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Intelligence artificielle (IA) et emplois: revue de presse 2017-2018

Nous avions déjà accumulé de l’information quant aux impacts de l’IA sur les emplois. Dans les articles suivants, par exemple:

En préparation d’une activité pour le SSF sur l’intelligence artificielle le 27 septembre dernier, j’ai jugé bon d’élargir l’éventail des sources d’information aux médias grand public qui traitent de plus en plus de ce sujet.  Première constatation: entre économistes et sociologues technoptimistes et technopessimistes, les chiffres divergent de manière importante…

Quels emplois seraient perdus?
Certains observateurs américains parlent de 47 % de perte d’emploi d’ici 2030 (McAfee et Brynjolfsson, The Second Machine Age, 2016; Frey et Osborne, The Future of Employment: How Susceptible are jobs to Computerization, 2013); tandis que d’autres estiment que 42 % de la main d’oeuvre est à risque (Brookfield Institute de l’Université Ryerson).

Des sources européennes semblent beaucoup moins alarmistes: 10 % à 15 % de pertes d’emplois prévues (OCDE, Conseil d’orientation pour l’emploi, France Stratégie).

Les emplois les plus menacés par l’avènement des IA seraient: le personnel de la vente au détail, les assistants administratifs, les assistants de comptoirs alimentaires, les caissiers, les chauffeurs de l’industrie du transport (Source: Brookfield Institute, Forum économique mondial, «The Future of Jobs», cité dans Paré, 2017)

Quels emplois seraient gagnants?
Les emplois les plus en demandes dans un monde transformé par l’IA seraient: les administrateurs de ventes au détail ou les fournisseurs, les infirmières, les enseignants au primaire et au secondaire, les éducateurs de la petite enfance (Source : Brookfield Institute, Forum économique mondial, «The Future of Jobs», cité dans Paré, 2017)

Dans certains cas, la création de nouveaux emplois pourrait mitiger une partie des pertes… Jodie Wallis est directrice générale de AI Canada, section de la firme-conseil Accenture.  Elle estime à “16 % les pertes potentielles d’emplois au Canada et à 9 % la création d’emplois générés par ce nouveau pan de l’économie. « L’impact serait une perte réelle de 7 % », mesure-t-elle” (Paré, 2017)

D’autres entrevoient carrément un bilan positifSelon une étude britannique menée par le cabinet PwC, “l’IA ne va pas créer de chômage technologique puisqu’elle pourrait supprimer et créer un nombre équivalent d’emplois”. L’étude prédit une disparition de 7 millions d’emplois, mais aussi l’apparition de 7,2 millions d’autres – ce qui représenterait donc au final une augmentation d’emplois. (France 24, 2018)

Il est difficile de savoir de quoi seront faits ces nouveaux emplois.  Toutefois, on peut envisager que les intelligences artificielles proposant plusieurs scénarios par leur vitesse de calcul, il faudra bien des humains pour prendre des décisions à partir de ces compilations de données…

Les emplois du futur qui n’existent pas encore
Certains experts rappellent que nous n’avons qu’une idée très partielles des emplois du futur…

  • 85 % des emplois de 2030 n’existent pas aujourd’hui (selon une étude Dell, citée dans Normand, 2017)
  • 65 % des emplois qu’occuperont les enfants actuellement d’âge primaire n’ont pas encore été inventés (Forum économique mondial, 2016, cité dans Paré, 2017)

La disparition des tâches répétitives?
La plupart des sources consultées s’accordent sur le fait que ce sont les dimensions répétitives des emplois qui risquent d’être affectées: un métier est menacé de destruction si plus de 70 % des tâches qui le constituent sont automatisables, d’après Alternatives économiques (2017).

“Partout où l’on trouve des tâches répétitives, il y a un potentiel d’automatisation si la machine peut être aussi ou sinon plus efficace que l’humain.” (Joëlle Pineau, professeure d’informatique, McGill, citée dans Tremblay, 2017)

Le hic, c’est que l’on trouve ces tâches routinières dans la plupart des secteurs de l’économie, par exemple l’hôtellerie, la restauration, le manufacturier, le transport, l’entreposage, le commerce de détail, les mines, la construction et les services publics. On les observe aussi dans des secteurs à plus haute valeur ajoutée, comme la finance, l’assurance, l’administration, l’information, la santé ou la gestion. (Normand, 2017)

“«Notre banque emploie des gens qui se comportent comme des robots en faisant des tâches mécaniques. Demain, nous aurons des robots qui se conduiront comme des humains», indiquait récemment au Financial Times le grand patron [de la Deutsch Bank] John Cryan.” (Normand, 2017)

Cependant, “[u]n métier compte plusieurs tâches, certaines répétitives, d’autres plus difficiles à remplacer.  Les sténo-dactylos ont disparu, pas les assistantes.” (Alternatives économiques, 2017)

“Pour la plupart d’entre nous, [l’intelligence artificielle] remplacera des tâches routinières plutôt que des emplois” (Normand, 2017)

Non seulement les tâches répétitives pourraient être réalisées par des IA, mais aussi celles où il faut traiter de grandes quantités de données.  C’est ce qu’Anthony Goldbloom, PDG de Kaggle, appelle “Frequent, high-volume tasks” (Goldbloom, 2016)  L’humain peut difficilement rivaliser avec la puissance de traitement de l’ordinateur.  C’est le cas en droit par exemple, où il serait bientôt possible pour un particulier de sonder la jurisprudence pour savoir s’il vaut ou non la peine d’aller en procès, sans même consulter un avocat…

[T]ous les métiers qui s’appuient sur une expertise acquise par l’expérience de nombreuses situations sont directement menacés par l’intelligence artificielle. «Cela ne signifie pas qu’il n’y aura plus de médecins, mais que toute une partie des actes médicaux sera traitée par les machines…” (Julien Lévy, directeur de la Chaire AXA stratégie digitale et big data à HEC Paris, cité par Normand, 2017)

