Pédagogique Point chaud / en émergence

Dépassée, l’école?

Il y a un certain temps que j’amène l’idée que les nouveaux médias et le contexte économique remettent en question jusqu’à la pertinence du système d’éducation, a fortiori de l’université, pour un certain nombre d’individus et particulièrement dans certaines disciplines (informatique, communications, etc.).  Récemment, j’ai croisé trois sources très distinctes qui amènent de l’eau à mon moulin quant à ce phénomène: D’abord un billet de Mario Asselin, puis un article fort intéressant intitulé « Du succès sans les études » qui fait la couverture du magazine Jobboom  de mars 2010 et enfin une  entrevue de Rich Halverson interrogé par Henry Jenkins.  Halverson est l’un des co-auteurs de Rethinking Education in the Age of Technology: The Digital Revolution and Schooling in America qui vient d’être publié en 2009 chez Teachers College Press.  J’ai retenu quelques phrases qui vont dans le sens de ma théorie…

D’abord, je retiens  la remarque d’un participant à un atelier donné par Asselin, médusé de tous les blocages que plusieurs écoles imposent à l’accès Internet: 

«L’école ne sait pas encore jusqu’à quel point elle est dépassée. Tellement de gens à l’extérieur savent que la carotte du papier qu’elle délivre commande de s’occuper des vrais affaires dès que les jeunes en sortent!»

Puis, un échange Twitter entre Mario Asselin et Renaud Boisjoly d’Apple Canada et Benoît Brosseau, analyste à la société GRICS:

  • «Si l’école continue de s’auto-démolir, elle accomplira son but: forcer les jeunes à trouver leur propre système d’apprentissage.» (@rboisjoly)
  • «T’as pas tort (Renaud). C’est déjà un peu comme ça, non? On joue «la game» de l’école pour le papier et dehors on se crée son propre système.» (@MarioAsselin)
  • «Et si le problème s’accentue, le papier va devenir une option… éventuellement, je me demande si «la game» deviendra obsolète?» (@rboisjoly)
  • «C’est déjà le cas en TI avec les certifications qui éliminent le besoin de diplôme. CCNA , RHSE, MSCE, etc.» (@brosseaub)
  • Tandis que, dans Jobboom, on s’intéresse à la manière d’apprendre de certains autodidactes – drop-outs – qui ont réussi, comme Trevor Fergusson, Patrick Boivin, Isabelle Hudon, ce qui amène d’intéressants points de vue de spécialistes:

    [Selon Serge Larivée, professeur à l’École de psycho­éducation de l’Université de Montréal] «Les drop-outs qui réussissent sont des gens d’exception. Mais pour la moyenne des ours, la voie scolaire demeure le passeport pour la réussite. Toutes les études démontrent qu’une scolarité élevée mène généralement à un meilleur salaire et à moins de chômage.»

    « Paul Bouchard [professeur au Département d’éducation de l’Université Concordia] est toutefois convaincu que l’école n’est pas la seule façon d’apprendre, et pas forcément la meilleure. “On valorise beaucoup cette voie parce qu’elle mène à l’accréditation. Ça nous rassure. Mais au fond, que sait-on des connaissances d’une personne au terme de ses études? Elle a peut-être passé son bac à copier ses travaux, à sécher ses cours et à tricher aux examens. À côté, il y a des gens qui maîtrisent vraiment des savoirs pour lesquels ils n’ont jamais été évalués formellement.”»

    « L’université des auto­didactes, c’est l’observation, le tâtonnement, le mentorat. «On les imagine isolés dans leur laboratoire, en marge de la société, mais en vérité, ils sollicitent énormément les autres pour apprendre», explique Jean-Pierre Theil, chargé de cours à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval, dont le mémoire de maîtrise portait sur les styles d’apprentissage d’une trentaine d’adultes autodidactes. »

    « Normal, l’apprentissage est un acte social, dit Paul Bouchard. “L’autodidacte ne se distingue pas parce qu’il apprend seul, mais parce qu’il contrôle sa façon d’apprendre et qu’il sait parfaitement pourquoi il apprend. “»

    « Mais attention, les autodidactes n’imitent pas les autres : ils s’en inspirent pour créer leurs propres techniques. Ils s’ennuient mortellement quand ils n’inventent pas. “Ce qui les branche, c’est l’inédit, les questions restées sans réponses, remarque Jean-Pierre Theil. Ce sont des gens d’action qui veulent expérimenter en se fiant à leurs intuitions, sacrifiant volontiers la théorie au passage”, note-t-il. »

    Mais,

    « Étrangement, les autodidactes sont beaucoup moins critiques envers le système scolaire lorsqu’ils s’adressent à leur progéniture. »

    Finalement l’entrevue avec Halverson (qui me semble vraiment importante):

    « …Digitally literate young people have come to understand that there are at least two living channels for learning – 1) an institutional channel, and 2) a peer-driven, interest-driven, and unregulated digital media channel. The bifurcation of learning experiences for young people is bound to call the institutional identification of schooling and learning into question in the coming years. We don’t yet know the consequences of how this shift will play out, but unless schools figure out how to adapt to digital media our children may end up hearing their fathers say “remember when we went to school for an education?” »

    « Schools that emerged at the advent of the 21st century were, in a sense, victims of the success of the prior generation’s technology, and found it very difficult to adapt to new models of information production and exchange sparked by the Internet. Technological developments later in the century, such as computing and digital media, provided a level of individualization that ran directly counter to the mass-production technologies from earlier in the century.  […]  When considered over time, we can see the effects of institutional resistance are a consequence of the embrace of prior technologies, rather than a simple opposition of stodgy old schools to hot new technologies. »

    « We propose that the “seeds of a new system” are already emerging as pieces of an alternative approach to education. Home schooling, for example, provides a technologically-driven alternative to institutional schooling. Distance education and [Henry Jenkins’] idea of participatory cultures organized around a transmedia complex provide powerful alternative visions for education. »

    J’ai juste peu d’espoir que ce discours-là soit entendu au niveau institutionnel.

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    Jean-Sébastien Dubé

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