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Une décision récente de la Commission du droit d’auteur du Canada menace le modèle d’affaires d’Access Copyright

La Commission du droit d’auteur du Canada vient de rendre une décision qui limite grandement la licence d’Access Copyright utilisée pour les gouvernements et territoires. Cette décision pourrait avoir des échos dans le monde de l’éducation sur trois fronts : 1) le répertoire, 2) l’utilisation d’une partie non importante d’une oeuvre et 3) l’utilisation équitable.

  1. Le répertoire

Access Copyright aime à dire que son répertoire couvre à peu près tout ce qui a été publié et ce, même si la société de gestion n’a pas encore conclu d’entente avec les auteurs (ce n’est qu’une question de délai selon elle). Par ailleurs, Access Copyright a entente avec moins de la moitié de ses collections pour ce qui est des versions électroniques.

– La Commission a limité le répertoire aux ententes existantes.

  1. L’utilisation d’une partie non importante d’une oeuvre

Access Copyright considère que toute partie, si petite soit-elle, est importante et devrait faire l’objet d’une redevance du droit d’auteur.

– La Commission a pris position : a standard for insubstantial copying: 1 to 2 pages of a work, not constituting more than 2.5 percent of the entire work.

  1. L’utilisation équitable

C’est ici que la décision de la Commission a été la plus percutante. Access Copyright a utilisé toute une série d’arguments que la Commission a rejeté l’un après l’autre en s’appuyant sur les lignes directrices de l’utilisation équitable dont se sont dotées des établissements d’enseignement de tous niveaux.

Comme Michael Geist le note dans sa dépêche du 26 mai, les trois branches du droit d’auteur canadien (la Loi sur le droit d’auteur telle que réformée en 2012, les tribunaux et la Commission du droit d’auteur) tiennent un discours similaire face à l’utilisation équitable : c’est un droit accordé à l’utilisateur.

La commission a identifié un processus en deux temps pour déterminer si des droits d’auteur doivent être payés.

La partie que l’on désire utiliser est-elle NON IMPORTANTE (1 à 2 pages et pas plus de 2,5% d’une œuvre)?

1.  OUI! Alors, on utilise sans aucune autre vérification.  ATTENTION toutefois : la non-importance est parfois difficile à cerner, car elle n’est pas qu’une question de quantité.

2.  NON! Alors, on envisage l’UTILISATION ÉQUITABLE, qui doit répondre à deux conditions :
a) viser l’une des fins prévues par la Loi : étude privée, recherche, critique, compte rendu, communication des nouvelles et, depuis 2012, éducation et parodie ou satire;
b) et remplir 6 critères établis par les tribunaux servant à évaluer l’équité de l’utilisation faite, à la fois en termes qualitatif et quantitatif :

  1. but de l’utilisation : la Commission a reconnu que le but peut servir à d’autres personnes et que plusieurs buts peuvent coexister.
  2. nature de l’utilisation : la Commission a rejeté la notion d’agrégation d’utilisateurs (une organisation) à la faveur d’une utilisation individuelle.
  3. ampleur de l’utilisation : la Commission estime que 10% d’une œuvre est relativement équitable.
  4. existence ou non de solution(s) de rechange : la Commission a statué qu’il n’est pas réaliste de s’attendre à ce que chaque personne qui souhaite reproduire une œuvre soit obligée d’acheter l’œuvre en question. Pensons ici à un livre que se serait acheté un employé et qu’il serait impossible d’emprunter pour en reproduire un extrait…
  5. nature de l’œuvre utilisée
  6. effets de l’utilisation équitable de l’œuvre eu égard à son exploitation commerciale: la Commission estime, à l’instar de la Cour suprême, que la preuve hors de tout doute n’a pas encore été faite quant à l’évidence que l’utilisation équitable entraîne un dommage matériel (pécuniaire) aux détenteurs de droits d’auteurs.

Access Copyright pourrait vouloir en appeler de la décision. Cependant, la décision de la Commission s’appuie sur un travail méticuleux d’analyse de la jurisprudence en la matière.

Pour Geist, il est clair que le modèle d’affaires d’Access Copyright doit s’adapter à la nouvelle Loi et à son interprétation.

Il sera intéressant de voir si cette décision aura un quelconque effet sur la poursuite de Copibec contre l’Université Laval et si Copibec devra, elle aussi, revoir son modèle d’affaires.

NOTE – Le SSF a produit trois outils (toujours en construction) sur le droit d’auteur et les a soumis pour discussion lors d’une activité du Mois de la pédagogie universitaire 2015. On peut les trouver à cette adresse : http://mpu.evenement.usherbrooke.ca/2015/20avril.php. Ils seront également disponibles sous peu sur le site Antiplagiat.  (NDLR : les outils ne sont plus disponibles; pour toute information sur le droit d’auteur, en particulier la déclaration des droits d’auteurs, se rendre sur la page Déclaration des droits d’auteur avec le logiciel DDA du Service des bibliothèques et archives)

Sources:
Geist, Michael. A Licence With Limited Value: Copyright Board Delivers Devastating Defeat to Access Copyright. Michael Geist (blogue). 25 mai 2015.
Geist, Michael. Why The Copyright Board Decision Affirms Canadian Education’s Approach to Fair Dealing. Michael Geist (blogue). 26 mai 2015.

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Sonia Morin

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