Pédagogique

Semer la confusion pour mieux faire apprendre?

S’il est communément admis que de présenter le contenu académique de façon claire et précise aide à l’apprentissage, l’expérience menée par Derek Muller dans sa thèse, à partir de vidéos claires et confuses, suggère au contraire que d’entretenir une certaine confusion à propos des concepts auprès des étudiants est associé à un meilleur apprentissage.

Les vidéos claires et léchées n’aideraient pas nécessairement à l’apprentissage car :

  1. Devant un contenu en apparence simple, les étudiants croient qu’ils savent déjà.
  2. Ils déclarent aussi un niveau d’attention à l’écoute plus faible.
  3. Ils ne reconnaissent pas que le contenu présenté est différent de ce qu’ils ont toujours pensé.
  4. De façon plus troublante, non seulement ils n’apprennent rien, mais ils en ressortent même plus confiants et confortés quant à leurs idées et façon de penser, qui sont souvent mauvaises.

La modération a bien meilleur goût

La confusion semée par l’enseignant pourrait être source de dépassement et serait associée à une compréhension plus nuancée et profonde du monde ou d’un phénomène. Mais la confusion n’alimente pas nécessairement l’apprentissage, selon une équipe de chercheurs en psychologie. Elle coïnciderait plutôt avec l’acte d’apprendre. Plus n’est donc pas nécessairement mieux, d’autant que les situations ambigües n’ont pas la cote auprès des étudiants (ni de la population en général). Mais surtout, intégrer des éléments de confusion à ses exposés serait comme étirer l’élastique d’un lance-pierre dans une classe où chaque étudiant a un élastique différent… L’enseignant doit être en mesure d’agir comme modérateur.

Sources :

Kolowich, Steve, « Confuse Students to Help Them », The Chronicle of Higher Education, 14 août 2014

Veritasium, chaîne éducative YouTube, créée par Derek Muller démystifiant ou expliquant différents phénomènes scientifiques

 

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Véronique Bisaillon

2 Commentaires

  • N’est-ce pas ce que l’on appelle le “déséquilibre cognitif”? Mon vieux père me disait toujours commencer ses cours par une question qui déstabilisait les étudiants et les rendait davantage disposés à apprendre…

  • Oui, la mise en garde est très utile : nous ne voulons pas créer chez nos étudiants l’impression de savoir par une trop grande finition au départ. Au-delà des techniques, c’est l’expérience professionnelle qui permet le juste dosage d’inconfort à semer dans l’esprit des étudiants. Trop d’inconfort et ils abandonnent, ne se sentant pas suffisamment compétents pour tout reconstruire. Mais juste assez de «trouble» au départ les motive à «nettoyer» leur construction mentale et les rend ouverts et actifs dans leur apprentissage. Le choix judicieux demande du flair et de l’expérience, encore que le niveau de tolérance à l’inconfort puisse changer d’une cohorte à l’autre… Également, la relation de confiance avec l’enseignant s’avère capitale pour qu’ils consentent à réviser leurs constructions mentales. Enseigner est un art, paraît-il…

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