Tendances sociétales

Intégrité en recherche : les bonnes pratiques, importantes mais insuffisantes

Selon un sondage Ipsos pour le Forum 2011 Sciences, recherche et société, organisé par Le Monde et La Recherche, 92% des Français font confiance aux chercheurs. Malheureusement, de plus en plus de cas d’inconduite en recherche viennent miner cette confiance. Les rétractions d’articles scientifiques se multiplient et ce, dans tous les pays.

Au-delà des fraudes avérées, on peut recenser de nombreux manquements à l’intégrité scientifique qui sont souvent tolérés, voire acceptés par les milieux de la recherche : sélection des résultats expérimentaux en fonction des idées préconçues, fractionnement des données pour augmenter le nombre des publications, omission de résultats antérieurement publiés, utilisation de tests statistiques inappropriés, etc. Ces fautes, vénielles en apparence, acceptées subrepticement et passivement par les milieux de la recherche, doivent être prises au sérieux car elles ouvrent la porte à des comportements plus graves.

18 chercheurs ont identifié un certain nombre de bonnes pratiques :

  • disponibilité et accès pour tous aux données sources ;
  • protocoles détaillés revus par des pairs ;
  • respect des collaborateurs ;
  • information des personnes se prêtant aux recherches cliniques ;
  • allocation explicite de la paternité des travaux ;
  • respect de l’indépendance vis-à-vis des financeurs ;
  • évitement ou, à tout le moins, déclaration des conflits d’intérêts;
  • consignation des expériences dans des cahiers de laboratoire numérotés appartenant à l’institution et archivés suffisamment longtemps (dans les fraudes, on apprend souvent que les documents sources ont malheureusement disparu !);
  • revues scientifiques demandant d’expliciter la participation précise des signataires d’une publication,
  • vérification de l’absence de plagiat par traitement logiciel des données;
  • affichage de la Déclaration d’intégrité en recherche de Singapour (2010) dans toutes les institutions de recherche…

Mais, surtout, ils insistent sur la nécessité pour les universités et organismes de recherche français de se doter, à l’instar d’autres pays, de chartes et d’outils réglementaires pour encourager l’intégrité et lutter contre la fraude.

Mais tant que les pressions qui « accablent » le monde de la recherche et qui jouent un grand rôle dans cette augmentation des cas de fraude ou d’inconduite en recherche ne feront pas l’objet d’un questionnement en profondeur, on  est en droit de douter de l’efficacité de toutes ces mesures (ou bonnes pratiques).  Il semble bien que la fraude scientifique n’ait pas disparu des pays qui ont adopté plusieurs de ces bonnes pratiques…

 

Source – L’intégrité, une exigence de la recherche. Le Monde Sciences. 15 septembre 2014.

Les 18 signataires de cet article :

  • Alix Jean-Pierre, CNRS honoraire, Board Euroscience
  • Blanchard Alain, université de Bordeaux
  • Bertoye Pierre-Henri, ancien directeur adjoint de l’inspection de l’ANSM
  • Chneiweiss Hervé, directeur de neuroscience Paris Seine, UMR8246 CNRS/U1130 Inserm/ UMCR18 université Pierre-et-Marie-Curie
  • Corvol Pierre, professeur émérite au Collège de France
  • Degos Laurent, ancien président de la Haute autorité de santé, université Paris Diderot
  • Fagot-Largeault Anne, professeur émérite au Collège de France
  • Gillet Germain, vice-président recherche, université Claude-Bernard Lyon 1
  • Hivroz Claire, Inserm  U932, Institut Curie
  • Huriet Claude, sénateur, président honoraire de l’Institut Curie
  • Jouzel Jean, climatologue, président du Mouvement universel de la responsabilité scientifique
  • Le Déaut Jean-Yves, député de Meurthe-et-Moselle, premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, professeur des universités
  • Maisonneuve Hervé, ancien président de European Association of Science Editors
  • Ménard Joël, professeur émérite de santé publique, faculté de médecine Paris-Descartes
  • Mornex Jean-François, université Claude-Bernard Lyon 1
  • Sido Bruno, sénateur de la Haute-Marne, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques
  • Soumelis Vassili, laboratoire d’immunologie clinique et Inserm U932, Institut Curie
  • Villani Cédric, directeur de l’Institut Henri-Poincaré, professeur de l’université Claude-Bernard Lyon 1.

 

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Sonia Morin

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