux significatifs.
  2. Dynamiques de pouvoir locales dont il faut tenir compte:

    This takes us to the second theme. The university is often one of the largest and most dominant institutions in its area. This strength, harnessed correctly, can be used for significant good. But it is also worth reflecting on the power dynamics of local partnerships and how to foster successful collaborations with organisations that do not have the resources or agency of a university: in particular, small grassroots organisations. We regularly heard that universities slip into the role of doing “to” a community, rather than doing “with” it.

  3. Pensée régionale au-delà des limites géographiques qui sont parfois floues.
  4. Utilisation des ressources universitaires en prévision d’une prochaine constriction économique (du moins en Grande-Bretagne).
  5. Risques pour les institutions: «  poorly designed and executed CUAs could pose risks both to institutional reputations and the civic university movement as a whole ».

L’apprentissage créatif comme une ressource renouvelable

Dans un article du University World NewsPatrick Blessinger, chargé de cours en éducation à la St John’s University de New York, considère que l’apprentissage (créatif, tout au long de la vie) devrait être considéré comme une ressource renouvelable et qu’il devrait devenir la priorité des institutions universitaires…

…[W]ith the importance now placed on solving the huge problems associated with global climate change and on creative and interdisciplinary learning as a means to address these problems […] …learning should be viewed as a renewable human resource since it provides an unlimited source of new ideas and problem-solving capacity.

Sans tomber dans l’obscurantisme ou considérer que les scientifiques sont les seuls responsables des crises actuelles et imminentes, il évalue clairement que les universités doivent prendre une part de responsabilité:

Human intelligence has allowed humans to understand how the natural world works and to invent technologies that have forever changed life on Earth – on the one hand, improving living conditions through large scale reductions in poverty, illiteracy, diseases and oppression, while, on the other hand, creating unintended consequences, such as increased pollution, mass deforestation and greenhouse gases. […]

…[I]n the current era, moral reasoning and humanistic principles are just as important as scientific reasoning and engineering principles. With great power comes great responsibility.

This type of dilemma is just one of many that humans now face. Though the knowledge brought about by science is a necessary condition for human progress, it is not a sufficient one since knowledge can be used for either beneficial or harmful purposes. 

Blessinger considère qu’il est urgent que tous endossent les objectifs de développement durable des Nations-Unies, mais également qu’il faut que les humains réfléchissent le monde de manière plus holistique et à long terme.  Les dirigeants politiques doivent penser en termes d’interdépendance et de systèmes interconnectés qui requièrent de la coopération aux échelles locale et globale.  Puisque l’éducation est centrale pour atteindre ces objectifs, il milite pour que l’enseignement supérieur développe de nouvelles valeurs humanistes.

Voici des exemples concrets de manières dont des institutions d’enseignement supérieur se positionnent pour viser de tels idéaux:

Sources:

BlessingerPatrick, Enakshi Sengupta et Taisir Subhi Yamin, « Creative learning as a renewable resource », University World News, 20 juillet 2019

Brabner, Richard, « How to be a better civic university », Times Higher Education, 19 juillet 2019

Matthews, David, « Nobel winner: explaining physics to public a ‘waste of time », Times Higher Education, 22 juillet 2019

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Jean-Sébastien Dubé

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