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Le doctorat français : un bras de fer s’annonce

Le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a proposé un Arrêté fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat.

Si tout le document mérite d’être lu (pour comprendre comment fonctionne la formation doctorale en France), seuls les passages qui ont soulevé les passions sont présentés pour les fins de la présente dépêche.

Extraits de l’Arrêté proposé Réactions
Article 1. Le diplôme de doctorat peut s’obtenir dans le cadre de la formation initiale et la formation tout au long de la vie. Il peut notamment s’obtenir par la voie de l’apprentissage ou par la voie de la validation des acquis de l’expérience. Confédération des jeunes chercheurs (CJC) – Nous ne sommes ainsi pas opposés par principe à la validation des acquis de l’expérience (VAE) pour valider un doctorat ou à la mise en place de doctorats à temps partiel. Mais il faut bien encadrer ces pratiques afin de préserver la qualité et l’unicité du doctorat. On imagine très bien un directeur doctoral demander à son doctorant de trouver un travail alimentaire pour financer sa recherche et de faire valider ensuite cette expérience au titre de la VAE.
Article 2. Une école doctorale peut, le cas échéant, associer des unités de recherche ou des équipes localisées hors du regroupement en s’appuyant sur un projet scientifique cohérent.
Article 3, Assurent une démarche qualité de la formation, mettent en place des comités de suivi individuel de la formation doctorale, garantissent un encadrement doctoral professionnalisé, en promouvant notamment une formation des directeurs de thèse; Selon Pierre Dubois, sociologue et blogueur, cet arrêté traduit une méfiance à l’égard des directeurs de thèse et discrédite l’habilitation à diriger des recherches et la qualification par le CNU. 
Article 4.   Dans le cadre de leur politique, les Écoles doctorales mettent en place des dispositifs spécifiques afin d’organiser une évaluation des formations et des enseignements notamment au moyen d’enquêtes régulières auprès des doctorants. Cette évaluation est organisée dans le respect des dispositions des statuts des personnels concernés. Pierre Dubois – Même défiance par rapport aux directeurs de recherche.
Article 13. Un comité de suivi individuel de la formation veille au bon déroulement du cursus en s’appuyant notamment sur la charte du doctorat établie au moment de la première inscription.   Pierre Dubois – Défiance et encore défiance. Qui va accepter de participer à un comité de suivi ?L’UNEF (Union nationale des étudiants de France), de son côté, applaudit cette initiative.
Article 14. La préparation du doctorat s’effectue en 3 ans maximum.   L’UNEF s’oppose à la limitation de la durée de la thèse à trois ans prévue dans le projet d’arrêté. Une thèse dure en moyenne 4 ans et 2 mois. Cette durée peut s’expliquer tout d’abord par la volonté de certains laboratoire, faute de financements et de postes titulaires, de maintenir des jeunes chercheurs sous un statut précaire mais elle s’explique également par la faiblesse des moyens alloués à la contractualisation des doctorants : aujourd’hui 50% des doctorants de sciences humaines ne trouve pas de financement et le salariat alimentaire provoque un prolongement de la durée de la thèse et parfois son abandon.
Article 15. Un portfolio du doctorant comprend la liste individualisée des activités du doctorant durant sa formation. Il est mis à jour régulièrement par le doctorant en accord avec son ou ses directeurs de thèse. Il est transmis au jury par le directeur de l’école doctorale avant la soutenance de la thèse. Pierre Dubois – Auto-flicage du doctorant pendant toute sa thèse.
Article 16. La direction de la thèse peut également être assurée sous forme de co-direction instaurée par convention entre un ou deux directeurs de thèse répondant aux conditions fixées ci-dessus et un praticien ou créateur reconnu pour sa notoriété et ses compétences. La proposition de codirection est soumise à la décision du chef de l’établissement accrédité, sur proposition du directeur de l’école doctorale. Dans ce cas, les doctorants sont placés sous la responsabilité scientifique des co-directeurs de thèse. Pierre Dubois Défiance à l’égard des directeurs.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que Pierre Dubois, professeur de sociologie à la retraire et blogueur sur Histoires d’universités, est virulent contre des pratiques qui existent ici au Québec et semblent donner des résultats positifs.

De son côté, l’UNEF (Union nationale des étudiants de France), le syndicat des étudiants, applaudit plusieurs éléments du nouvel arrêté proposé :

  • une définition plus claire du rôle du directeur de recherche,
  • la création d’un comité de doctorants,
  • des bases pour l’interdisciplinarité,
  • une formation à la recherche
  • une formation à la pédagogie.

Pour la Confédération des Jeunes Chercheurs (CJC), qui comprend 40 associations adhérentes des doctorants et des nouveaux docteurs de toutes les disciplines avec pour objectif de représenter et défendre les intérêts des jeunes chercheurs et de promouvoir le doctorat, l’arrêté est incompatible avec la réalité d’un doctorat régi par un contrat de travail. Le vocabulaire est très estudiantin. Il porte la vision du doctorat comme étape de formation et non comme travail professionnel de recherche. Ses objectifs sont intéressants : promouvoir le doctorat comme expérience professionnelle, confirmer la place d’excellence du doctorat aux niveaux national et international. Mais les déclinaisons techniques de ces objectifs ne sont pas à la hauteur. Le texte parle par exemple d'”insertion professionnelle” alors que le doctorat est une expérience professionnelle… On peut en déduire que la CJC ne considère pas les doctorants comme des étudiants. C’est pour le moins une position plutôt inconnue au Québec.

L’arrêté n’a pas encore été adopté. Il y a fort à prévoir qu’il ne le sera pas sans un bras de fer.

Bref, à suivre, pour notre propre gouverne.

Sources –

Dubois, Pierre. Doctorat, un arrêté provocateur. Histoires d’universités (blogue). 22 avril 2015.

Monod, Olivier. Doctorat : un projet d’arrêté qui ne passe pas. EducProfs.fr. 24 avril 2015.

UNEF. Nouvel arrêté doctoral : il faut démocratiser et non fermer les portes du doctorat ! Communiqué sur le blogue unef.fr. 4 mai 2015.

 

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Sonia Morin

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