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Des nouvelles de l’impression 3D (ou La ‘révolution’ aura-t-elle lieu?)

Il y a un mois, le magazine web Thot Cursus présentait un numéro spécial sur l’impression 3D.  Cela m’a vivement intéressé.  C’est que, contrairement à la réalité virtuelle et à l’intelligence artificielle dont les promesses semblent progressivement se concrétiser, l’impression 3D a l’air de stagner en formation.  Dans son article intitulé “L’impression 3D: révolution ratée ou en attente?“, Alexandre Roberge donne plusieurs raisons possibles pour cet intérêt mitigé.

  • [I]l y a encore peu de ce type de machines chez les particuliers. Déjà parce que le marché s’est peut-être davantage démocratisé mais il n’en demeure pas moins que les imprimantes à 300 dollars n’offrent pas autant de possibilités que celles de 4000 ou 5000 dollars. Conséquemment, il n’y a pas autant d’intérêt pour les consommateurs d’investir autant dans une telle machine.
  • …la question des modèles et des propriétés intellectuelles est encore délicate et non réglée
  • …manipuler les logiciels de 3D n’a rien de simple pour le grand public.
  • …les matériaux ne sont pas nécessairement écologiques (surtout ceux de plastique) et que l’impression crée des microparticules problématiques pour la santé.
  • …nous sommes loin de pouvoir faire de l’impression de masse rapidement. En fait, elle dure dans le meilleur des cas 30 minutes et parfois plusieurs heures.
  • Il y a certes des potentiels pour la fabrication personnalisée qui pourrait intéresser une partie de la clientèle. Mais ils sont encore peu à demander des articles individualisés. Une grande part d’entre eux n’ont pas de problèmes avec les lignes standardisées de vêtements, de biens, etc.
  • Les objets créés peuvent comporter des défauts.

Dans le premier de deux articles qu’elle signe dans ce numéro spécial, Virginie Guignard Legros rappelle les promesses de l’impression 3D, alors que notre rapport aux objets change fondamentalement avec le numérique.

…Chacun peut aujourd’hui techniquement fabriquer et créer ses propres objets avec une imprimante 3D à la maison ou dans des collectifs technologiques. Plus besoin d’études lourdes, de moyens financier importants pour créer l’objet. Il suffit d’imagination et, avec l’aide la digitalisation connectiviste, les hommes peuvent en plus connecter leurs savoirs et leurs idées pour concevoir en groupe dans un cadre professionnel ou privé. C’est sans doute là que se trouve un des piliers majeur de cette révolution.

“[…]Une imprimante 3D n’est au fond qu’une autre stratégie de mise en forme de la matière. En revanche, on fabrique à partir d’un fichier, de quelque chose d’immatériel, et qui plus est ubiquitaire, avec Internet. La nouveauté réside donc dans le fait que la chaîne numérique explose, ou en tout cas réorganise, les réseaux de fabrication et de distribution. On peut concevoir un objet à un endroit, adapté aux contraintes d’une technologie spécifique, puis le fabriquer n’importe où dans le monde au coup par coup. L’utilisateur peut soudainement prendre part au processus de création, voire même devenir lui-même fabricant. Un changement de taille !” (François BRUMENT et  Maëlle CAMPAGNOLI, 2016, cités dans Guignard Legros, 2018)

C’est à se demander s’il n’y a pas justement un problème de formation de la main d’oeuvre qui permettrait à l’impression 3D d’émerger comme une technologie plus largement utilisée.  Si des enfants s’approprient cette technologie dès le primaire comme le mentionne Roberge, les autres ordres d’enseignement ne paraissent pas aussi pressés de monter dans le train.  Questions de Denis Cristol: “Puisque les programmes scolaires visent surtout la transmission et le transfert de savoir, pourquoi donc mettre la main dans le monde du faire ? Et si des usages pédagogiques s’inventaient actuellement ?”

Au-delà des fablabs et de l’utilisation par les étudiants en Génie, Cristol présente, en citant Edutechwiki, diverses manières dont les formateurs pourraient utiliser l’impression 3D:

  1. rendre visible l’invisible (concrétiser),
  2. faire comprendre des concepts en les matérialisant,
  3. reproduire des objets inaccessibles,
  4. réaliser des kits créatifs (par exemple nouveaux types de legos) pour réaliser d’autres activités,
  5. compenser des handicaps, par exemple pour un élève aveugle.

Dans son second article, Guignard Legros évoque notamment le fait que les institutions de formation sont désormais souvent en décalage avec les besoins de formation technique des nouvelles startups technologiquement spécialisées:

Hier, on faisait appel aux partenaires sociaux, et en particulier aux chambres de commerces locales ou nationales pour évaluer combien de travailleurs, combien de spécialisations devaient être anticipés par les éducations nationales de chaque pays. […]

Aujourd’hui, ce protocole est rompu. Pourquoi ? Une des raisons principales est la non structuration des entreprises innovantes nouvelles au sein de ces mêmes chambres de commerce. Ils sont jeunes, indépendants. Ils veulent réinventer le monde. Ils s’allient quelque fois en club, mais rarement en réseaux locaux, en mouvements nationaux ou internationaux. La majorité sont des startups qui surnagent et qui n’ont pas le temps d’aller palabrer avec leur confrères dans des organisations de branches. Ils sont plus en contact avec leur communauté d’intérêt, qui elle est non structurées. Et ils se rencontrent sur des événements de branches d’activités spécifiques comme l’AI et la Blockchain par exemple. Ils se volent les meilleurs spécialistes. Ils sont dans l’immédiat et ne pense pas à anticiper leurs besoins dans 3, 5, 10 ans.

Résultat, personne ne sait sur quoi baser les programmes pédagogiques de demain.

Sources:

Cristol, Denis, “Imprimante 3D et technologie éducative“, Thot Cursus, 22 octobre 2018 (m.-à-j.: 22 novembre 2018)

Élongué, Christian, “Un état des pratiques et usages de l’impression 3D en Afrique“, Thot Cursus, 22 octobre 2018

Guignard Legros, Virginie, “# 3D – Première partie : De la pensée à l’objet“, Thot Cursus22 octobre 2018

Guignard Legros, Virginie, “# 3D – Seconde partie : Nouvelles compétences émergentes et éducation“, Thot Cursus22 octobre 2018 (m.-à-j. 23 octobre 2018)

Roberge, Alexandre, “L’impression 3D: révolution ratée ou en attente?“, Thot Cursus, 22 octobre 2018

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Jean-Sébastien Dubé

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