Point chaud / en émergence Tendances sociétales

Conséquences possibles de la victoire de Trump pour la formation supérieure

Suite au choc de l’élection surprise de Donald J. Trump à titre de 45e président des États-Unis, la principale inquiétude des milieux universitaires américains touche à l’accueil des étudiants internationaux.  Mon collègue Alain Mélançon nous en avait déjà parlé en juillet dernier.  Ce sont notamment les déclarations de Trump sur la possibilité de limiter les visas aux visiteurs de confession musulmane qui inquiètent:

« Many in international education expressed concerns at the time that such a policy could make it extremely difficult for students from Muslim nations to get visas. Others worried that a Trump victory would send such students seeking a Western-style education to Canada, Australia or other countries not seen as hostile. » (Jaschik, 2016)

Trump a peu parlé de formation supérieure pendant la campagne, mais lors d’un rallye en Ohio au mois d’octobre 2016, il a donné quelques indices de ses intentions pour ce secteur (Kolowich et Tomason, 2016; Stratford, 2016):

  • Il souhaite que les universités cessent de prêter aux étudiants afin que les institutions financières soient les seules à pouvoir le faire.  Il propose un plan pour le remboursement des frais de scolarité basé sur le revenu qui maximiserait le remboursement à 12,5 % des gains mensuels d’un débiteur et libérerait les diplômés de leurs dettes d’études au bout de 15 ans. Il s’agirait en fait d’un régime plus généreux que celui de l’administration Obama (max. 10 % du revenu par mois et pardon après 20 ans).
  • Il en a contre les institutions qui thésaurisent les revenus de leurs campagnes philanthropiques et menace de leur retirer les exemptions fiscales sur ces gains.  D’après lui, ces sommes devraient être réinvesties dans la formation, la baisse des frais de scolarité et la réduction des dettes étudiantes. Certains observateurs se demandent s’il n’y avait pas là une volonté de séduire les partisans déçus du Sén. Bernie Sanders.
  • Il s’insurge contre la rectitude politique qui sévit selon lui au sein de divers campus américains: «  …[P]olitical correctness — oh, what a terrible term — has transformed our institutions of higher education from ones that fostered spirited debate to a place of extreme censorship, where students are silenced for the smallest of things. […]We will end the political correctness and foster free and respectful dialogue. » Il n’a pas expliqué comment il s’y prendrait et divers observateurs ne croient pas qu’un président puisse influencer ce mouvement.
  • Il veut réduire les règles de l’État en matière d’éducation.  D’après lui, la conformité à ces règles coûte cher aux colleges et universités.  Il croit qu’en limitant la réglementation fédérale les institutions d’enseignement feront des économies qui permettront de réduire les frais de scolarité galopant aux États-Unis.
  • Il a mentionné vouloir abolir le Département de l’Éducation (ce qui est peu probable puisque cela requérait un vote au Sénat), mais il souhaite certainement en diminuer la taille.
  • Des universitaires s’inquiètent de réduction des budgets de recherche et autres mesures d’austérité proabables.

D’après le site Politico, les principaux prétendants au poste de Sécrétaire d’État à l’éducation seraient Ben Carson, neurochirurgien et candidat Républicain défait, de même que Gerard Robinson, Fellow de l’American Enterprise Institute (Tomason et  Zamudio-Suaréz, 2016; Stratford, 2016).  Il semblerait que M. Trump ne souhaite pas d’un Sécrétaire d’État qui provient du monde de l’éducation, mais favoriserait plutôt quelqu’un du monde des affaires.

Il est vrai qu’un fort courant d’anti-intellectualisme traverse le discours du président élu et que les électeurs ayant voté pour Trump sont principalement des hommes blancs, sans éducation supérieure:

« “That’s the risk of trying to appeal to the everyday man, by de-emphasizing the importance of education, you run into a situation where education is put on the back burner and then institutions of higher education experience significant cuts and then we have trouble preparing the next generation of voters,” Ms. [Franita] Tolson [a professor of voting rights at Florida State University’s College of Law] said. “I do see it as probably the biggest and honestly the saddest fallout of how our political system has developed.” » (DeSantis et al., 2016)

Depuis l’élection, et pendant toute la campagne, les campus universitaires sont le théâtre de nombreuses manifestations partisanes et protestations.  Certains formateurs s’inquiètent de la difficulté à maintenir un débat intellectuel serein dans ce contexte:

« [C]olleges are realizing that preparing students for the contentious discussions sparked by the election is the primary work of higher education. The challenge will be in accomplishing that goal in an environment with such charged opinions between various groups of people that may share many interests but differ in their lived experience and political views. » (DeSantis et al., 2016)

À l’inverse, John R. Thelin de l’Université du Kentucky, auteur de A History of American Higher Education (Johns Hopkins University Press), se fait plutôt rassurant:

“If Donald Trump wins the presidency, the losses for higher education will not be as dire as feared by higher ed advocates,” Thelin said. “The strengths and weaknesses of U.S. higher education are deep and, hence, impervious to any single candidate or election. » (Jaschik, 2016)

Enfin notons que, devant l’incapacité des chercheurs universitaires à prédire correctement les résultats de l’élection (ou ceux du Brexit), le Pr Rob Ford, spécialiste des sondages à l’Université de Manchester, a fait sur Twitter ce mea culpa en leurs noms: « We have failed consistently to give you an accurate account of what is out there. We aren’t the only ones, but as academics it is our job… » (Times Higher Ed, 2016)

Sources:

« Donald Trump as US president: what it means for higher education – live blog », Times Higher Ed, 9 novembre 2016

DeSantis, Nick, Eric Kelderman, Andy Thomason et Fernanda Zamudio-Suaréz, « Trump’s Surprise Victory Sends Shock Through Higher Ed », The Chronicle of Higher Education, 9 novembre 2016

Jaschik, Scott, “Trump Victory Jolts Higher Ed“, Inside Higher Ed, 9 novembre 2016

Kolowich, Steve et Andy Thomason, “Donald Trump Actually Talked About Higher Education on Thursday. Here’s What He Said.“, The Chronicle of Higher Education, 14 octobre 2016

Stratford, Michael, « What Donald Trump’s stunning win means for education », Politico, 9 novembre 2016

Thomason, Andy et Fernanda Zamudio-Suaréz, « Daily Briefing », The Chronicle of Higher Education, 10 novembre 2016

Reconnaître les contributions à une publication scientifique
L'industrie de la transformation des locaux
+ posts

À propos de l'auteur

Jean-Sébastien Dubé

1 commentaire

Laisser un commentaire