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Le plagiat nous appauvrit comme société

Hélène Maurel-Indart signe un article dans Le Monde d’aujourd’hui (15 avril 2013) dans lequel elle aborde la question du plagiat sous un angle plutôt inhabituel pour les universitaires préoccupés du plagiat dans les travaux étudiants : les auteurs de livres.  Elle prend appui sur les récents plagiats de Gille Bernheim, qui était grand rabbin de France, pour soulever la question de l’imposture intellectuelle et dénoncer le fait qu’aujourd’hui le nom d’auteur vaut marque ou label, plutôt que caution intellectuelle.

Dans notre société, diplômes et publications servent à ouvrir des portes, à gravir des échelons et à obtenir des postes de haut niveau. Lorsqu’on découvre des plagiats dans les thèses et les publications, toute une communauté se sent flouée, trahie.  Mais il y a plus.  Dans le cas des thèses, c’est l’édifice du savoir qui est mis à mal et qui risque de s’effriter ou, comme le dit Maurel-Indart :

[…] à chaque nouvelle affaire de plagiat, c’est une prétendue pensée originale qui vole en éclats, en paragraphes recopiés, en pages subtilisées, sans autre forme de procès, sans hommage aux auteurs piratés, sans même une once d’autodérision : il ne s’agit pas d’un jeu subtil de plagiat par anticipation façon Oulipo mais d’un acte de foi de pacotille au nom d’une mission trop lourde à accomplir, trop accaparante, si chronophage qu’on rapine chez d’autres des bouts de pensées pour rapiécer la sienne, en mal d’inventivité, pire, en mal de conviction. Avoir des convictions, c’est être convaincu d’une vérité, conquise au gré de lectures patiemment digérées, dûment recensées et fondues en un socle solide où s’érige l’œuvre. Voilà de quoi le livre est le dépositaire. Car les bons livres sont marqués de l’empreinte d’une personnalité d’auteur ouvrant à son tour une nouvelle voie qui fasse sens.

On retrouve dans la citation précédente la description d’une situation [mise en gras par l’auteure de la présente dépêche] qui marque l’environnement professionnel actuel de nombreux secteurs d’activités.  Dans le cas des activités intellectuelles, le nombre et la complexité des enjeux auxquels il faut faire face, la cadence accélérée des changements et des événements  et la vitesse à laquelle il faut y réagir, la somme phénoménale d’informations accessibles, voilà autant d’éléments qui rendent difficile une réflexion approfondie, documentée, convaincue, car cette réflexion demande du temps, cette denrée devenue si rare de nos jours.

Si le plagiat entraîne la perte d’une pensée originale, appauvrissant du coup notre société, il soulève également la question du mode de travail et des valeurs qui caractérisent notre société.

Source – Maurel-Indart, Hélène.  Plagiat : les nouveaux faussairesLe Monde – Idées.  15 avril 2013.

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Sonia Morin

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