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UnCollege.org: la déscolarisation au niveau universitaire

L’émission Médium Large de la première chaîne de Radio-Canada interviewait le 12 mars dernier Dales J. Stevens, auteur du livre Hacking Your Education (Perigee Trade, 2013, disponible en anglais) qui vient tout juste de paraître.

Après être sorti du système scolaire américain pour la durée de ses études secondaires (unschooling), Stevens a tenté l’expérience du college mais a choisi de l’abandonner pour fonder UnCollege.org, un mouvement social visant à réformer le système d’éducation pour permettre à ceux qui veulent réussir sans une scolarité universitaire d’y parvenir.  Selon le jeune entrepreneur et auteur, “we are paying too much for university and learning too little“. Son principal argument pour démontrer l’échec du système, c’est le livre Academically Adrift dont nous avons souvent parlé sur ce blogue.  Il évoque également l’inflation des notes, l’endettement étudiant et le nombre effarant de diplômés américains qui ne parviennent pas à dénicher un emploi qui requiert vraiment des études universitaires.

Sur le site d’UnCollege.org, on peut trouver le “manifeste” de ce mouvement. Outre le coût des études, Stephens en a contre ce qu’il perçoit être une confusion entre le collège et la vie, contre l’idée que l’on ne peut apprendre que dans un cadre institutionnel.  Il rejette la perception que l’expertise n’existe qu’entre les murs des universités et qu’il faut absolument un diplôme pour réussir.  Il ne dit pas qu’il ne faut pas accréditer l’expertise dans certains domaines spécialisés, mais il considère que cette voie ne convient pas à tout le monde.

Stephens semble croire fondamentalement que l’on ne peut divorcer l’apprentissage de la “vie réelle” et que l’on apprend tout au long de la vie.  Il recommande à ceux qui choisirait la déscolarisation de développer une expertise personnelle, de se trouver des mentors, de bâtir un réseau de contacts et de se créer un portfolio en ligne où ils cumuleront leurs expériences professionnelles, puis d’utiliser l’ensemble des médias sociaux pour se faire connaître.

“…I wrote this guide for people who want to learn in the real world and break down the dichotomy between education and life. 

I commend your courage to challenge the societally-accepted path to success. Creating your own education is not easy, but I believe the learning outcomes are greater than simply following the standard path through school. You’ll emerge with a new sense of yourself and the passion, motivation, and confidence to tackle anything you wish. 

Being an educational deviant can be lonely, and that is why I’ve created UnCollege — to support a community of independent learners. The conventional path can be appealing, paved with security, certification, and routine. But where’s the fun in conformity? To succeed you must differentiate yourself through educational deviance”

L’organisation a même mis en place un programme nommé “Gap Year” où l’on propose à une cohorte de 10 personnes d’esprit libre (ayant entre 18 et 28 ans et peu importe leurs antécédents académiques) de débourser 12 000$ et de se développer pendant un an pour mieux se connaître, bâtir des projets, faire un stage…

UnCollege semble s’inscrire dans un mouvement plus large incluant des organisations comme la montréalaise e-180.com et la University of the People qui remettent en cause les modes de fonctionnement éducatifs traditionnels et veulent prendre avantage des possibilités offertes par le Web pour réinventer la manière d’apprendre.

Ce qui semble ici préoccupant, ce n’est pas tant cette initiative somme toute relativement marginale, mais la systématisation de la dévalorisation du cadre universitaire.  UnCollege offre en quelque sorte une trousse pour ceux qui veulent… “en sortir”.  Jumelé avec les MOOC et quelques accréditations parallèles, les voies d’évitement de l’université se dessinent de plus en plus clairement.

Dans un récent texte d’opinion dans le Macleans On Campus, le professeur de littérature Todd Pettigrew s’insurge contre cette tendance à créer une dichotomie entre la vie réelle et les études supérieures – à laquelle les universités participent souvent d’ailleurs.  Comme il l’affirme:

“Anyone who has ever been in university—or at least has been and has tried to be successful there—can attest to the falsehood of this notion. University life is full of both hard work and stress. It is very real. Deadlines are numerous and hard to change. Evaluation is rigorous and frequent and comes not just from one supervisor but by numerous instructors, and a whole new set of them the following year.”

Sources:

Pettigrew, Todd, “University isn’t the Real World?“, Macleans On Campus, 5 mars 2012

Société Radio-Canada,”Pirater son éducation” et “Entretien avec Dales J. Stevens” (7 min 28), Medium Large (émission de radio), 12 mars 2013

Stephens, Dales J., Your Guide To College Deviance: Replacing College with Self-Directed Learning, UnCollege.org (publié sous licence Creative Commons), 2011, 25 pages.

Stephens, Dales J., “The Empowered Learner“, conférence PinNic Festival 2012, Vimeo, 17 min 14.

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Jean-Sébastien Dubé

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