Point chaud / en émergence

Plagiat ou faute de référencement documentaire ?

Samedi 8 décembre 2018, Le Devoir a publié 3 articles signés par Marco Fortier.  Un des articles portait le titre de “Clémence pour les tricheurs”…  J’ai cru entendre un écho à l’article de Daphnée Dion-Viens paru dans le Journal de Québec le 26 septembre dernier et qui s’intitulait “L’Université Laval encore plus tolérante envers les tricheurs”.

Dans les deux articles on reproche aux universités de ne pas être suffisamment sévères envers des cas de plagiat.  J’aurais aimé que les deux journalistes précisent les cas de plagiat pour lesquels les universités avaient choisi la voie de la sensibilisation et de l’éducation plutôt que celle de la sanction.  Je pose la question parce qu’au fil des ans, dans mon travail, j’ai vu des étudiants se faire accuser de plagiat pour avoir omis de mettre les guillemets (ou chevrons) ou d’utiliser l’italique après avoir donné le nom de l’auteur qu’ils allaient citer, comme dans le cas suivant :

Selon Fortier (2018), les étudiants qui font du plagiat s’en tirent à bon compte.

Sommes-nous devant un cas patent de plagiat?

Avant de répondre à la question, prenons le temps de nous rappeler ce qu’est le plagiat.  Allons-y pour une définition simple : s’approprier le matériel d’autrui et le présenter comme sien.  Dans l’exemple ci-dessus, y a-t-il eu appropriation du matériel de Fortier (2018) ?  Non, puisque j’ai nommé l’auteur.  Mais, comme j’ai copié-collé le texte de Fortier sans le paraphraser, je l’avoue, j’aurais dû mettre des guillemets (ou chevrons) ou utiliser l’italique.  Il s’agit d’un problème de référencement documentaire et non de plagiat.  Et dans ce cas, la clémence est tout à fait indiquée.

Mais la confusion entre plagiat et absence de guillemets dans une citation directe est parfois liée à une manière de s’exprimer qui n’est pas claire, comme en fait foi cet extrait de l’article de Fortier : le cas classique de plagiat, c’est qu’un étudiant copie des extraits de textes trouvés sur le Web sans mettre les citations entre guillemets.  Même si l’étudiant avait mis la citation entre guillemets, le vrai problème n’est-il pas de ne pas avoir donné la référence du texte copié-collé?  Soyons précis, de grâce.  J’aurais envie de hurler « Lâchez les guillemets et mettez toutes vos énergies à exiger les sources! », car, comme le rappelle Michelle Bergadaà, professeure à l’Université de Genève et résidente de l’Institut international de recherche et d’action sur la fraude et le plagiat académiques (IRAFPA) :

[d]epuis l’aube de l’humanité, la connaissance avance parce que nous sommes capables de montrer les sources où nous avons puisé notre inspiration.  Et c’est parce que nous montrons ces sources que d’autres sont capables de renouveler la connaissance et de la faire progresser. […]  C’est dans l’intentionnalité du tricheur et du plagieur qui n’indique pas ses sources que nous voyons qu’il est un délinquant de la connaissance, qui ne veut pas faire bénéficier ceux qui le suivent, ses lecteurs, ses professeurs de ces connaissances d’où il a tiré ses sources.

Je travaille dans une institution qui a pour mission de former et je me plais à croire que mon institution et toutes les autres institutions d’enseignement font preuve de jugement dans le traitement des allégations de plagiat.  Je veux également croire qu’elles sont résolument tournées vers la promotion de l’intégrité intellectuelle et qu’elles valorisent de former à la rédaction universitaire et au référencement documentaire plutôt que de faire la chasse au plagiat et aux erreurs de référencement documentaire.

Sources

Fortier, Marco.  Clémence pour les tricheursLe Devoir, 8 décembre 2018

Dion-Viens, Daphnée.  L’Université Laval encore plus tolérante envers les tricheursJournal de Québec (paru sur TVA Nouvelles en ligne).  26 septembre 2018

Morin, Sonia.  Plagiat – Rappel de quelques éléments clés dans la lutte antiplagiatL’Éveilleur (blogue) 1er décembre 2018

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Sonia Morin

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