Comment l’humain se distingue-t-il encore de la machine?
Il faut d’abord réaliser qu’avec l’intelligence artificielle, l’automatisation ne touchera pas que les emplois de production (secteurs primaire et secondaire), mais que ceux des cols blancs seront désormais également à risque:

…Réfléchir n’est plus un atout car le robot sait aussi le faire et mieux que nous. C’est donc le secteur tertiaire qui est dorénavant touché alors qu’il représente plus de 75% des emplois. À défaut de révolution, certains experts parlent d’un deuxième âge de la machine. Mais ceci n’est que le début. Plus les progrès se développeront, plus nous assisterons à de nouvelles avancées comme c’est déjà le cas dans la BioTech (robot chirurgien), FinTech (robot banquier) ou LegalTech (robot juriste). (Bonechi, 2018)

Pour Goldbloom, “Humans can tackle novel situations” (2016) alors que les ordinateurs doivent suivre des paramètres bien définis, tandis que Bonechi explique “L’intelligence artificielle est plus forte que l’homme pour répondre aux questions mais elle ne sait pas choisir seule les questions les plus pertinentes.” (2018)

D’après une étude de la BDC citée dans Paré (2017), les talents humains qui seront les plus recherchés pour rivaliser avec les IA seront les suivants:

  • Résolution de problèmes complexes
  • Pensée critique
  • Créativité
  • Aptitude de gestion de personnel
  • Travail de collaboration
  • Intelligence émotionnelle
  • Jugement et prise de décisions
  • Négociation
  • Flexibilité cognitive (Source : Industrie 4.0 : la nouvelle révolution industrielle, une étude de la BDC; gras dans le texte original)

Vers une complémentarité humain-machine…
Au-delà des pertes probables d’emplois, c’est la manière de travailler qui va changer au sens où l’on transigera de plus en plus avec des assistants intelligents. L’addition de l’humain ET de l’intelligence artificielle sera toujours plus efficace que l’un ou l’autre seul.

“Des images de cellules ganglionnaires ont été présentées à un pathologiste et à un système basé sur l’intelligence artificielle. L’humain et la machine devaient déterminer si les cellules étaient cancéreuses ou non.

Eh bien, l’humain a eu un taux d’erreur de 3,5 %, deux fois plus faible que celui de l’IA, à 7,5 %. Cependant, quand on a combiné les deux approches, ce taux a chuté à 0,5 %. […]

« Il y aura probablement de nombreuses créations de postes dans les domaines où les humains et les machines peuvent interagir afin d’être tous les deux plus efficaces», dit-il [Richard Zemel, professeur à la Faculté des sciences informatiques de l’Université de Toronto et directeur de la recherche à l’Institut Vector pour l’intelligence artificielle]” (Normand, 2017).

Même son de cloche au Québec, selon une étude du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO):

“Si 42 % des participants conviennent que le développement de l’intelligence artificielle rendra les entreprises plus performantes, 47 % souhaitent que le gouvernement soutienne les employés qui pourraient être licenciés. […] 61 % des gens sondés sont d’avis que l’intelligence artificielle modifiera leurs tâches. La même proportion se dit prête à suivre une formation pour s’adapter aux changements technologiques.” (étude CIRANO, citée dans Prince, 2018)

D’autres freins pourraient ralentir la généralisation de l’IA…

De plus, ce n’est pas parce qu’un emploi est automatisable qu’il sera automatisé. En effet, développer un robot et une intelligence artificielle spécifiquement pour un emploi ou une tâche est un processus long et coûteux. Si le robot n’est pas accepté par les employés ou les clients, s’il n’est pas rentable au sein de la chaîne de valeur de l’entreprise ou s’il se heurte à des freins culturels, alors le retour sur investissement sera négatif ou nul.   (Bonechi, 2018)

Spontanément, on pense aux domaines de la santé et des services sociaux, où on peut imaginer que la population préférera toujours transiger avec des humains.  Toutefois, le domaine de la robotique sociale se développe rapidement, notamment en Asie.  Au Japon, on tente d’introduire de tels robots dans les soins aux aînés (Sauvé, 2018).  Combien de temps nos biais culturels protégeront ce secteur?

Sources:

Alternatives économiques, “Les robots volent-ils nos emplois?” (vidéo), série 3 minutes pour comprendre, 13 octobre 2017 (durée 3 min 08)

Bonechi, Bruno, “Intelligence artificielle : quel impact sur les emplois ?“, Journal du Net, 22 mai 2018

France 24, “L’intelligence artificielle pourrait créer autant d’emplois qu’elle en supprimera, selon une étude“, 17 juillet 2018

Goldbloom, Anthony, “The jobs we’ll lose to machines — and the ones we won’t” (vidéo), TED Talk, Vancouver, 31 août 2016 (durée: 4 min 36)

Normand, François, “L’intelligence artificielle touchera tout le monde… mais différemment“, Les Affaires, 30 septembre 2017

Paré, Isabelle, “Aurez-vous encore un emploi demain?“, Le Devoir, 12 novembre 2017

Prince, Véronique, “L’intelligence artificielle : une menace pour les travailleurs?“, Radio-Canada, 18 juin 2018

Sauvé, Mathieu-Robert, “Le robot social peut aider les aînés… mais ne remplace pas les humains“, Forum, Université de Montréal, 15 mai 2018

Tremblay, Janic, “Voici comment l’intelligence artificielle bouleversera le marché de l’emploi“, Desautels le dimanche, Radio-Canada, 26 février 2017 (document pdf)

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Jean-Sébastien Dubé

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