Tendances sociétales

La vulgarisation scientifique : comme une grande bouffée d’air frais!

Julien Bobroff, physicien à Paris Sud, s’est rendu compte que ses collègues physiciens avaient des idées bien arrêtées sur ce qu’est la vulgarisation scientifique.  Il en a retenu 10 qui méritent d’être revisitées à la lumière de la réalité du terrain et des chiffres, comme il dit.

1. Le public s’intéresse de moins en moins aux sciences.

À la question : « la science et la technologie apportent-elles des solutions aux problèmes que nous rencontrons aujourd’hui ? », le oui remporte près de 84 % (Le Monde, 2016). Mieux, 93 % de la population exprime un désir de développer ses connaissances dans au moins un domaine scientifique (Credoc, 2013). Et chez les 15-25 ans, 76 % éprouvent de l’intérêt pour la science, et 95 % ont une opinion positive des chercheurs (CSA, 2014).  […]  Près d’un Français sur deux a déjà visité un muséum d’histoire naturelle ou un centre de culture scientifique et le succès croissant des chaînes scientifiques sur YouTube confirme le constat.

2. Les jeunes ne veulent plus aller vers les carrières scientifiques.

Pourtant, entre 2006 et 2016, le nombre d’étudiants a augmenté de 23 % dans les formations scientifiques contre 16 % pour les autres formations. Les sciences fondamentales à l’Université affichent un gain de 17,7 %, plus élevé là encore que la moyenne nationale.

3.  La vulgarisation, c’est d’abord savoir bien expliquer.

[C]e qui va vraiment toucher le public se joue souvent ailleurs que dans la qualité de l’explication scientifique : c’est le look du chercheur, c’est sa personnalité, c’est la tête du PowerPoint et le choix des couleurs, bref, le style.

4.  Dans un débat grand public, il suffit de montrer les preuves scientifiques pour convaincre.

Il faut mieux tenter une pédagogie sur la démarche scientifique.

5.  Certains sujets sont trop compliqués pour être vulgarisés.

[S]i l’on accepte de faire son deuil d’une certaine rigueur mathématique, il est possible de donner quelques éléments et intuitions, quel que soit le sujet. La preuve : le boson de Higgs ou les ondes gravitationnelles, deux sujets « terribles », ont pourtant été non seulement médiatisés mais aussi vulgarisés de façon remarquable lors de leur découverte récente.

6.  Il faut privilégier les sujets avec des applications concrètes.

7.  Certains sujets seront toujours plus vendeurs parce qu’ils font rêver.

[L]e public n’aime pas toujours être ramené à son quotidien, et reste fasciné par les grands mystères et les questions fondamentales que pose la science. Il suffit de voir les succès d’édition scientifique : théorie des cordes, relativité générale, astronomie, physique quantique, cosmos… Aucun livre dans les premières ventes sur la physique pour le médical ou sur ses applications dans l’électronique !

8.  Pas besoin que les chercheurs vulgarisent, laissons cela aux professionnels.

La présence des chercheurs est irremplaçable, non pas pour la clarté de leurs explications, mais pour deux autres raisons : d’abord ils peuvent parler des recherches récentes et ancrer la science dans sa modernité.  Mais surtout, ils sont les acteurs de la recherche, et peuvent témoigner de cette pratique, de leur vécu, de leurs questionnements. Il suffit de voir le nombre de questions qu’on a sur le métier et les pratiques de la recherche pour se convaincre de la pertinence de leur présence. Je plaide pour une complémentarité et une collaboration entre professionnels de la médiation et scientifiques […]

9.  Vulgariser prend trop de temps.

[…] des « micro-actions » sont possibles, utiles et rapides : répondre à quelques questions sur Internet, contribuer à Wikipédia, ou à Twitter, répondre aux questions d’un groupe de lycéens pour un TPE, participer à un stand dans une fête de la science, écrire un petit « highlight » sur son dernier article scientifique, les occasions ne manquent pas, qui prennent au plus une ou deux heures.

10.  La vulgarisation nuit à la carrière des chercheurs.

Là, je l’avoue, ce n’est pas une idée complètement fausse. […]  Un bon vulgarisateur, et je parle d’expérience, recrutera plus facilement des doctorants car il présentera mieux son sujet de recherche. Il parlera mieux en conférence pour présenter ses résultats aux collègues. Il rédigera mieux les introductions de ses articles, les « highlights » associés, et surtout, ses demandes de financements, le nerf de la guerre !

En terminant, Bobroff compare la vulgarisation à un grand bol d’air frais! Il a probablement bien raison.

Source

Bobroff, Julien.  Dix idées fausses que se font les scientifiques de la vulgarisation.  The Conversation.  19 décembre 2017.

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Sonia Morin

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