Malgré quelques avancées depuis une dizaine d’années, il semble qu’on n’ait pas encore trouvé les bonnes conditions pour encourager les professeurs à s’investir en pédagogie universitaire. C’est du moins ce que déplorent deux professionnelles qui se questionnent sur ce qui nuit au développement pédagogique des profs. Elles identifient quelques facteurs négatifs, dont
- un manque de réelle valorisation de la pédagogie universitaire et son pendant : la survalorisation de la recherche;
- la préférence des administrateurs et des professeurs pour le format d’ateliers avec spécialistes alors qu’il n’est pas le plus approprié pour favoriser des apprentissages en profondeurs;
- la sensibilité extrême de certains professeurs à toute forme de remise en question de leur enseignement, surtout si elle provient de non-professeurs;
- une « aversion » pour le « jargon » pédagogique.
Le sujet de la pratique réflexive sur son enseignement a été abordé lors du 8e Colloque des Questions de pédagogie dans l’enseignement supérieur (QPES) à Brest, du 17 au 19 juin 2015 et ce, par une question sur l’innovation. C’est ainsi qu’on apprend ce que fait depuis 2012, l’Institut Lasalle Beauvais (école d’ingénieurs en France)
- la pédagogie a été réinscrite dans le plan stratégique de l’établissement, et un conseil de perfectionnement en pédagogie, qui se réunit une fois par an, a été créé;
- Un “rendez-vous pédagogique” a lieu une fois par mois autour de thèmes tels que l’évaluation interactive d’un rapport de stage, le cours idéal ou encore l’évaluation des apprentissages. Objectifs : échanger sur les pratiques pédagogiques et les difficultés rencontrées. Entre 25 et 30% du corps enseignant qui se compose d’une centaine d’enseignants-chercheurs a déjà participé à ce type de rencontre;
- Trois jours de formation continue facultatifs, mais obligatoires pour la petite dizaine de nouveaux entrants, sont également proposés chaque année;
- la création d’une cellule d’appui à l’enseignement et l’embauche de 5 conseillers pédagogiques pour soutenir les nouveaux enseignants et leurs innovations.
À l’Insa de Toulouse, l’INP Toulouse, les Mines d’Albi et l’ISAE, on a ciblé les professeurs nouvellement embauchés :
on leur offre formation sur 10 jours la première année, et 5 jours la deuxième année. “Nous commençons par expliquer ce qu’est la pédagogie, nous les aidons à construire un enseignement, et nous travaillons sur les bonnes pratiques dans l’enseignement traditionnel sans aller tout de suite sur l’innovation. Petit à petit, nous introduisons des notions de pédagogie active.” Le cycle se termine par deux journées autour de l’apprentissage par problèmes et par projets.
Une phrase m’a frappée : [c]’est l’évaluation des enseignements par les étudiants, mis en place depuis une douzaine d’années, qui sert d’indicateur qualité. Bien qu’elle semble pleine de bons sens – on aimerait y croire, cette affirmation ne prend aucunement en considération le fait qu’un certain nombre d’étudiants n’apprécient pas les innovations parce qu’elles exigent d’eux de sortir d’une passivité pour devenir participants à leur formation. Il n’est pas rare que les évaluations des cours où les enseignants ont fait preuve d’innovation dans leurs approches soient négatives, du moins au début.
Sources –
Bali, Mah et Bessette Skallerup, Lee. Towards a Critical Approach to Faculty Development. Hybrid Pedagogy (blogue). 23 juin 2015.
Taquet, Morgane. Comment former des profs innovants? EducProfs.fr. 23 juin 2015.